Depuis 2022, la collecte des contributions formation et apprentissage est désormais entièrement automatisée et mensualisée via la DSN et l’Urssaf. Toute la collecte ? Pas tout à fait. Une partie des contributions obligatoires à l’apprentissage est annualisée (mais toujours prélevée par l’Urssaf via la DSN). Et la fin février reste marquée, pour les entreprises dont les branches le prévoient, par le versement aux Opco des contributions conventionnelles, et parfois des contributions volontaires. A l’heure où la Cour des comptes se penche avec rigueur sur la gestion de 2 des plus importants Opco, où en sommes-nous du rôle concret de ces opérateurs dans la vie des entreprises ?
Sommaire
Les points de contact entre entreprises et Opco
La collecte des contributions conventionnelles : comment ça marche ?
Et les contributions volontaires ?
Dans l’actualité : l’Opco EP et Akto scrutés par la Cour des comptes
Les points de contact entre entreprises et Opco
Le système de formation s’est métamorphosé en 2014-2019. Avant 2014, les Opca étaient des partenaires incontournables de l’entreprise : ils collectaient les contributions, vérifiaient le respect de l’obligation de dépense, distribuaient les financements, géraient l’accès au DIF (puis au CPF entre 2015 et 2019), assuraient parfois les paiements aux organismes de formation via la subrogation… Après les deux réformes de 2014 et 2018, les Opco, successeurs des Opca, ne gèrent plus la collecte, il n’y a plus d’obligation de dépense, le CPF est accessible directement aux salariés, et seules les entreprises de moins de 50 salariés peuvent bénéficier de financement des actions de formation.
En pratique, les Opco sont devenus, pour l’essentiel, des éléments d’un service public de la formation professionnel, chapeauté par France Compétences et financé par la Caisse des Dépôts. Une grande partie de leur activité est devenue invisible pour les entreprises, et les organisations de 50 salariés et plus peuvent passer l’essentiel de leur existence sans interagir avec leur Opco. Il reste cependant quelques points de contact :
- L’alternance : les Opco sont le guichet pour l’accès au financement des alternants (apprentissage et professionnalisation).
- Le versement des contributions conventionnelles, pour les entreprises qui y sont soumises, et le financement des actions associées.
Au-delà de ces entrées obligatoires, les entreprises ne sont amenées à interagir avec leur Opco que sur la base du volontariat :
- Pour les entreprises de moins de 50 salariés, le financement des actions de formation ;
- Pour les entreprises qui le souhaitent, les versements volontaires et l’accès aux services associés ;
- Pour l’accès à certains services et financements (POE, FNE-formation…).
La collecte des contributions conventionnelles : comment ça marche ?
Le versement des contributions conventionnelles reste donc le dernier vestige de la fonction originelle des Opca, à savoir la collecte des fonds de la formation.
Qui doit verser la contribution conventionnelle ?
Certaines branches ont mis en place, à l’issue de négociations paritaires, des accords professionnels nationaux qui prévoient des contributions conventionnelles obligatoires à la formation. Ces accords :
- Sont élargis par décret, ce qui signifie qu’ils s’appliquent à toutes les entreprises exerçant une activité relevant de la branche concernée, qu’elle soit formellement adhérente de la branche ou non.
- Prévoient souvent des taux de cotisation différents suivant les tailles d’entreprise. Dans certains cas, seules certaines catégories d’entreprises (par exemple celles de 11 salariés et plus, ou au contraire celles de moins de 11 salariés) sont soumises à ces cotisations.
- Donnent droit en contrepartie, sur demande, au financement de certains types d’actions de formation, dans la limite de certains montants. Les accords de branche peuvent ainsi prévoir de financer les formations dans certains domaines qu’elle estime prioritaires.
En pratique, il existe un peu plus d’une centaine d’accords de branche de ce type, sur environ 250 branches représentées au sein des Opco. (Le nombre peut varier, certaines branches regroupant plusieurs conventions collectives, et les différents Opco n’ayant pas la même façon de présenter leurs branches adhérentes).
Le tableau suivant présente l’ensemble des Opco, le nombre de branches adhérentes, le nombre de branches ayant signé un accord prévoyant une contribution formation obligatoire, et les montants collectés à ce titre en 2023. En cliquant sur le nom de votre Opco, vous serez redirigé vers la page « contribution conventionnelle obligatoire » de votre secteur d’activité.
Nombre total de branches | Nombre de branches soumises à versement conventionnel | Contributions conventionnelles en 2023 (M€) | |
Opco EP | 50 | 28 | 84,9 |
Akto | 21 | 10 | 43,3 |
Opco 2i | 29 | 4 | 12,6 |
Constructys | 3 | 2 | 72,2 |
Atlas | 13 | 5 | 46 |
Opcommerce | 20 | 8 | 4,2 |
Afdas | 31 | 13 | 50,8 |
Ocapiat | 49 | 13 | 11,1 |
Opco Santé | 3 | 3 | 86,4 |
Uniformation | 14 | 13 | 117,8 |
Opco Mobilités | 17 | 6 | 39 |
Ensemble | 250 | 105 | 568,3 |
Sources : Sites des Opco (nombre de branches), Jaune Budgétaire 2025 (montant des contributions)
La pratique des contributions conventionnelles est extrêmement variable suivant les branches et les Opco. Les branches constitutives de l’Opcommerce et de l’Opco 2i n’y ont presque pas recours. Unifiormation, l’Opco Santé et l’Opco EP en mobilisent beaucoup.
Comment verser la contribution conventionnelle obligatoire ?
Comme la contribution obligatoire à la formation, la contribution conventionnelle est calculée sur la base de la masse salariale concernée. Chaque Opco a mis en place un portail dédié pour le versement de cette contribution.
La contribution conventionnelle correspondant à la masse salariale de l’année N doit être versée entièrement à l’Opco avant le 1er mars de l’année N+1. Il y a deux exceptions :
- L’Opco Santé prélève un acompte de 25% en septembre de l’année N, puis le solde avant le 1er mars de l’année N+1.
- Constructys fonctionne de façon différente : dans le BTP, la contribution conventionnelle est prévue par le code du travail (article L6331-35). Les cotisations conventionnelles sont déclarées mensuellement en DSN et prélevées chaque mois ou trimestre par Pro BTP.
Les contributions conventionnelles transférées à l’Urssaf ?
Le code du travail prévoit que les contributions conventionnelles peuvent être collectées par l’Urssaf (qui les reverse ensuite à l’Opco) depuis le 1er janvier 2024. Pour cela, il faut que les branches concernées concluent une convention avec l’Urssaf. En pratique, la collecte par l’Urssaf des contributions conventionnelles, pour les branches qui le souhaitent, ne pourra avoir lieu avant le 1er janvier 2026 (selon la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024).
Il est donc encore trop tôt pour savoir si les branches vont se saisir de cette possibilité ou non. Pour les entreprises concernées, cela représente une simplification, puisque l’intégralité des contributions obligatoires de formation pourra ainsi transiter par la DSN.
Rappel : si les contributions obligatoires formation et apprentissage sont bien, en dehors des contributions conventionnelles, déclarés via la DSN et payées à l’Urssaf, toutes ne sont pas mensualisées.
– Le solde de la taxe d’apprentissage est à déclarer (avec les déductions éventuelles des dons en nature aux CFA et de la « créance alternant ») dans la DSN d’avril. La liste des établissements bénéficiaires est ensuite à renseigner via le portail SOLTéA, à partir de la fin mai. Les fonds seront versés automatiquement aux établissements en question à la rentrée suivante.
– La Contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA), acquittée par les entreprises de 250 salariés et plus qui ne remplissent pas certaines conditions en matière d’emploi d’alternants, est ensuite à déclarer dans la DSN de mai.
>> En savoir plus sur la taxe d’apprentissage
Et les contributions volontaires ?
Les contributions volontaires sont versées suivant des modalités propres à chaque Opco. Elles relèvent d’une forme de contractualisation de services, et donc d’une logique très différente. Mais l’utilisation de ces sommes peut donner lieu à des aides de l’Etat et de la région, qui viennent accroître le financement.
Ainsi, en 2023, les opérations financées, via les Opco, au titre des cotisations volontaires, se sont élevées à 1,312 Mds€ (soit 18% de moins qu’en 2022). Mais sur ces sommes, 365M€ provenait de l’Etat et 65M€ des régions. Le montant total des contributions volontaires des entreprises était donc inférieur à 900M€.
Dans l’actualité : l’Opco EP et Akto scrutés par la Cour des comptes
Dans la continuité de ses rapports sur la réforme de 2018 et sur le Plan d’investissement dans les compétences, la Cour des comptes se penche sur le cas de l’Opco EP (entreprises de proximité) et Akto (entreprises à forte intensité de main-d’œuvre), les 2 plus importants Opco en nombre de salariés représentés, et parmi les 2 ou 3 plus importants (suivant les années) en montant de contributions gérées.
Le rapport relatif à Akto est sensiblement plus sévère que celui consacré à l’Opco EP.
Certains reproches s’appliquent aux deux Opco : des coûts mal maîtrisés, un respect insuffisant des règles de la commande publique, un pilotage lacunaire de la masse salariale, un manque de GPEC.
La Cour estime par ailleurs que l’Opco EP a trop recours aux services de cabinets de conseil, alors qu’il dispose de compétences internes. La structuration de l’opérateur est en outre trop éclatée : il faudrait réunir les branches en filières moins nombreuses mais cohérentes. Autre reproche : le conseil d’administration s’occupe de sujets trop secondaires, et devrait se recentrer sur la stratégie.
Globalement, cependant, l’Opco EP « a su relever d’importants défis, à la satisfaction de ses adhérents, dans un contexte de crise sanitaire et de réorganisation ». Ce qui l’a amené notamment à devenir le gestionnaire au national du dispositif « apprentis sans contrats » et à se distinguer dans l’accompagnement et la promotion de l’alternance.
Akto, en revanche, souffre encore d’une structuration inachevée, notamment en outre-mer. L’Opco doit encore « définir une organisation cible et la mettre en place sans délai », mais aussi structurer et sécuriser son système d’information.
L’Opco EP apparaît donc comme une organisation largement fonctionnelle, qui peut faire l’objet d’optimisations. Akto, par contraste, doit encore parachever sa structuration.
Les Opco jouent le rôle d’interfaces entre les entreprises, les branches et le système de formation professionnelle. 6 ans après leur création, il semble cependant que tous ne soient pas encore pleinement déployés et fonctionnels. Pour les entreprises, la relation à l’Opco varie en outre significativement selon qu’elles relèvent d’une branche qui a conclus un accord de financement de la formation ou non.
Crédit photo : Shutterstock / chaylek
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