Les soft skills sont largement connues, un peu moins bien comprises, et peu évaluées. Elles sont valorisées et font l’objet de formations et d’identification en interne ; mais peu songent à en faire l’évaluation en bonne et due forme. Ce paradoxe, caractéristique de l’ensemble de la formation professionnelle en entreprise, pourrait être en voie de résorption, si l’on en croit les résultats du baromètre 2021 des soft skills réalisé par CSP Docendi.
Notre article sur l’édition 2022 de ce baromètre
Les lacunes de l’évaluation
Que font les entreprises pour développer les soft skills, ou compétences comportementales ? La moitié des répondants du baromètre annuel CSP-Docendi des soft skills déclarent avoir une politique délibérée – formalisée ou non – pour identifier ces compétences en leur sein et les développer. 43% des entreprises ont organisé au moins une formation aux soft skills au cours de l’année écoulée. On monte à 6 sur 10 pour les entreprises de plus de 250 salariés.
Source : baromètre CSP-Docendi 2021 des soft skills
L’appétence des entreprises pour les soft skills (45% des répondants les jugent « stratégiques » pour le développement de l’entreprise, 51% les trouvent « importantes ») ne relève donc pas seulement du discours. Mais ces formations sont-elles associées à une évaluation systématique de ces compétences ? On en est encore assez loin. Seules 14% des entreprises disposent de « méthodes d’évaluation des soft skills (tests psychométriques ou autre type de mesure) ». Ce qui n’est pas surprenant si l’on considère qu’il y a quelques années, seuls 10% des responsables formation déclaraient avoir mis en place une stratégie d’évaluation de la formation (et donc des compétences).
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Source : baromètre CSP-Docendi 2021 des soft skills
Certes, ce qui est mesuré ici est l’évaluation des soft skills en soi, sans que l’on sache si elle intervient avant ou après une action de formation, ou encore indépendamment. Et on constate, justement, que les entreprises qui forment à ces compétences les évaluent davantage : les entreprises qui ont organisé des formations aux soft skills au cours de l’année écoulée sont sensiblement plus nombreuses (25%) à s’être dotées d’outils de mesure. En comptant celles qui s’apprêtent à le faire, on monte à 37%. Compte tenu de la relative difficulté de l’évaluation des soft skills et de la faible propension des entreprises à évaluer en général, c’est une évolution plutôt encourageante.
Les responsables formation en pointe sur les soft skills
Les responsables formation apparaissent par ailleurs comme les plus experts en compétences comportementales dans l’entreprise. 81% d’entre eux connaissent bien ou très bien les soft skills, contre 61% en moyenne, 67% des responsables et collaborateurs RH et 57% des DG.
Source : baromètre CSP-Docendi 2021 des soft skills
Ces chiffres ne sont pas à prendre comme une mesure globale de la notoriété de l’expression « soft skills » : sous-titrée « Les soft skills, leviers de transformation durable pour l’entreprise », l’enquête a été réalisée à l’été 2020 auprès d’un peu moins de 500 professionnels en entreprise, dont près d’une moitié de collaborateurs des services RH et formation. Pour information, le baromètre de la formation 2020 de Centre Inffo ne trouvait que 25% de salariés connaisseurs de l’expression. L’étude Dropbox de février 2020 n’en dénombrait que 20%. Mais leur périmètre est plus large (les salariés pour CentreInffo, les Français pour Dropbox).
En revanche, les chiffres du baromètre CSP-Docendi nous montrent que la notion a bien pénétré les couches dirigeantes de l’entreprise. Elle est surtout monnaie courante chez les responsables formation. Mais qu’entendent-ils par « soft skills » ?
Une vision très « relationnelle » des soft skills
L’expression, rappelons-le, s’oppose aux « hard skills », ou compétences techniques, et désigne l’ensemble des compétences humaines ou comportementales, dont on aurait dit autrefois qu’elles ne s’apprennent pas à l’école. Les répondants du baromètre identifient majoritairement les soft skills aux compétences relationnelles (91%) et émotionnelles (78%). Il s’en trouve nettement moins pour classer dans cette catégorie les compétences cognitives (31%) et organisationnelles (27%). Et pourtant, celles-ci font bel et bien partie des soft skills ; elles en sont même un volet essentiel. On retrouve le même biais en entrant davantage dans le détail des compétences : l’adaptabillité, l’écoute, la communication, la coopération arrivent en tête ; la connaissance de soi, la pensée critique, la faculté d’apprendre sont citées en dernier.
Source : baromètre CSP-Docendi 2021 des soft skills
Les soft skills sont donc associées spontanément à tout ce qui relève des relations interpersonnelles, de l’intuition, de « l’agréabilité ». Les compétences « internes » à l’individu, celles qui permettent d’appréhender le réel, de résoudre un problème, d’aborder une situation ou des connaissances nouvelles, ne sont que très peu identifiées, alors qu’elles font partie des compétences « douces » les plus recherchées : le World Economic Forum classait en 2020 la pensée analytique, la résolution de problèmes complexes, la pensée critique, l’apprenance et la créativité en tête des soft skills les plus recherchées par les entreprises, devant l’intelligence émotionnelle.
Là encore, les responsables formation sont plus « cultivés » que la moyenne sur cette question : ils sont plus nombreux à identifier la faculté d’apprendre à apprendre et la connaissance de soi comme soft skills. Mais leur représentation reste très déséquilibrée en faveur de l’émotionnel et de l’interpersonnel.
Si les soft skills sont identifiées comme un enjeu stratégique pour l’entreprise par 45 % des répondants et 59 % des responsables formation, ils restent perçus comme un enjeu transversal ne nécessitant pas de pilotage centralisé. Seuls 22% des responsables formation s’attribuent la responsabilité des soft skills. Pourtant, le principal obstacle identifié à leur développement est le manque de conviction du management ou de la direction, devant les contraintes budgétaires : il semble donc bien que le pilotage fait défaut. Il reste que 70% des répondants envisagent de programmer des formations aux soft skills dans les 12 mois à venir, et que 74% jugent que la crise sanitaire les a rendues plus incontournables que jamais. Il restera à voir ce qu’il en adviendra dans les achats de formation !
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