Depuis le 24 août, les entreprises peuvent bénéficier, à certaines conditions, d’une aide à l’embauche d’apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation. C’est l’élargissement, dans le cadre des mesures d’urgence liées à la situation sanitaire, d’une mesure de la réforme de 2018 : la création de l’aide unique à l’apprentissage. C’est aussi l’occasion de faire le point, plus généralement, sur la place de la formation dans le plan de relance.
[Article mis à jour le 13 octobre 2021]
La situation en 2024 : Aides à l’alternance : l’apprentissage supplante la professionnalisation
Une aide exceptionnelle à l’alternance jusqu’au 30 juin 2022
La formation fait partie des moyens mobilisés par les autorités pour lutter contre les conséquences économiques et sociales de l’épidémie de Covid-19. Après la prolongation des financements FNE, une nouvelle mesure cible les contrats en alternance : l’aide de 5 000 à 8 000€ à l’embauche d’apprentis ou de salariés en contrat de professionnalisation. Comment fonctionne cette aide ?
Concrètement, il s’agit d’une extension provisoire de l’aide unique à l’apprentissage créée par la réforme du 5 septembre 2018. La loi avait alors supprimé toutes les aides à l’apprentissage pour la remplacer par une seule prestation, réservée aux entreprises de moins de 250 salariés et aux apprentis préparant un diplôme de niveau bac au maximum.
La loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 et les deux décrets du 24 août élargissent quadruplement le dispositif, pour la première année suivant l’embauche du stagiaire :
- A l’ensemble des contrats d’alternance (apprentissage ET professionnalisation) ;
- A toutes les entreprises quel que soit leur effectif (sous conditions au-dessus de 250 salariés) ;
- A tous les diplômes jusqu’au master (ce qui n’exclut que le doctorat) ;
- A 5 000 € pour les moins de 18 ans et 8 000€ pour les stagiaires majeurs, au lieu de 4 125€ en temps normal.
Deux décrets du 26 février 2021 prolongent le dispositif jusqu’au 31 décembre 2021. Un nouveau décret devrait le prolonger à nouveau jusqu’au 30 juin 2022.
A quelles conditions bénéficie-t-on de l’aide ?
Pour avoir droit à l’aide à l’alternance, il faut :
- Embaucher un jeune de moins de 30 ans (au moment de la signature) en contrat d’apprentissage ou en contrat de professionnalisation entre le 1er juillet 2020 et le 31 décembre 2021 (ou jusqu’au 30 juin 2022 si le décret prévu ne change pas les conditions) ;
- Employer moins de 250 salariés, ou, si l’entreprise a 250 salariés et plus, ne pas être assujetti à la Contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA). Rappelons que les entreprises de 250 salariés et plus acquittent la CSA dès lors qu’elles emploient moins de 5% d’apprentis, de salariés en contrat de professionnalisation, de jeunes en VIE et de jeunes en convention Cifre.
Les entreprises de 250 salariés et plus qui ne sont pas soumises à la taxe d’apprentissage (c’est le cas notamment des établissements d’enseignement privé) ou non redevables doivent montrer qu’elles emploient 5% de personnes dans ces situations, ou au moins 3% à certaines conditions. C’est le cas également des entreprises qui passent sous le seuil des 250 salariés en cours d’année.
Dans le cas du contrat de professionnalisation, la formation préparée peut conduire :
- A un diplôme ou titre professionnel de niveau master au maximum ;
- A un Certificat de qualification professionnelle (CQP) ;
- A l’acquisition de compétences définies par l’employeur et l’Opco, en application de l’expérimentation sur le sujet lancée par la réforme de 2018.
Attention : les qualifications simplement reconnues par une convention collective, qui peuvent légalement être préparées dans le cadre d’un contrat de professionnalisation, semblent exclues du dispositif d’aide.
Comment percevoir l’aide ?
Pour bénéficier de l’aide, il faut d’abord que votre Opco ait déposé le contrat d’apprentissage ou le contrat de professionnalisation auprès des autorités.
Pour les entreprises de moins de 250 salariés, cette condition suffit pour percevoir l’aide automatiquement.
Pour les entreprises de 250 salariés et plus, deux étapes s’ajoutent :
- Dans les 8 mois qui suivent la signature du contrat, il faut envoyer à l’Agence de services et de paiement (ASP) une déclaration sur l’honneur comme quoi l’entreprise respecte les conditions d’obtention de l’aide.
- Au plus tard le 31 mai 2022, il faut envoyer à nouveau à l’ASP une déclaration sur l’honneur, portant sur le fait que les conditions ont bien été respectées tout au long du contrat. A défaut, l’ASP pourra récupérer les sommes perçues.
L’aide est versée par mensualités, avant le paiement des salaires : il n’y a pas de trésorerie à assurer. Les modalités sont différentes suivant que le salarié est apprenti ou en contrat de professionnalisation :
- Pour les apprentis, c’est la DSN qui fait foi : si les données le concernant ne sont pas présentes, l’aide doit être remboursée.
- Pour les salariés en contrat de professionnalisation, l’employeur doit envoyer chaque mois le bulletin de salaire du stagiaire à l’ASP. Si le bulletin n’est pas envoyé, le paiement est suspendu le mois suivant.
Combien perçoit-on concrètement ?
L’aide s’élève à 5 000 € pour l’embauche d’un jeune de moins de 18 ans, et de 8 000 € pour un jeune de 18 à 30 ans.
Elle est versée par mensualités tout au long de la première année. A partir de la deuxième année, elle n’est plus attribuée. Pour les embauches en contrat de professionnalisation, le bénéfice s’arrête là. Pour les embauches d’apprentis, si l’entreprise a moins de 250 salariés, elle peut bénéficier de la suite de l’aide unique, qui s’élève à 2 000 € la 2e année et 1 200 € la 3e année.
En pratique, vous percevrez donc, en amont du paiement des salaires :
- 416,67 € (ou 417 €, suivant la règle d’arrondi retenue, avec régularisation à la fin de l’année) par mois pour un stagiaire/apprenti de moins de 18 ans ;
- 666,67 € (ou 667 €) par mois pour un stagiaire/apprenti majeur.
Si vous embauchez un jeune à quelques mois de sa majorité, la mensualité changera à partir du mois suivant l’anniversaire de ses 18 ans. Par exemple, si vous embauchez un jeune le 1er octobre 2020, et qu’il fête ses 18 ans fin décembre, vous recevrez 416,67 € les trois premiers mois, puis 666,67 € pendant 9 mois, soit 7 250 € au total sur l’année.
Rappelons que pour les apprentis, vous bénéficiez également d’exonérations de charges.
Le gouvernement met à disposition un simulateur en ligne. A ce jour, les variables concernant les contrats de professionnalisation ne sont pas à jour et ne tiennent pas compte de l’aide exceptionnelle. Pour l’apprentissage, en revanche, le simulateur permet de se faire une idée, dans le cas où l’apprenti est rémunéré au minimum légal. Quelques exemples :
- L’embauche d’un apprenti de 16 ans reviendra à l’employeur, la première année, à 5 € par mois, déduction faite de l’aide exceptionnelle et des réductions de charges. On passera à 443 € la 2e année, puis 947 € la troisième.
- Pour un apprenti de 20 ans niveau bac, on passe à 6 € par mois la première année, puis respectivement 787 € et 1 119 €.
- L’apprenti de 21 à 25 ans coûtera 162 € par mois, l’apprenti de plus de 26 ans à 897 €.
Pour un apprenti de 17 ans, qui aura 18 ans fin décembre, le simulateur calcule même un coût négatif, mais il s’agit à notre sens d’un bug : le simulateur actualise l’aide en cours d’année, mais pas le salaire de l’apprenti – qui change, lui aussi, le mois suivant l’anniversaire des 18 ans.
Quelle place pour la formation dans le plan de relance ?
La formation professionnelle fait partie des outils mobilisés par le gouvernement dans le cadre du plan de relance. Mais dans quelles proportions ? En plus de l’aide à l’alternance que nous venons de détailler, on connaît les dépenses suivantes :
- Le remboursement des frais de formation des salariés des entreprises recourant au chômage partiel par le FNE-Formation constitue le dispositif le plus visible. Il semble que 150 000 salariés en avaient déjà bénéficié début septembre, à hauteur de 150 millions d’euros. Le plan de relance prévoit d’aller jusqu’à 1 milliard d’euros.
- 7,5 milliards non encore consommés du PIC (plan d’investissement dans les compétences) seraient ciblés vers les formations dans les secteurs prioritaires (industrie, numérique, transition écologique, métiers liés à la santé et au grand âge). La répartition est débattue avec les régions, ce qui laisse entendre qu’une partie des sommes pourraient bénéficier à l’apprentissage.
- 300 millions d’euros iront à la modernisation des organismes de formation (digitalisation des services, amélioration des plateaux techniques).
- Pro-A sera doté de 270 millions d’euros. Mais ce dispositif requiert un accord de branche étendu. Une cinquantaine d’accords ont été déposés, mais tous n’ont pas encore été étendus. La réglementation devrait par ailleurs être adaptée pour permettre des mobilités inter-branches.
- Le CPF de transition bénéficiera d’une rallonge de 110 millions d’euros.
Ces deux derniers dispositifs s’adressent à la reconversion des salariés, une fonction qui risque de s’avérer très demandée dans les mois qui viennent. L’effort semble sous-dimensionné à Bertrand Martinot, qui y consacre un article dans Les Echos. Pour lui, « des centaines de milliers de salariés vont devoir quitter leur entreprise dans les prochains mois ». Pour accompagner leur reconversion, il propose deux mesures simples et « à bas coût » :
- Allonger la durée du congé de reclassement, qui concerne les salariés concernés par un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) dans une entreprise de plus de 1000 salariés. Actuellement de 4 à 12 mois, et de 6 mois en moyenne, il ne permet pas une vraie reconversion. Il passerait à 12 mois minimum, et concernerait les entreprises de 500 salariés et plus.
- Créer un « contrat de reconversion professionnelle » qui permettrait, dans le cadre d’un PSE ou d’un accord de mobilité, de faire la transition entre deux employeurs, avec maintien de la rémunération. Le contrat pourrait durer 18 mois au maximum et être conclu sur promesse d’embauche par le 2e
Ses propositions rejoignent celles du Medef, qui recommande de son côté d’augmenter de 400 millions d’euros la dotation du CPF de transition, et de structurer davantage les reconversions.
La formation professionnelle et l’alternance sont donc bien perçues comme des outils indispensables à la relance de l’économie, par la majorité des acteurs. Les intentions, pour le moment, sont suivies de moyens, qu’il appartient aux entreprises et à leurs services formation de s’approprier. Il reste que sur le plus long terme, nous manquons de visibilité sur l’évolution des dispositifs et des ressources qui leur sont allouées.
Crédit photo : Shutterstock / eamesBot
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