Que l’on se place du point de vue de l’entreprise ou de celui du salarié, le premier enjeu d’une formation reste son efficacité. C’est-à-dire sa contribution à changer les façons de faire du collaborateur, au bénéfice simultané de la performance collective de l’organisation et de l’ « employabilité » du salarié. Mais ce type d’évaluation demande davantage que la greffe d’un processus supplémentaire sur des prestations existantes : il suppose de repenser l’ensemble de l’ingénierie de formation. Et ce n’est pas la moindre de ses vertus.
Dans la première partie de ce billet, nous évoquions les différents types d’évaluation de la formation et leur importance respective dans les pratiques des entreprises françaises. Il en ressortait que les Français étaient plutôt en retard en la matière sur leurs voisins européens. Mais aussi que les pratiques restaient souvent très centrées sur l’évaluation « à chaud ». A mesure que l’on parcourt les 4 étapes du modèle de Kirkpatrick – satisfaction de l’apprenant, connaissances acquises à l’issue de la formation, évaluation des acquis en situation de travail, effets sur la performance – les rangs des entreprises qui les franchissent se font plus clairsemés.
L’objet de cette deuxième partie est de s’intéresser plus particulièrement à la troisième de ces étapes, celle de l’évaluation « à froid ». Il s’agit, en somme, de vérifier que la formation a rempli sa fonction : transmettre de nouvelles pratiques à l’apprenant pour renforcer son efficacité dans sa mission.
Une telle démarche sonne comme une évidence, et pourtant, les chiffres sont formels : les entreprises qui ont mis en place des processus pour la réaliser sont une minorité. En effet, selon l’étude Féfaur de 2015 que nous citions dans le précédent billet, même en tenant compte des spécificités des formations, entre 57 et 65% des prestations ne font pas l’objet d’une évaluation formalisée des acquis en situation de travail. Plusieurs considérations plaident pourtant pour qu’on insiste particulièrement sur ce maillon de la chaîne de l’évaluation.
L’évaluation à froid de l’apprenant : le maillon clé
Quand peut-on dire qu’une formation a atteint son but ? C’est à l’usage et sur la durée que l’on discernera si la compétence ou le savoir visés ont été effectivement transmis.. La mesure de cette transmission est tout l’enjeu de l’évaluation à froid. Il en découle que celle-ci, à la différence des 2 premiers niveaux d’évaluation, exige l’anticipation : elle ne peut être menée à bien que si l’on insère l’action de formation dans un processus qui commence en amont et s’achève bien en aval. Elle suppose également d’entrer dans le fonctionnement du service et dans les bénéfices concrets que l’on attend de la formation en matière de comportements à acquérir ou à modifier par le bénéficiaire. Le niveau 3 de Kirkpatrick joue donc le rôle d’un levier important de transformation organisationnelle.
Or, à ce stade, il semble que la majorité des entreprises n’anticipent pas vraiment : 73% ne réalisent jamais, ou seulement rarement, une évaluation préalable des compétences, ce qui réduit considérablement la pertinence de l’évaluation a posteriori. Il paraîtrait pourtant logique de chercher à savoir de quel niveau l’on part avant de déployer une formation. Dans la perspective d’une vraie évaluation des bénéfices, il faudrait même s’efforcer de définir les critères d’évaluation en même temps que l’on choisit la formation.
La valeur ajoutée du responsable formation
Comment concrétiser cette transformation managériale ? Deux personnes jouent un rôle clé dans la réponse : le manager, lorsqu’il est le commanditaire de la formation ; et le responsable formation.
La définition précise de l’objectif de formation, puis la conduite de l’évaluation à froid, supposent l’implication du manager. A cet égard, l’étude Féfaur déjà mentionnée donne des chiffres plutôt inquiétants : seuls 23% des responsables formation ont ainsi pour habitude de négocier en amont les indicateurs de réussite avec les opérationnels. Et 62% de ces mêmes RF montrent du doigt, comme principal frein à une bonne évaluation, l’insuffisante implication des acteurs, en particulier celle des managers opérationnels.
Pourquoi des managers si effacés ? Peut-être, tout simplement, parce que l’exercice est bien souvent très difficile. Sur quels critères évalue-t-on qu’un collaborateur a progressé dans son mode de relation client, dans ses capacités managériales, dans sa gestion du temps, ou même dans son utilisation d’un outil complexe ?
C’est là que l’expertise du responsable formation peut intervenir : en aidant le manager à formaliser son évaluation, à formuler ses attentes et à trouver des moyens et des critères pour mesurer les progrès réalisés. Le RF doit être force de proposition dans ce domaine, quitte à se former lui-même aux techniques d’évaluation !
Un processus managérial complet
Plus généralement, mettre en place une démarche d’évaluation des acquis en situation de travail peut déclencher une série de processus vertueux dans l’organisation. L’évaluation à froid de la formation amène en effet à se poser toute une série de questions sur le rôle de chacune des composantes de l’entreprise, et sur la place du RF en général :
- Elle oblige à faire du collaborateur un acteur à part entière de l’évaluation, en lui offrant l’opportunité de formuler des propositions, des demandes, des remarques sur la formation elle-même comme sur l’organisation dans laquelle il est amené à mettre en pratique ce qu’il a appris.
- Elle est l’occasion d’associer pleinement les managers et les opérationnels à l’action de formation.
- Dans ce processus, le RF a un rôle clé, dans lequel il peut faire valoir toute son expertise. Il doit être à même de poser les bonnes questions aux managers comme aux collaborateurs, pour les amener à préciser le besoin dans sa dimension la plus concrète et la plus mesurable. Ce n’est pas toujours facile, loin de là !
En définitive, au moment où l’on développe la certification, pour d’autres raisons également valables, il est important de sortir l’évaluation en situation de travail d’une logique d’examen. En effet, c’est l’ensemble du processus de formation qui est évalué, pas simplement le collaborateur. C’est en cela, également, que l’évaluation est avant tout un acte de management. Et un champ d’action capital pour le RF de demain.
Crédit illustration : Fotolia/hurca.com
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