La formation en chiffres #60 : 57% des salariés ont bénéficié d’un entretien professionnel

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Etes-vous à jour de vos obligations en matière d’entretien professionnel ? Pas sûr, si l’on en croit l’étude publiée par le Céreq sur la question. 57% des salariés déclarent en avoir bénéficié en 2015 ou en 2016. Or, depuis 2014, l’entretien est obligatoire au moins une fois tous les deux ans. Au-delà de la stricte question de la conformité à la loi, qui a bénéficié de l’entretien ? A quoi sert-il ? Remplit-il sa fonction ? L’étude nous en donne quelque idée, au moment où la loi « avenir professionnel » s’apprête à faire évoluer le dispositif.

 

Qu’est-ce que l’entretien professionnel ?

Les partenaires sociaux ont créé le principe de l’entretien professionnel dans leur accord national de 2003, mais ce n’est qu’en mars 2014 qu’il a été inscrit dans la loi et rendu obligatoire pour toutes les entreprises. Depuis cette date, les employeurs doivent donc organiser pour chaque salarié un entretien professionnel au minimum une fois tous les deux ans. Tous les 6 ans, l’entretien en question donne lieu à « un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié », au cours duquel on vérifie que des actions de formation, une promotion et/ou une augmentation de salaire ont bien eu lieu.

L’entretien professionnel a pour finalité de faire le point sur les perspectives de carrière et les projets de formation du salarié. Il ne porte donc pas sur l’évaluation de sa performance et l’atteinte des objectifs. C’est donc un outil RH bien distinct de l’entretien d’évaluation. Il donne lieu à un document écrit qui est remis au collaborateur.

Rappelons également que les salariés doivent être informés au moment de leur embauche du fait qu’ils bénéficieront de cet entretien dans les deux ans. En outre, il existe des cas où l’entretien professionnel doit être proposé systématiquement, même si deux ans ne sont pas écoulés : c’est lorsque que le salarié revient d’un congé exceptionnel (congé maternité ou d’adoption, congé parental d’éducation, congé de proche aidant, congé sabbatique, arrêt longue maladie) ou arrive au terme d’un mandat syndical.

 

Qui a eu droit à « son » entretien ?

Le Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Céreq) a mené l’enquête sur la tenue effective des entretiens professionnels dans les entreprises. L’étude ne nous donne pas une photographie actualisée de la situation, mais se concentre sur des données recueillies à l’automne 2016, dans le cadre de l’enquête Defis. Le questionnaire visait les salariés qui étaient déjà en poste dans leur entreprise en décembre 2013. Les résultats nous renseignent donc sur la part des salariés « en règle » au regard de la première vague d’entretiens professionnels.

Premier constat : seuls un peu plus de la moitié (57%) de ces collaborateurs ont été reçus en entretien professionnel en 2015 ou en 2016. Ce n’est pas peu, mais on est loin d’un déploiement généralisé.

L’effet « taille » joue beaucoup : dans les plus grandes entreprises (au-dessus de 250 salariés), les trois quarts des collaborateurs ont été reçus en entretien professionnel. Dans les TPE (de 3 à 9 salariés), ils ne sont qu’à peine plus du quart.

Cette corrélation n’est pas une surprise, à double titre. D’abord parce que les plus petites entreprises sont moins structurées en matière de ressources humaines. Par ailleurs, ce n’est qu’à partir de 50 salariés que le non-respect de l’obligation se traduit par des sanctions concrètes. L’obligation, rappelons-le, s’applique également aux entreprises de moins de 50 salariés : son non-respect pourra être retenu contre l’employeur en cas de procédure aux prud’hommes, par exemple.

Entretien professionnel par taille d'entreprise - RHEXIS

On peut être surpris par la part finalement assez importante (43%) des salariés de petites entreprises de 10 à 49 salariés ayant participé à un entretien professionnel. Si le souci de conformité a sûrement joué, on ne peut pas exclure que l’outil ait été souvent employé pour son intérêt propre : faire le point sur le parcours et proposer des perspectives motivantes en matière de formation et de développement des compétences. A l’inverse, on aurait pu s’attendre à ce que les plus grandes entreprises aient encore plus largement mis en œuvre l’entretien : elles sont généralement mieux informées, structurées en matière de RH, et incitées par la perspective des sanctions financières à l’horizon 2020.

 

Qu’est-ce que ça change aux pratiques RH ?

Même si l’entretien professionnel est théoriquement distinct de l’entretien d’évaluation, il s’inscrit dans une même logique de formalisation de la relation RH par l’organisation de rendez-vous récurrents, dédiés à chaque salarié. L’étude du Céreq contient à cet égard une donnée très intéressante : la proportion, parmi les salariés qui ont participé à un entretien professionnel en 2015 ou 2016, de ceux qui n’avaient pas eu d’entretien avec leur hiérarchie dans les deux années précédentes. On s’aperçoit que cette part est faible : 15%. Ce qui signifie que dans 85% des cas, l’entretien professionnel a lieu dans une entreprise qui a déjà une « culture » de l’entretien périodique.

Là encore, la taille de l’entreprise compte beaucoup : un tiers des salariés de TPE ayant suivi un entretien pro n’avait pas eu d’entretien avec sa hiérarchie avant l’obligation, mais seulement 8% des salariés d’entreprises de 250 salariés et plus.

Entretien professionnel vs entretien d'évaluation - RHEXIS

Par ailleurs, la pratique de l’entretien annuel était préalablement plutôt dirigée vers les cadres et les salariés des grandes entreprises. Selon des chiffres de 2006, les trois quarts des cadres passaient un entretien d’évaluation, mais seulement un quart des ouvriers non qualifiés. Avec l’avènement de l’entretien professionnel, ces inégalités demeurent : selon le Céreq, un cadre a toujours 1,7 fois plus de chance qu’un ouvrier d’y avoir eu droit en 2015-2016, un jeune (15-29 ans) 1,9 fois plus qu’un senior (plus de 50 ans), un diplômé 1,7 fois plus qu’un non-diplômé, un salarié à temps partiel 1,7 fois plus qu’un salarié à temps plein… Bref, les publics que la réforme souhaitait tout particulièrement cibler et « rendre acteurs de leur parcours » restent relativement moins touchés par cette nouvelle pratique RH.

Mais il y a une autre façon de voir les choses : la répartition des 15% de « nouveaux pratiquants » (qui n’avaient pas eu d’entretien d’évaluation avant) montre que l’obligation a d’abord bénéficié aux salariés les moins « suivis » auparavant : ouvriers, employés, salariés des TPE, non-diplômés, salariés à temps partiel. La loi de 2014 tendrait donc à formaliser davantage les pratiques RH en direction de publics jusqu’à présent moins systématiquement pris en charge.

 

A quoi ça sert ?

Une autre question se pose : qu’est-ce qui se raconte pendant ces entretiens professionnels ? L’exercice a-t-il bien été compris ou se contente-t-on d’ajouter quelques mots sur la formation à l’entretien d’évaluation ? L’étude nous donne des éléments de réponse.

Il s’avère d’abord que la confusion des deux types d’entretien est largement la règle : dans 80% des cas, on a parlé de l’évaluation du travail au cours de l’entretien professionnel. C’est moins le cas dans les TPE (61%) : la pratique de l’entretien, on l’a vu, y est plus souvent nouvelle, et l’esprit de la loi y aura été d’autant plus souvent respecté que l’on cherchait précisément à s’y conformer.

Pour autant, les thèmes consacrés de l’entretien professionnel – à savoir les besoins de formation et les perspectives d’évolution – sont bel et bien abordés dans 8 cas sur 10. Ce qui laisse tout de même un petit cinquième d’entretiens d’évaluation déguisés en entretien pro…

Les entretiens ont-ils été suivis d’effets ? Dans un tiers des cas – et même un peu plus dans les TPE – l’entretien professionnel a débouché sur une formation. Dans un peu plus d’un cas sur dix, le salarié a bénéficié d’une promotion ou d’un changement de poste. Des chiffres assez importants, surtout qu’ils ne mesurent que l’impact immédiat d’un seul entretien pro, celui de 2015-2016.Entretiens professionnels débouchant sur une formation - RHEXIS

 

Que faire si on n’a pas satisfait à l’obligation ?

L’enquête nous révèle donc que 43% des salariés en poste depuis au moins 2 ans fin 2015 n’avaient pas participé à un entretien professionnel en 2015-2016. Or, pour les entreprises de 50 salariés et plus, il faudra être en mesure, en 2020, de justifier pour l’ensemble de ces collaborateurs de la tenue d’un entretien pro tous les deux ans, avec trace écrite. A défaut, dans l’état actuel du code du travail, l’employeur devrait verser à son Opca une contribution de 3000€ pour chaque salarié concerné, afin d’abonder son CPF de 100 heures (3900€ pour les salariés à temps partiel).

En outre, même si l’entretien a eu lieu, l’employeur doit pouvoir justifier que le salarié a bénéficié d’au moins deux mesures parmi une liste de trois : formation, certification/VAE, promotion professionnelle ou salariale. Sous peine, là aussi, de verser la contribution mentionnée ci-dessus.

Sur un effectif important, l’addition peut donc vite s’avérer salée, et des inquiétudes se sont manifestées. En conséquence, le projet de loi de réforme de la formation professionnelle – amendé par l’Assemblée nationale – prévoit actuellement un assouplissement et une simplification du système, en deux points principaux :

  • Au cours des 6 années précédant le 3e entretien professionnel, on ne devra plus justifier, pour le salarié, de « 2 des 3 mesures » que nous venons de détailler. Pour être en règle, il faudra pouvoir montrer que le collaborateur a bénéficié d’une action de formation autre qu’une formation obligatoire. C’est à la fois plus simple et plus incitatif à la formation, mais la référence à la progression professionnelle ou à la certification disparaît.
  • Par ailleurs, le projet de loi prévoit qu’on puisse conclure un accord d’entreprise (ou de branche) pour aménager le rythme des entretiens. En clair, il sera possible d’en prévoir 3 sur 6 ans, et pas nécessairement un tous les deux ans… Les retardataires ont ainsi la possibilité de se rattraper ! Par ailleurs, l’accord collectif peut aussi prévoir des critères d’appréciation du parcours professionnel différents de ceux qui sont inscrits dans la loi, et même une sanction différente pour leur non-respect. Dans quelle mesure sera-t-il possible d’échapper à l’abondement forcé au CPF ? Il est encore trop tôt pour le dire.

 

L’entretien professionnel apparaît ainsi comme un semi-succès : il semble qu’il ait été adopté très majoritairement par des entreprises déjà praticiennes de l’entretien d’évaluation, et qu’il se soit inscrit dans une certaine confusion avec celui-ci. On décèle néanmoins des indices importants d’une évolution des pratiques RH en la matière. A noter que les entreprises équipées de logiciels de gestion RH ont plus souvent organisé des entretiens professionnels que les autres : ce qui montre que la politique de formation et de développement des compétences requiert un certain outillage et une propension à l’investissement dans les RH !

Source : Céreq

 

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