La dépense de formation des entreprises a augmenté de 71 % en 10 ans (Jaune budgétaire 2025)

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Pour la première fois depuis 2014, le très attendu Jaune budgétaire de la formation professionnelle présente un tableau synthétique de la dépense globale de formation, incluant la dépense directe des entreprises. Entre 2014 et 2023, en valeur absolue, les 32 milliards de la formation professionnelles sont ainsi devenus 55 milliards d’euros. En euros constants, la dépense des entreprises a crû de 71% pour atteindre 27,5 milliards. Une augmentation importante qui connaît cependant une stagnation en 2023 – avant, peut-être, une phase de tassement.

Sommaire

Une décennie de brouillard statistique
2014-2023 : une dépense de formation en expansion
    +56% de dépense globale
    Les entreprises financent 50% de la dépense de formation
    58% de l’augmentation entre 2014 et 2023 est le fait des entreprises
    La dépense de formation représente 2% du PIB (contre 1,5% en 2014)
    Les entreprises dépensent 3,7% de leur masse salariale en formation
Les grandes entreprises dépensent 2,6 fois plus que les petites
Les achats de formation se stabilisent à 28,7 Mds€
31,6 millions d’entrées en formation hors apprentissage : léger recul

 

Une décennie de brouillard statistique

Changement de décor pour le Jaune budgétaire 2025 de la formation professionnelle. Après le « quoi qu’il en coûte », puis la recherche d’un maintien de la dynamique enclenchée en matière d’apprentissage notamment, l’heure est désormais aux économies. Le document fournit les éléments de cadrage des arbitrages budgétaires qui s’apprêtent à être votés. Mais avant de faire le point sur les principaux indicateurs de 2023, attardons-nous sur l’évolution de la dépense de formation des différents financeurs entre 2014 et 2023.

Pourquoi ces deux dates ? Parce que la réforme de la formation professionnelle votée en 2014, en mettant fin à la déclaration 2483 dans laquelle chaque entreprise détaillait ses dépenses de formation, a supprimé notre principale source de connaissance statistique sur le sujet. En principe, les données de l’Enquête formation employeur annuelle devaient prendre rapidement le relais. Mais ce n’est que fin 2022 que les chiffres ont commencé à apparaître dans les jaunes budgétaires ; et il aura fallu attendre cette année pour que les données de la dépense globale de formation soient présentées à nouveau de façon synthétique (pour l’année 2023 dans le Jaune 2025).

Bien sûr, les chiffres des dépenses directes des entreprises en 2014 et en 2023 ne sont pas calculés de la même manière. Le périmètre est un peu différent (il inclut les associations, notamment). Par ailleurs, la question posée aux entreprises a changé en 2023 : il ne leur est plus demandé leurs dépenses de formation internes d’une part et externes d’autre part, mais leurs dépenses de formation tout court. Il n’est pas impossible que le chiffre soit un peu sous-évalué, par non-intégration de certaines dépenses internes.

Tous les chiffres cités sont tirés du Jaune budgétaire 2025. Pour certains calculs, nous avons utilisé les valeurs de l’inflation et du PIB annuel (en euros courants) de l’Insee.

 

2014-2023 : une dépense de formation en expansion

Que s’est-il donc passé entre 2014 et 2023 ? Premier constat : quels que soient les indicateurs retenus, la dépense de formation professionnelle a sensiblement augmenté. La part de la richesse nationale allouée au développement les compétences des adultes s’est accrue dans les proportions importantes.

+56% de dépense globale

C’est vrai, bien sûr, en valeur absolue : les 31,6 Mds€ consacrés en 2014 à la formation professionnelle au sens large sont devenus, près de 10 ans plus tard, 55,3 Mds€. Si l’on tient compte de l’inflation intervenue entre ces deux dates, cela représente une augmentation de 56%.

Jaune budgétaire - graphique RHEXIS 1 - dépense de formation totale par financeurs en 2014 et 2023

Les entreprises financent 50% de la dépense de formation

Les entreprises ont consolidé leur première place parmi les financeurs de la formation des actifs, passant de 45% à 50% de la dépense globale. La part des financements publics a régressé, mais cette évolution est la résultante de deux mouvements contradictoires : la contribution des régions s’est réduite de moitié (de 14% à 7%), et les dépenses de formation de  l’État pour les fonctionnaires ne représentent plus que 13% de l’ensemble (contre 17% en 2014).

Jaune budgétaire - graphique RHEXIS 1b - dépense de formation totale par financeurs en 2014 et 2023, en pourcentage


En revanche, les dépenses de l’État, de Pôle emploi (devenu France Travail) et des autres administrations et collectivités, qui représentaient moins d’un cinquième de la somme totale en 2014, financent désormais plus du quart de l’effort de formation.

58% de l’augmentation entre 2014 et 2023 est le fait des entreprises

La majorité de l’augmentation de dépense intervenue ces 10 dernières années provient des entreprises : 58% de la différence entre le niveau de dépenses en 2023 et en 2014 s’explique par les dépenses directes et indirectes (c’est-à-dire via les Opco) du monde économique privé. L’État, le service public de l’emploi et les autres acteurs publics (hors formation des fonctionnaires) comptent pour 40% de l’évolution. Les régions ont vu leur contribution reculer en valeur absolue.

Jaune budgétaire - graphique RHEXIS 2 - contribution des financeurs à l'augmentation de la dépense de formation entre 2014 et 2023

La dépense de formation représente 2% du PIB (contre 1,5% en 2014)

Comment la dépense de formation professionnelle a-t-elle évoluée en pourcentage de la richesse nationale ? Elle gagne un demi-point, passant d’un peu moins d’1,5% du PIB à près de 2%. La part du financement de la formation dans le PIB a donc progressé d’un tiers. La contribution des entreprises rapportée au même PIB a augmenté presque de moitié. Les financements publics nationaux (hors formation des fonctionnaires) ont plus que doublé, tandis que la contribution des régions reculait du tiers. La formation des fonctionnaires et la contribution des ménages sont stables en pourcentage de la production nationale.

 

Jaune budgétaire - graphique RHEXIS 3 - Dépense globale par financeurs en pourcentages, 2014 et 2023

 

Les entreprises dépensent 3,7% de leur masse salariale en formation

Enfin, la dépense des entreprises a augmenté significativement si on la rapporte à la masse salariale. En 2014, le « taux de participation financière » des entreprises de 10 salariés et plus s’élevait à 2,7%. Sur un périmètre plus large (toutes entreprises et associations), le privé dépensait 3,7% de sa masse salariale en formation en 2023.

 

Les grandes entreprises dépensent 2,6 fois plus que les petites

Les réformes de 2014 et 2018 ont eu pour effet de réduire drastiquement les aides aux entreprises de 50 salariés et plus. Elles visaient à inciter les entreprises à investir davantage dans le développement des compétences. Logiquement, la part de la dépense intermédiée – c’est-à-dire celle qui transite par les Opca/Octa en 2014 et les Opco en 2023 – devrait avoir baissé. C’est ce qui s’est produit : la dépense intermédiée est passée de 47,1% de la dépense totale des entreprises en 2013 à 41% en 2023. Mais cette évolution n’a pas été linéaire : en 2020, la part de la dépense intermédiée était descendue à 35%. Manifestement, les aides exceptionnelles à l’alternance ont fait sensiblement remonter la contribution des fonds mutualisés à la politique de formation des entreprises.

Cette évolution a bénéficié aux grandes entreprises, qui ont pu faire financer l’embauche d’apprentis dans une plus large mesure. La part des structures de 1 000 salariés ou plus dans les dépenses intermédiées est ainsi passée de 24% à 31% entre 2021 et 2023. Celle des entreprises de moins de 50 salariés, dans le même temps, s’est maintenue en valeur absolue mais en passant de 40% à 31% des financements mutualisés.

Jaune budgétaire - graphique RHEXIS 4 - dépense de formation par rapport à la masse salariale, par taille d'entreprise

En 2023, les entreprises de 1 000 salariés et plus totalisent plus de la moitié (52%) de la dépense directe des entreprises. Les dépenses de formation des entreprises de moins de 50 salariés ne comptent que pour 15% du total. Si l’on rapporte la contribution à la masse salariale, l’écart est aussi net : les moins de 50 salariés consacrent 1% de leur masse salariale aux dépenses directes de formation, contre 4,2% dans les grandes entreprises. Globalement, en tenant compte des dépenses directes, indirectes, et des remboursements perçus de l’Etat ou des Opco, la part de la masse salariale dédiée à la formation va de 2,2% dans les petites entreprises à 5,8% dans les grandes. Les secondes dépensent donc 2,6 fois plus que les premières par rapport à leurs effectifs – et même plus de 4 fois plus si l’on ne tient compte que des dépenses directes.

 

Les achats de formation se stabilisent à 28,7 Mds€

La dépense de formation des entreprises a donc globalement augmenté sur 10 ans, dans des proportions importantes. Sur le court terme, cependant, 2023 a vu une stabilisation, voire un léger recul, de l’activité de formation.

Le chiffre d’affaires global des organismes de formation a ainsi atteint un plateau en 2023, avec une augmentation de 4% à 28,7 Mds€. L’inflation s’étant élevée à 4,9%, les prestataires de formation ont gagné légèrement moins qu’en 2022.

Cette évolution, cependant, résulte de deux mouvements divergents : la dépense d’apprentissage a augmenté de 11,6%, pendant que les achats des entreprises ne progressaient que de 1,3% – et donc, reculaient sensiblement après inflation.

Jaune budgétaire - graphique RHEXIS 5 - évolution du chiffre d'affaire des organismes de formation

Visiblement, l’activité du secteur de la formation a continué à être portée par les aides exceptionnelles héritées de l’après-confinement. Dans le même temps, les entreprises ont manifestement limité les dépenses de formation. Avec la diminution prévisible des aides publiques, un tassement est prévisible à l’horizon 2025.

 

31,6 millions d’entrées en formation hors apprentissage : léger recul

Les chiffres des entrées en formation confirment ce tableau. Hors apprentissage, le nombre d’entrées en formation professionnelle s’est légèrement contracté, passant de 31,9 M en 2022 (chiffre actualisé) à 31,6 M en 2023. Malheureusement, pour la deuxième année consécutive, le Jaune ne nous donne pas la part des salariés dans ce nombre. Les années précédentes, les salariés ont représenté environ les deux tiers (un peu plus ou un peu moins) des entrées en formation. Nous pouvons donc imaginer que le nombre de salariés ayant entamé une formation en 2023 s’est situé entre 19 et 21 millions, sans que l’on puisse en dire davantage. Leur nombre a probablement été plus élevé qu’avant la crise sanitaire, sans que l’on puisse en être certain.

 

Jaune budgétaire - graphique RHEXIS 6 - évolution des entrées en formation

Par public ciblé, la dépense publique ou mutualisée en faveur de la formation n’a pas connu de bouleversement majeur en 2023. La part dévolue aux salariés recule légèrement. En tenant compte de l’inflation, elle passe probablement en-dessous de son niveau de 2018. La dépense d’apprentissage (l’essentiel du poste « jeunes ») progresse de 8,4%, avec l’augmentation du nombre d’entrées en apprentissage et le dépassement du million d’apprentis en cours de contrat au mois d’octobre 2023.

Jaune budgétaire - graphique RHEXIS 7 - évolution de la dépense de formation par publics ciblés

 

Sur le long terme, le Jaune budgétaire 2025 nous permet donc de mesurer l’augmentation significative de la dépense globale de formation professionnelle, et au sein de celle-ci la montée en puissance de la contribution des entreprises. Des mouvements de fond poussent dans cette direction : économie de la connaissance, mutation des métiers, mais aussi réformes encourageant l’investissement formation.

À court terme, cependant, le désengagement partiel des pouvoirs publics après la période post-Covid, mais aussi les restrictions financières des entreprises en période d’incertitude économique, expliquent la stagnation de la dépense en 2023. Qui pourrait bien s’avérer l’amorce d’une contraction des dépenses en 2024-2025. Espérons que celle-ci restera modérée et que les entreprises ne seront pas obligées – ou ne feront pas le choix – de sacrifier l’indispensable investissement dans les compétences.

Crédit photo : Shutterstock / Daniele Mezzadri

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