Les montants engagés au titre du CPF n’augmentent plus : au 1er semestre 2022, ils se sont élevés à 1,37 Mds€, contre 1,49 Mds€ au 2e semestre 2021. Il est trop tôt cependant pour savoir si les 2,6 Mds€ dépensés en 2022 seront atteints ou dépassés. À l’heure où la pérennité financière du système est en question, la possibilité offerte par la Caisse des Dépôts et Consignation de suivre l’évolution du CPF en temps réel est plus que bienvenue.
Le CPF en « open source »
C’est la bonne nouvelle de l’été : la Caisse des Dépôts et Consignation, qui gère l’interface Mon Compte Formation, a mis à disposition 3 jeux de données en open source, avec des outils d’analyse et de datavisualisation en ligne. Les fichiers concernent les organismes de formation, les entrées en formation et les achats de certification.
Les 2 derniers nous informent sur le nombre de dossiers CPF depuis janvier 2020, les profils des usagers, les certifications préparées, les montants en jeu, la part des différents financeurs… Leurs périmètres respectifs sont un peu différents, mais les grandes masses et les grandes évolutions sont cohérentes. Il est donc désormais possible de connaître l’évolution du CPF quasiment en temps réel. Un luxe quand on pense au temps nécessaire pour disposer de chiffres globaux sur les achats et les dépenses de formation.
Une dépense stabilisée
La base de données sur les dépenses des usagers est mise à jour tous les trimestres. Les dépenses réalisées via le CPF se sont stabilisées au 1er semestre 2022 : la courbe s’infléchit pour la première fois depuis le 2e trimestre de 2020. La dépense reste cependant supérieure à celle du 1er semestre 2021, et il n’est pas impossible que le total de 2022 égale ou dépasse celui de 2021.
Ces montants correspondent à l’ensemble des dépenses de formation générées dans le cadre du CPF, tous financeurs confondus. France Compétences prend en charge l’essentiel du coût : entre 92% et 94% selon les périodes. Le solde est financé essentiellement par le bénéficiaire lui-même et par Pôle emploi.
(année 2022 : 1er semestre uniquement)
La base de données sur les achats de certification est, quant à elle, actualisée tous les mois : les chiffres des 8 premiers mois de 2022 sont déjà connus. Elle porte sur un périmètre plus large et donne donc des chiffres plus élevés (3,16 Mds€ en 2021, 2,14 Md€ entre janvier et août 2022). Il semble que la différence tienne au fait que les dossiers annulés (à l’initiative de l’organisme de formation ou du bénéficiaire) sont inclus, mais nous attendons confirmation de ce point.
Des formations plus courtes et moins chères
Le nombre de dossiers de formation a suivi à peu près la même évolution. Près de 2 millions de dossiers ont été engagés en 2021, et un peu moins d’un million au 1er semestre 2022. Le nombre de bénéficiaires est un peu plus réduit, chacun ayant pu suivre plusieurs formations. Le fichier des achats de certification donne, là aussi, des chiffres plus élevés, probablement dus à l’inclusion des dossiers annulés.
(année 2022 : 1er semestre uniquement)
Quel type de formation ont-elles été suivies ? Pour ce qui est de la durée de formation, le fichier des usagers donne une baisse continue des durées entre 2020 et le premier semestre 2022, avec un effondrement au cours de cette dernière période, passant en un an d’une moyenne de 123 heures à 55 heures. La baisse avait commencé dès le dernier trimestre 2021. A priori, il ne s’agit pas d’un artefact lié au fait que les formations engagées en 2022 ne sont pas finies, les formations clôturées suivant la même courbe que les autres.
(année 2022 : 1er semestre uniquement)
Parallèlement, le coût moyen des formations a lui aussi reculé, d’un peu plus de 1 500 € à un peu plus de 1 400 €. C’est une inversion du mouvement qui s’était dessiné entre 2020 et 2021, période qui a vu une augmentation notable du coût moyen des formations financées par le CPF. Là encore, la baisse a commencé au 4e trimestre de 2021. A noter que le coût moyen des formations présentes dans les deux répertoires s’élève à 2 341 €. La consommation s’oriente donc plutôt vers les prestations éligibles les moins chères.
(année 2022 : 1er semestre uniquement)
Thèmes de formation : bouleversement de la hiérarchie
Que se passe-t-il ? La structure par âge ne s’est pas modifiée : 45% des bénéficiaires continuent à avoir 35 ans ou moins, la même proportion ayant entre 36 et 55 ans. La part des demandeurs d’emploi, en revanche, a légèrement reculé (de 32% à 29%), celle des salariés passant de 60% à 62,5% dans le même temps.
Les formations suivies, en revanche, ont évolué. L’accompagnement à la création/reprise d’entreprise a pris la tête (16,4% contre 9,9% en 2021). Il s’en est davantage financé au cours des 8 premiers mois de 2022 que pour toute l’année 2021. On sait pourtant que cet intitulé recouvre souvent des pratiques frauduleuses, contre lesquelles des mesures ont été prises en 2022.
La part de « permis B » a également augmenté, passant de 13,8% à 15,6%. La création d’entreprise, le permis B et le bilan de compétences, au total, sont passés de 27,4% à 33,3% des formations demandées. Or, il s’agit de prestations courtes (de 20 à 26 heures en moyenne).
Dans le même temps, cependant, les formations en langues sont passées de 18,4% des formations en 2021 à 9,2%. Ce ne sont également des prestations relativement courtes, mais moins (autour de 45 heures en moyenne). Ce recul s’explique probablement par la remise en cause, début 2022, de l’éligibilité de ces certifications aux financements CPF, même si la plupart ont recouvré leur statut depuis. Enfin, les formations informatiques et bureautiques (catégorie assez hétéroclite qu’il faudrait affiner) ont perdu à la fois du terrain et de la durée moyenne, probablement par l’essor de formations courtes de type « tableur Excel ».
Ces 5 premières catégories d’actions représentaient 61,5% des dossiers en 2021 et 56,4% en 2022.
Natanaël Wright, le patron de Wall Street English France, appelait récemment dans les colonnes des Échos à sauver le CPF, menacé par le déficit de France Compétences – 3,2 milliards en 2021, possiblement 5,9 milliards en 2022. D’autres en critiquent le principe même. Dans tous les cas, il va être nécessaire de prendre des mesures dans les semaines et les mois qui viennent, au-delà de la seule chasse à la fraude qui doit faire l’objet d’une proposition des autorités dans les semaines ou mois qui viennent. Les données mises à disposition par la Caisse des Dépôts vont s’avérer précieuses pour monitorer l’effet des politiques, et nous ne pouvons que nous féliciter de l’initiative.
Crédit photo : Shutterstock / MEE KO DONG
Si vous souhaitez vous inscrire à la newsletter mensuelle du blog MANAGEMENT DE LA FORMATION : rendez-vous ici.
Découvrez le site RHEXIS, l’externalisation au service de la gestion de votre formation.
Retrouvez les articles qui peuvent vous intéresser sur des thèmes proches :
- 16M€ : le montant de la fraude directe au CPF
- 1 million de dossiers au 1er semestre 2021 : la spectaculaire ascension du CPF
- Le financement de la formation en péril