Selon le Jaune budgétaire de la formation professionnelle pour 2019, les entreprises ont dépensé, via les Opca, 5,5% de plus en formation en 2016 qu’en 2015. La barre des 8 milliards a donc été franchie. La collecte des Opca, pour l’avant-dernière année de leur existence (2017), a quant à elle progressé de 4,55%. La statistique publique continue ainsi à dévoiler, avec un temps de retard, la physionomie – plutôt rassurante – du marché de la formation après la réforme de 2014. Que nous disent les chiffres à la veille de l’entrée en vigueur d’une nouvelle réforme, celle de 2018 ?
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Comme à la fin de chaque année, les services de l’Etat ont publié la série des « Jaunes budgétaires » : il s’agit des annexes au projet de loi des finances contenant les données sur lesquelles s’appuient les autorités pour concevoir, débattre et voter la loi. Ce Jaune consacré à la formation professionnelle contient comme chaque année des éléments qui intéressent les entreprises à plusieurs égards :
- La dépense des entreprises en matière de formation professionnelle (hors dépenses directes), l’année n-2 (en l’occurrence 2016) ;
- La collecte des Opca au cours de l’année n-1 (2017) ;
- Les résultats des organismes de formation en n-2 (2016).
En 2016, avec une progression de 5,6%, la dépense de formation (tous financeurs confondus, mais hors dépense directe des entreprises) a atteint 26,1 milliards d’euros, soit 1,2% du PIB. La part de la richesse nationale consacrée à la formation professionnelle progresse donc légèrement (1,1% en 2015), pour retrouver son niveau de 2014.
Entreprises : une dépense formation en hausse
Rappel des épisodes précédents : pour la deuxième année consécutive, le Jaune budgétaire nous donne une information tronquée sur la dépense de formation des entreprises. Dans le système qui prévalait avant la réforme de 2014, celles-ci déclaraient l’intégralité de leurs dépenses de formation – via le fameux formulaire « 2483 » – afin de démontrer qu’elles étaient en règle avec leurs obligations légales. Le Jaune compilait ces données. Depuis 2015, l’obligation de dépenses a été considérablement restreinte, et les chiffres se limitent à la partie de l’investissement formation qui transite par les Opca – en incluant toujours, pour les formations financées via les fonds mutualisés, les salaires des stagiaires. C’est ainsi que, par un artifice statistique, les « 32 milliards » de la formation professionnelle de 2014 ont été ramenés à 25,3 milliards en 2015.
Dans ce total, la part des entreprises n’a pas bougé par rapport à l’année dernière : elles demeurent le premier financeur de la formation professionnelle, avec 31% du total et 8,1 milliards d’euros.
La croissance est d’abord tirée par l’augmentation des dépenses en matière d’alternance, qui représentent un peu moins du tiers du total (soit 2,5 milliards). Les entreprises ont investi 5,4% de plus dans l’apprentissage, et surtout 10,5% de plus en professionnalisation. Au total, les deux enveloppes sont équivalentes.
Les dépenses destinées aux demandeurs d’emploi, c’est-à-dire la part de la contribution des entreprises allouée par les Opca et le FPSPP à ces publics, représente quant à elle un peu plus d’un dixième de la dépense des entreprises.
Les dépenses dédiées aux salariés en poste se montent à plus de la moitié (57%) de l’investissement total hors dépenses directes. Elles progressent moins vite (+3,7%) que les dépenses destinées à l’alternance. Mais l’intégralité de leur augmentation est due à l’essor du CPF, lancé en 2015. En 2016, les dépenses liées à la mobilisation du CPF par les salariés font plus que doubler (+123%), à 383 millions d’euros (un peu moins de 5% des dépenses totales). Rappelons que jusqu’à présent, il fallait passer par son Opca pour mobiliser les ressources de son CPF. Ce ne sera plus le cas lorsque la réforme de 2018 sera entrée pleinement en vigueur sur ce sujet (en principe à l’automne 2019).
Opca : la collecte se maintient
L’un des enjeux de la réforme de 2014 était la transformation progressive des Opca en accompagnateurs de l’investissement en formation des entreprises. La réforme de 2018 achève ce mouvement en supprimant leur rôle de collecteur. L’évolution de la collecte volontaire des entreprises fait donc partie des indicateurs très attendus, pour mesurer la pérennité de leur relation à leur organisme de branche (Opca jusqu’en 2018, Opco ensuite).
Jusqu’à 2017 à tout le moins, le test est réussi : après une progression de 4% en 2016, la collecte totale augmente encore de 4,5% en 2017, et franchit la barre des 7 milliards (à 7,3 milliards d’euros). La contribution légale représente l’essentiel de ce montant (5,4 milliards), en hausse de 4,3%, reflet de la reprise de l’économie. Mais les versements volontaires gagnent presque 5% et approchent les 1,4 milliards d’euros. Les versements liés à une convention collective croissent également de 6%, à 525 millions.
Si la tendance se confirme, il y a donc tout lieu de penser que la relation entre les entreprises et les Opco survivra à la réforme de 2018, même si les entreprises de moins de 50 salariés seront désormais les seules à pouvoir solliciter des fonds pour financer leur plan de formation. Le rôle nouveau que les Opco sont appelés à jouer vis-à-vis de l’alternance et en particulier de l’apprentissage joue également dans ce sens.
Marché de la formation : bonne année 2016 pour le privé
Globalement, le marché de la formation est resté stable en 2016. Le chiffre d’affaires des 68 000 organismes existants a progressé de 0,2% par rapport à 2014 (il n’existe pas de données pour 2015).
Mais cette stabilité dissimule un mouvement en ciseaux : les organismes de formation du secteur commercial voient leur chiffre d’affaires gagner du terrain (+3,9%), ainsi que les formateurs individuels, dans une moindre mesure (+0,6%). Deux catégories qui représentent 56% du marché. Dans le même temps, les organismes à but non lucratif (un peu moins du quart du CA du secteur) perdent de l’activité (-2,9%).
La plus forte baisse concerne cependant les formateurs publics et parapublics (-5,3%). Une part de ce recul pourrait s’expliquer par la situation de l’Afpa, qui totalise environ le quart du chiffre d’affaires des organismes publics et parapublics. Même si, paradoxalement, les résultats 2016 (donnés dans le Jaune de l’année dernière) sont plutôt positifs, en matière de nombres d’entrées en stage. On sait cependant que le principal formateur public a connu un recul important de son activité depuis 2011.
Le nombre total de stagiaires (tous organismes confondus) ayant suivi une formation en 2016 dépasse les 26 millions. Ce chiffre est étonnant, puisqu’il est proche de celui de la population active dans son ensemble (29,2 millions). En réalité, il y a de nombreux doublons : les chiffres sont calculés par la Dares à partir des bilans pédagogiques et financiers des organismes de formation. Une personne qui suit deux formations ou plus dans l’année est comptée autant de fois (même, a priori, si elle effectue ses formations dans le même organisme). Plus que le chiffre lui-même, c’est sa progression qui est intéressante : en 1999, on était à 12 millions, soit moins de la moitié du chiffre actuel. L’intensité de l’effort de formation a donc considérablement progressé.
Un réflexe « investissement » en hausse tant de la part des entreprises (versements volontaires) que des salariés (CPF), un développement de l’alternance (alternance et professionnalisation), un marché privé de la formation dynamique : les données du Jaune 2019 donnent plutôt raison aux concepteurs de la réforme de 2018. Il reste à confirmer la tendance, et surtout à développer une visibilité statistique du marché de la formation dans son ensemble, incluant les dépenses « désintermédiées ». Pour le moment, le « Jaune » se contente de renvoyer aux résultats futurs de l’enquête « Acemo » menée par la Dares. Il serait hautement souhaitable que le législateur, à l’avenir, s’appuie sur des données complètes !
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