Après être passé sous la barre des 15 Mds€ en 2020, le chiffre d’affaires des organismes de formation (hors apprentissage) frôle les 18 Mds en 2021, selon les données du Jaune budgétaire pour 2023. Boostée par les aides à l’alternance et par le CPF, la dépense globale en formation professionnelle bondit de 35%, à 28,2 Mds€. Le Jaune 2023 marque également la sortie du brouillard statistique sur les dépenses totales des entreprises – avec une bonne surprise à la clé.
Les achats de formation explosent en 2021
Il y a un an, nous terminions notre article sur le Jaune budgétaire 2022 sur ces mots : « l’année 2020 a marqué un recul important de l’activité de formation. S’agit-il d’une tendance longue, ou d’une simple conséquence de la crise sanitaire ? La reprise de l’année 2021 inversera-t-elle le mouvement ? » Nous avons notre réponse : la tendance s’est résolument inversée.
En 2021, les organismes de formation ont vendu pour près de 18 Mds€ de prestations hors apprentissage, contre 14,7 Mds€ en 2020. Cela représente une progression de 22,2% en un an. Surtout, les achats de formation ont renoué avec la croissance interrompue par la crise : ils s’établissent à 8,9% au-dessus du niveau de 2019.
Au total, le chiffre d’affaires des organismes de formation se monte à 23,5 Mds€, en incluant l’apprentissage, contre 17,8 Mds€. En effet, depuis 2019, les CFA sont progressivement devenus « organismes de formation » à part entière, suite à la réforme de 2018. Leur activité est donc désormais comptée avec les actions de formation professionnelle.
La partie « apprentissage » de cette croissance s’explique naturellement par les chiffres spectaculaires de l’alternance, stimulés par les aides exceptionnelles versées par le gouvernement depuis juillet 2020 dans le cadre du plan de relance.
La partie proprement « formation professionnelle » a pu bénéficier de 3 phénomènes :
- La reprise économique ;
- Le rattrapage des formations non effectuées en 2020 ;
- L’augmentation des achats au titre du CPF, qui passent de 747 M€ en 2020 à 1,7 Mds€ en 2021. Il est possible cependant qu’une partie de cette dépense se soit substituée à d’autres financements, par l’entreprise, l’Opco ou Pôle emploi, mais il est difficile de dire dans quelles proportions.
Au total, sur les 23,5 Mds € de chiffre d’affaires des organismes de formation, 5,5 Mds€ proviennent de l’apprentissage, 5 Mds€ des achats directs des entreprises, 4,5 Mds€ des pouvoirs publics.
Des entrées en formation portées par les apprentis et les demandeurs d’emploi
Près de 30 millions de personnes sont entrées en formation en 2021. C’est 23% de plus qu’en 2020, et c’est surtout un retour au niveau d’avant-crise. En 2018, on avait recensé en effet 29 millions d’entrées, mais les apprentis n’étaient alors pas comptabilisés. En déduisant les 733 000 apprentis de 2021, le chiffre est le même.
Ce retour au niveau pré-covid, cependant, est moins marqué pour ce qui est des salariés. Un peu moins de 18 millions d’entre eux ont commencé une formation en 2021, contre 19,7 millions en 2018. Une faible partie de cet écart peut sans doute s’expliquer par des basculements d’embauches en contrats de professionnalisation sur l’apprentissage.
Sur un périmètre différent, celui de la dépense globale de formation (28,3 Mds€ en 2021, 35% de plus qu’en 2020), on constate une légère augmentation de la dépense de formation destinée aux salariés, par rapport au niveau de 2018 (6,57 Mds€ contre 6,31 Mds€). L’essentiel de la hausse très importante des dépenses de formation se concentre donc sur les jeunes et les demandeurs d’emploi. On devine derrière ces deux chiffres l’injection massive d’argent public avec le financement de l’apprentissage et du CPF, qui ont augmenté respectivement de plus de 5 Mds€ et d’1 Md€ en 2021.
Attention cependant : ces chiffres ne comprennent pas les dépenses directes des entreprises.
Dépense des entreprises : des chiffres, enfin !
Depuis la réforme de 2014 et la suppression de la « 2483 », le silence radio régnait pour l’essentiel sur la dépense directe de formation des entreprises – c’est-à-dire la part qui ne transite pas par les Opca (avant 2019) ou les Opco (depuis 2019). Cette dernière dépense, dite « intermédiée », nous est connue. En 2021, elle a connu une augmentation spectaculaire, après un recul en 2019-2019, qui l’a conduite au-dessus du précédent record de 2018 (9,3 Mds€ contre 8,4 Mds€). L’augmentation, là encore, est essentiellement portée par le financement de l’apprentissage (+1,3 Mds€ par rapport à 2020), et secondairement par la reprise des paiements au titre du plan de développement des compétences des entreprises de moins de 50 salariés (+0,3 Mds€).
La nouveauté du Jaune 2023 est la publication des données de l’Enquête Formation Employeur – européenne (EFE-e), qui donne une visibilité sur l’ensemble des dépenses de formation des entreprises, intermédiées ou directes. Les chiffres pour 2021 ne sont malheureusement pas encore disponibles, mais ceux de 2020 sont détaillés. Le périmètre est cependant différent de celui des données administratives d’avant 2015 : il inclut toutes les entreprises et les associations, et ne comprend ni la formation en situation de travail, ni la VAE, ni les bilans de compétences.
En gardant ces différences en tête, nous pouvons donner ces quelques repères :
- Le dernier chiffre disponible de dépenses totales de formation des entreprises était de 14,3 Mds€ en 2014.
- Il y a deux ans, nous avions essayé d’évaluer la dépense totale des entreprises (intermédiée + directe) pour 2018. Nous arrivions à une estimation d’environ 15 Mds€.
- Pour 2020, l’enquête EFE-e donne le chiffre de 17,5 Mds€, dont 6,5 Mds€ de dépenses intermédiées.
L’enquête permet d’avoir une vision plus détaillée de la dépense de formation en fonction des secteurs et des tailles d’entreprise. Malgré la réorientation des fonds mutualisés vers les plus petites structures, les grandes entreprises restent celles qui investissent le plus en formation : les entreprises de moins de 50 salariés consacrent 2,2% de leur masse salariale à la formation, contre 4% pour les entreprises de 1 000 salariés et plus.
Les 3 secteurs les plus consommateurs de formation sont les activités financières, les transports et l’entreprosage, l’information et la communication. L’agriculture et l’hébergement-restauration sont en revanche les moins formateurs.
La collecte se rétablit
Enfin, la collecte des Opco s’est rétablie en 2021, sans revenir au niveau de 2018.
Les versements volontaires, notamment, ont gagné 12,3% par rapport à 2020, après un fort recul en 2020. Rappelons que 2021 était la dernière année de collecte par les Opco : depuis 2022, ce sont les Urssaf qui assurent cette mission.
Ce Jaune budgétaire de la formation professionnelle pour 2023 apparaît chargé de contrastes. La lumière nouvelle faite sur les dépenses directes des entreprises est une excellente nouvelle pour tous ceux qui s’intéressent à l’évolution de la formation professionnelle en France. Dans le même temps, la forme du document s’est dégradée ces dernières années : table des matières non cliquable, sans numéros de pages, erreurs de mises en page qui rendent des parties illisibles… C’est sans doute un détail, mais la navigabilité et donc la lisibilité du document s’en trouve fortement affectée, ce qui pose un problème d’accès des citoyens à l’information.
Surtout, l’impression d’un rétablissement de l’activité à un niveau supérieur à l’avant-crise est sans doute fortement liée à l’ampleur des aides exceptionnelles, en particulier à l’apprentissage. La disparition ou la réduction probables de celles-ci pourraient changer significativement la physionomie du marché en 2023.
Crédit photo : Shutterstock / Viktoria Kurpas
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