Depuis 2 ans (mars 2020 – mars 2022), l’État a déployé une série de mesures visant à soutenir l’économie et l’emploi dans la crise sanitaire. Ces mesures incluaient un vaste volet « formation », avec un double objectif : profiter des périodes d’inactivité forcée pour développer les compétences des travailleurs, et financer les reconversions. Ces mesures ont-elles porté leurs fruits ? Une étude du Céreq lève le voile sur une dimension capitale de l’aide publique à la formation : l’activité partielle.
Des aides tous azimuts
« Tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et pour protéger nos entreprises, quoi qu’il en coûte », annonçait Emmanuel Macron le 12 mars 2020, avant même le début du premier confinement. Le dernier rapport annuel de la Cour des comptes analyse longuement ces deux années de politiques de soutien et les 560 milliards de dette supplémentaire contractés pour les financer. Certes, l’aide à la formation ne concerne qu’une faible partie de cette somme. À l’échelle du secteur, cependant, les montants déboursés ou mis à disposition représentent un effort important, que l’on peut répartir en 4 catégories :
- Le FNE-Formation;
- Transco (transitions collectives) ;
- L’aide à l’alternance;
- Le développement du CPF.
Les deux derniers postes présentent la particularité de ne pas être plafonnés ni, de ce fait, réellement financés à long terme. À l’inverse, le FNE-Formation et Transco ont été dotés d’enveloppes budgétaires fixes qui n’ont pas été entièrement consommées (voire à peine entamées pour Transco).
L’activité partielle : se former sur le temps d’inactivité
Une autre dépense n’apparaît pas dans cette liste, bien qu’elle soit indirectement liée à la formation des salariés : il s’agit de l’activité partielle. Depuis deux ans, les salariés de certains secteurs (et de tous les secteurs à certaines périodes) bénéficient d’une large prise en charge par l’État des périodes non travaillées. Dès le départ, celles-ci étaient conçues comme pouvant servir à renforcer les compétences des salariés sur leur temps d’inactivité. Pour cela, les autorités ont encouragé la formation à distance et subventionné le développement des compétences via le FNE-Formation.
Cette politique a-t-elle été suivie d’effets ? Les salariés ont-ils réellement utilisé leur temps de chômage partiel pour acquérir de nouvelles compétences ou se perfectionner ? Un Bref du Céreq vient d’être consacré à la question.
L’enquête a été réalisée au printemps 2021 et porte sur les formations suivies entre mars 2020 et mai 2021. En ce qui concerne l’influence des aides et de l’activité partielle, les principaux enseignements sont les suivants.
La formation des salariés s’est maintenue
40 % des salariés ont suivi ou commencé une formation pendant la période, à savoir un chiffre comparable à celui constaté entre mars 2018 et mai 2019. En soi, c’est un résultat très positif : on pouvait craindre que le ralentissement de l’économie et les confinements successifs se traduisent par un recul brutal de la formation. D’un point de vue financier, c’est d’ailleurs ce qui s’est passé : selon nos calculs à partir du Jaune budgétaire 2022, le chiffre d’affaires de la formation professionnelle a reculé de 12 % en 2020 et la dépense désintermédiée des entreprises a perdu 20 % par rapport à 2019.
Selon le Céreq, les salariés ont pourtant suivi autant de formations que l’année précédente. Mais les entreprises ont moins dépensé. Comment expliquer ce paradoxe ? Il y a au moins 3 pistes d’explication complémentaires.
La différence de période en est une : le Jaune comptabilise les achats de l’année 2020, le Céreq couve la période de mars 2020 à mai 2021. Il ne serait pas surprenant que les 5 premiers mois de 2021 aient pu voir un rétablissement des achats de formation.
Deuxième explication : les entreprises ont pu former les salariés elles-mêmes. Un tiers d’entre eux ont suivi des actions de formation en situation de travail (Afest), par exemple. Nous manquons de données antérieures sur l’Afest, mais ce chiffre paraît élevé. À noter que l’Afest a surtout bénéficié aux ouvriers et aux salariés les moins qualifiés.
Troisième explication : les salariés ont suivi des formations moins chères, plus courtes, plus souvent à distance. Sur ce dernier point, l’étude du Céreq apporte des informations intéressantes.
Le distanciel s’est développé
En effet, il semble bien que la stratégie de promotion de la formation à distance ait fonctionné. On se souvient que dès le 17 mars 2020, le ministère émettait le souhait que « l’activité de formation soit maintenue via le déploiement de modalités de formation à distance ». Dès avril 2020, la moitié des formations financées par Pôle emploi pour les demandeurs d’emploi étaient déjà passées au distanciel, et le nombre d’offres de prestations à distance disponibles via Mon Compte Formation avait été multiplié par 2,3 dès le mois de mai.
Le Bref du Céreq nous apprend aujourd’hui que 60 % des salariés qui déclarent avoir été formés pendant la période l’ont été au moins une fois à distance. Et 45 % des formations délivrées relevaient du 100 % distanciel. Malheureusement, l’étude ne nous donne pas de points de comparaison avec 2018-2019 sur ce sujet, et les données comparables pour l’avant-crise font défaut. Il est peu probable cependant que le recours au distanciel atteignait ces niveaux avant 2020.
De façon logique, les formations à distance ont surtout bénéficié aux télétravailleurs, mais aussi aux plus diplômés – qui sont souvent les mêmes.
Les chômeurs partiels ne se sont pas davantage formés
3e enseignement de l’étude : les entreprises qui ont mis en place l’activité partielle ou l’activité partielle de longue durée n’ont pas davantage formé leurs salariés pendant la période. Il semble donc que les dispositifs mis en place, en particulier les subventions du FNE-Formation, n’ont pas produit les effets escomptés.
Source : Céreq
Les cadres des entreprises n’ayant pas connu le chômage partiel ont même davantage accédé à la formation que les autres. Certes, l’effet est inverse pour les professions intermédiaires. Mais pour les employés et ouvriers, l’activité partielle ne se traduit par aucune différence en matière d’accès à la formation. On remarque par ailleurs que globalement, l’accès des salariés à la formation croît avec le niveau de diplôme et avec la place occupée dans la hiérarchie de l’entreprise. Par ailleurs, les ouvriers ont beaucoup plus souvent suivi des formations obligatoires (54 %) que les cadres (21 %). Ces inégalités, bien documentées et qui figuraient parmi les cibles de la réforme, sont toujours très perceptibles 4 ans après celle-ci.
Le niveau d’accès à la formation semble assez étroitement corrélé au pourcentage de salariés ayant reçu une proposition de formation de leur employeur. Les données du Céreq nous révèlent que les cadres et les ouvriers des entreprises qui n’avaient pas recours à l’activité partielle ont un peu plus souvent reçu des propositions de formation de leur employeur que les autres. Globalement, l’activité partielle ne s’est donc pas traduite par un mouvement en faveur du développement des compétences dans les entreprises concernées.
Source : Céreq
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner sur ce blog, les aides à l’alternance et la désintermédiation du CPF ont indubitablement permis de soutenir l’effort de formation au cours des deux dernières années. Les dispositifs de financement des reconversions, en revanche, malgré les souhaits des salariés, n’ont pas eu d’effet exceptionnel à ce jour, qu’il s’agisse de Transco, de Transitions Pro ou de Pro-A. Le financement de l’activité partielle, dont l’effet attendu sur la formation était indirect, était sans doute le canal le plus difficile à évaluer. L’étude du Céreq nous permet de combler cette lacune : si, globalement, les dispositifs en place ont permis de maintenir l’effort de formation des salariés (en nombre de prestations sinon en nombre d’heures), le fait de financer du chômage partiel n’a pas, en soi, suscité de vocations à se former.
Crédit photo : Shutterstock / Katakari
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