Même si le calendrier est moins immuable qu’autrefois, la fin de l’année reste le moment où beaucoup d’entreprises traitent le recueil des besoins de formation et élaborent leur plan de développement des compétences (ex-plan de formation). Dans la situation extrêmement particulière de 2020, comment les entreprises vont-elles réagir ? Quelles sont les contraintes et les opportunités liées à la crise ? Quels types de prestations vont-elles privilégier ? Deux études tirant les leçons du confinement nous donnent des indications sur les déterminants de ce plan inhabituel.
L’essor inexorable du distanciel et du blended
Le CEO de Microsoft Satya Nadella affirmait dès fin avril 2020 que « nous avons pris deux ans de transformation digitale en deux mois ». En l’occurrence, il ne faisait que commenter les bons chiffres de Microsoft Teams, mais la phrase est restée, pour illustrer le sentiment d’accélération ressenti par tous les acteurs du distanciel. Et de fait, 91% des 600 responsables RH et formation de grandes entreprises interrogés par Unow estiment que le confinement aura eu un effet durable sur la digitalisation de la formation dans leur entreprise. Un chiffre confirmé par le baromètre Cegos, dont les répondants ont estimé à 86% que le distanciel progressait suite à la crise.
Des habitudes ont été prises pendant le premier confinement : près de la moitié des salariés des entreprises interrogées par Cegos ont suivi une action de formation pendant la période, dont 63% en classe virtuelle et 55% en e-learning.
On peut donc s’attendre à ce que les plans de développement des compétences contiennent davantage de formations à distance. De fait, les responsables RH et formation semblent tourner le dos au tout-présentiel : 71% d’entre eux entendent désormais privilégier le blended learning (Unow). Ils en étaient déjà consommateurs : un pourcentage équivalent déclarait déjà il y a trois ans avoir déjà recouru à cette modalité pédagogique. Il s’agit à présent d’une priorité affichée. Ajoutons que c’est un mode pédagogique compatible avec le type de confinement que nous traversons actuellement, puisque les organismes de formation restent ouverts pour les séances en présentiel qui ne peuvent pas être évitées.
Mais le 100% distanciel progresse également dans les esprits : 58% des responsables formation et RH interrogés par Unow considèrent qu’il est « stratégique » d’intégrer des offres de ce type dans le plan de développement des compétences 2021. Seuls 7% jugent cette option « non stratégique ». Le premier confinement a laissé des traces profondes, et a permis aux entreprises et aux salariés de commencer à changer de point de vue sur la formation à distance.
Des thèmes de formation marqués par la crise : management à distance et télétravail…
Le contenu des formations du plan de développement des compétences porte également la marque très forte de la crise que nous traversons. Selon Unow, deux compétences sont priorisées chacune par près des deux tiers des entreprises : le management à distance et l’apprentissage du télétravail – outils, pratiques, organisation. Ces thèmes étaient déjà présents dès le premier confinement : selon le baromètre Cegos, les principaux sujets de nouvelles formations (autres que les formations maintenues ou différées) ont été « Bien télétravailler », « Bien gérer son stress », et « Piloter des projets à distance ».
Unow énumère par ailleurs les compétences-clés que l’on devrait retrouver dans les plans de cette année, et qui devraient logiquement remonter du recueil des besoins :
- 5 compétences liées au travail à distance : animer des réunions, développer son leadership, apprendre, communiquer à l’oral et à l’écrit – dans le contexte du distanciel.
- 5 compétences « incontournables » qu’on retrouvait déjà dans les plans de développement des compétences et qui devraient s’affirmer encore : gestion du temps et des priorités, gestion du stress et du bien-être, intelligence émotionnelle, gestion de projet et gestion de projet agile.
- 3 compétences jusqu’à présent peu représentées dans les plans des entreprises et qui devraient prendre de l’importance : résoudre des problèmes complexes, argumenter pour convaincre, développer sa créativité.
La part représentée par les soft skills dans les plans de développement des compétences est, significativement, en augmentation cette année, à 31% (Unow). Avec les compétences digitales et managériales, elles forment le trio des types de formations privilégiées par les DRH cette année (Cegos).
…ou recentrage sur les fondamentaux ?
Les études Cegos et Unow, cependant, n’évaluent pas la part des formations « métier » et des formations obligatoires dans les pratiques des entreprises : elles se concentrent sur les nouvelles pratiques. Sur ce blog, Natacha de Saint-Vincent (Lefebvre-Sarrut) émettait en juin dernier des prévisions plus pessimistes : « Beaucoup d’entreprises vont aller à l’essentiel, se concentrer sur le rattrapage de leur activité, et donc former leurs salariés prioritairement sur ce qui est directement favorable à leur business. Les formations obligatoires vont perdurer, ainsi que celles qui sont vraiment indispensables à l’exercice d’une activité. Mais les autres risquent de disparaître. » Dans le même temps, les contraintes d’accueil en présentiel, qui réduisent la jauge, et les investissements nécessaires dans un premier temps pour développer l’offre en distanciel risquent d’augmenter les coûts de formation.
Renforcer les compétences métier et veiller à ce que les collaborateurs soient à jour de leurs formations obligatoire : ces préoccupations centrales des politiques de formation continueront vraisemblablement à représenter une large part des plans de développement des compétences. Il faudra attendre de disposer de données sur les achats de formation 2020 pour évaluer la part des « nouvelles compétences » et celle de la consolidation de l’existant dans la consommation des entreprises.
Une chose est certaine : le recentrage sur les fondamentaux ira de toute façon de pair avec un développement du distanciel. Même si les formations obligatoires et métier nécessitant un plateau technique pourront se faire au moins partiellement en présentiel.
Faut-il tabler sur les financements publics ?
Plus d’une entreprise sur deux, parmi l’échantillon interrogé par Unow (entreprises de 250 salariés et plus) a eu ou va avoir recours aux subventions du FNE-Formation. La moitié des DRH sondés par Cegos estiment que le dispositif a permis de maintenir la formation pendant la crise ; plus du tiers pensent même qu’il a entraîné une augmentation des achats de formation.
Peut-on compter sur ces financements en 2021 ? Pour le moment, cependant, il semble qu’une large part des fonds alloués n’aient pas été consommés. Le dispositif a été prolongé, certes sous une forme un peu moins généreuse. Mais on parle tout de même de 70% (cas général des entreprises ayant des salariés en activité partielle) à 80% (cas des entreprises ayant conclu un accord d’activité partielle de longue durée, APLD) des frais pédagogiques remboursés.
Pour les entreprises qui bénéficient de l’APLD, il est possible de tenir compte des financements FNE dans la rédaction du plan : ils seront disponibles pour toute la durée de l’accord. Pour les autres, il est plus difficile de planifier : les mesures du FNE sont reconduites au coup par coup, en fonction de la conjoncture. On sait juste que les subventions cessent d’être accessibles quand l’entreprise n’a plus de salariés en activité partielle. Le mieux est cependant de ne pas compter dessus pour l’année 2021, tout en étant près à les mobiliser le moment venu.
Pour ce qui est des fonds issus du compte personnel de formation, la moitié des DRH envisagaient, selon Cegos, d’abonder les CPF de leurs salariés. 28% pensaient à conclure un accord sur le sujet. Unow donne des chiffres du même ordre. Dans le même temps, les deux tiers des salariés envisageaient de mobiliser leur CPF à court terme. Avec l’ouverture aux abondements des entreprises de l’appli MonCompteFormation en septembre dernier, on peut penser que la co-construction de parcours entre les employeurs et les salariés va prendre de l’importance dans les mois à venir.
Un enjeu à partir de 2021 : anticiper les entretiens professionnels des 6 ans
2020 devait être la première année d’application de l’obligation de formation consécutive à l’entretien professionnel dit « des 6 ans », pour les salariés déjà présents dans l’entreprise en 2014. Les mesures d’urgence liées au premier confinement ont repoussé cette obligation à 2021.
Le plan de développement des compétences 2021, ainsi que les suivants, devront donc tenir compte de cette obligation : il faudra anticiper chaque année l’approche de l’entretien des 6 ans pour les salariés concernés, dans les entreprises de 50 salariés et plus, et veiller à ce que des formations leur soient proposées. Dans ce but, quelle que soit la modalité retenue pour le recueil des besoins de formation – en direct ou via les managers – il pourra être utile de classer les salariés par situation vis-à-vis de l’entretien professionnel des 6 ans.
Les plans de développement des compétences pour 2021 reflèteront les changements intervenus en 2020 : essor du distanciel, thématiques liées aux nouvelles manières de travailler, incitations financières, obligations légales. Ils marqueront également la place importante de la formation dans la réponse à la crise, et son rôle dans la transformation des entreprises. Ils devront néanmoins faire une place à l’imprévu et conserver une certaine souplesse, dans le contexte incertain que nous traversons. L’erreur, en tout cas, serait de faire l’impasse sur la question.
Crédit photo : Shutterstock / Wright Studio
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