Cette semaine ont lieu les dernières discussions préalables à la future loi sur le climat, attendue fin janvier au Parlement. Le rapport de la Convention citoyenne pour le climat, dont une partie des 149 propositions devrait en principe inspirer le projet de loi, cite – précisément – 149 fois le mot « formation ». Alors que près de 4 millions de personnes exercent déjà un métier en lien direct ou indirect avec la transition écologique, que faut-il faire pour adapter les ressources aux enjeux en matière de compétences vertes ? Ces dernières années, les études se sont multipliées sur la question, mais il reste bien des zones d’ombre.
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1 emploi vert pour 26 emplois verdissants
Les emplois verts
Sur le papier, les emplois strictement liés à l’écologie sont relativement peu nombreux, à l’échelle de l’économie. Selon le dernier rapport sur l’environnement en France, on comptait au dernier recensement 142 000 emplois directement « verts », c’est-à-dire correspondant à des « métiers dont la finalité et/ou les compétences mises en œuvre contribuent à mesurer, prévenir, maîtriser, corriger les impacts négatifs et les dommages sur l’environnement ». On y trouve les métiers liés à la production/distribution d’énergie et d’eau (42%), les métiers de l’assainissement et du traitement des déchets (36%), et enfin la protection de la nature et de l’environnement (22%).
Les métiers verts représentent donc 0,5% des actifs. Selon l’Apec, les métiers verts ont représenté 1,6% des offres d’emploi de cadres en 2018, contre 1,2% en 2017. Il ne s’agit là que des emplois de cadres ; or, les métiers verts ne comptent que 20% de bac+3 ou plus (contre 27% pour la moyenne des professions).
Les emplois verdissants
A côté des métiers dédiés spécifiquement à l’environnement, on trouve un grand nombre de métiers dits « verdissants », dont la pratique est affectée et modifiée par les préoccupations environnementales. On les trouve dans tous les secteurs : dans l’agriculture, dans la construction, dans l’industrie, la R&D, les transports. Ils représentent 3,76 millions d’emplois, soit 14% des actifs. On compte ainsi environ 26 emplois verdissants pour 1 emploi vert. Au total, il y a donc 3,9 millions d’emplois verts et verdissants. Et les intentions d’embauche portant sur ces métiers se sont montées à 17% de l’ensemble en 2019.
A noter qu’en valeur absolue, le nombre d’emplois verts et verdissants a stagné entre 2012 et 2017. Il a même légèrement reculé pour ce qui est des seuls emplois verts. Mais dans le même temps, les entreprises de l’économie verte (qui comprennent des collaborateurs n’exerçant pas des métiers verts ou verdissants) ont gagné du terrain.
Les propositions de la Convention citoyenne sur le climat en matière de formation
L’émergence des métiers verts et verdissants s’accompagne, nécessairement, d’un développement des formations aux compétences correspondantes.
Le rapport de la Convention citoyenne sur le climat contient un certain nombre de propositions sur le sujet. Il est possible que l’on en retrouve tout ou partie dans le projet de loi qui sera débattu début 2021. Emmanuel Macron s’était d’abord engagé à transmettre les propositions telles quelles au législateur, avant d’en retirer 3 et de poser des conditions à la transcription des 146 autres. Il faut donc s’attendre à de nouvelles mesures sur la formation pour les entreprises l’année prochaine.
Une partie des propositions « formation » relève des généralités. Au chapitre « produire et travailler », il est précisé qu’il faudra « anticiper la conversion des entreprises, anticiper les transformations sur le marché de l’emploi pour apporter les formations adaptées ». Cela suppose de former et accompagner les salariés qui perdent leur emploi et ceux dont les emplois évoluent, en veillant à valoriser les compétences acquises d’un point de vue RH et salarial. Cet impératif d’accompagnement des salariés dans la transition verte est également valable pour les entreprises, en particulier les TPE-PME.
Ces intentions sont assorties à des propositions plus précises, susceptibles de se retrouver dans la proposition de loi :
- Une nouvelle obligation de formation pourrait être créée : il s’agirait d’ « une formation obligatoire d’une journée aux gestes professionnels et citoyens qui renforcent la lutte contre le changement climatique (dans le plan de formation des entreprises) ». Dans un premier temps, seul un pourcentage minimal des salariés serait ciblé, le pourcentage augmentant ensuite sur 10 ans.
- La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) devrait être développée à l’échelle du pays sur les thématiques de la transition écologique. Cela suppose de lancer une vaste campagne d’identification, par région et par filière, « des secteurs d’activités existants, ceux en transformation, les secteurs qui disparaissent, les opportunités d’activité à développer par région et les régions qui ont les compétences pour les formations, ainsi que les formations à développer dans chaque région ». Le véhicule en serait le Plan de programmation emploi, compétences (PPEC, créé dans son principe par la loi de transition écologique en 2015), dans le cadre duquel on créerait une nouvelle instance partenariale (Etat, collectivités, partenaires sociaux, ONG) pour planifier la reconversion des salariés et entreprises concernés.
- Dans ce but, dans le cadre du PIC, l’Etat pourrait financer « 100 000 formations par an vers les métiers verts et verdissants ».
Le rapport comporte également des préconisations spécifiques à certains secteurs :
- Dans le BTP, il s’agirait notamment de « généraliser et de financer la formation aux nouveaux matériaux et à la pratique interprofessionnelle ». Les rédacteurs recommandent aussi l’ajout de conditions liées à la formation dans le label RGE (Reconnu garant de l’environnement).
- Les chauffeurs routiers auraient l’obligation de se former à l’éco-conduite tous les 2 ans, au lieu de tous les 5 ans.
- Il faudrait enfin prévoir un plan de formation pour les garagistes pour accompagner la transformation technologique des véhicules.
Le rapport comporte enfin un certain nombre de propositions sur la formation dans le domaine agricole, sur la formation des agents de l’Etat et sur celle des citoyens à l’éco-consommation.
L’offre de formation existante
Avec tous ces enjeux en tête, où en est l’offre existante ? France Stratégies et le Céreq se sont posé la question au cours d’une série de webinars qui se sont tenus à l’automne. Sans parvenir à tracer un portrait d’ensemble, les intervenants ont donné des éléments de réponse.
L’Apec (représentée au webinar du 14 octobre par Caroline Legrand) s’est ainsi intéressé aux formations initiales de niveau bac+4, destinées aux cadres, dans une étude sortie en décembre 2019 et présentée lors de l’un des webinars. L’agence en a recensé 414, soit 4,5% de l’offre de formation initiale globale, un niveau stable depuis 2006. Ces formations relèvent massivement des sciences de l’ingénieur (à 68%), et secondairement des sciences humaines et du droit. Si l’on se tourne du côté des 8 000 offres d’emplois cadres relatives à ces métiers parues en 2018, le constat est le même : les compétences techniques sont très recherchées. La QHSE et la prévention des pollutions et des risques représentent plus de la moitié des offres.
Brigitte Trocmé, au nom de la sous-direction des lycées et de la formation professionnelle au ministère de l’Education nationale, a souligné lors du webinar du 4 novembre la difficulté qu’il y a à développer une formation initiale en réponse à l’émergence d’un nouveau métier. En particulier, il faut veiller à rester suffisamment généraliste pour ne pas enfermer les étudiants dans une niche. Elle a rappelé comment, dès 2009, l’Education nationale avait développé une spécialité post-bac de technicien en énergies renouvelables, en réponse à la demande pressante des professionnels du Bâtiment. Ceux-ci se plaignaient en effet de se faire rafler les marchés d’installation de panneaux solaires par les fabricants !
La réponse au besoin de compétences vertes ne se traduit cependant pas uniquement par la création de nouveaux diplômes. Il peut s’agir d’ajouter une option à un diplôme existant, ou encore de réviser les référentiels en place sous l’angle de la transition environnementale. C’est ce qui se pratique pour les formations initiales, mais également dans le domaine de la formation continue : les 300 formations métier dispensées par l’Afpa ont ainsi fait l’objet d’un « verdissement » de leur contenu, selon Gilles Pascal (Afpa), présent à ce même webinar.
La formation aux compétences vertes recouvre une grande variété de thématiques, de la simple sensibilisation aux économies d’énergie jusqu’aux technologies les plus innovantes. Dans les années qui viennent, elle va s’imposer de plus en plus aux entreprises, aussi bien via le marché (par l’évolution technologique et la demande des consommateurs) que sous l’impulsion des pouvoirs publics. Il faut espérer que l’offre sera au rendez-vous, et que le développement des formations digitales et en ligne contribuera à en faciliter la diffusion !
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