Repères

À quoi servent les compétences managériales ?

Nul ne met en doute l’importance capitale d’un management performant, et personne n’est contre le développement des compétences managériales. Face à l’évidence d’un besoin stratégique, cependant, l’offre de formation s’est développée dans des proportions intimidantes, dans un contexte où l’entreprise et son responsable formation sont amenées à prioriser leurs dépenses. De quoi parle-t-on donc quand on évoque les compétences managériales, et quelle boussole suivre pour les développer de façon pertinente et opportune, dans un objectif de performance ? Eléments de cadrage.

 

Le management n’est pas un métier, mais plusieurs. Les compétences qu’un manager doit maîtriser varient considérablement suivant le contexte. Selon le niveau hiérarchique (top management, management intermédiaire, management de terrain), le type de population (professions intellectuelles, techniques, manuelles), le secteur d’activité (services, industrie, construction), la culture et l’histoire de l’organisation (entreprise familiale, cotée, étrangère…), le cocktail de compétences à maîtriser peut varier considérablement. Et les compétences les plus universellement nécessaires au manager doivent elles-mêmes être déclinées en situation, adaptées au contexte.

 

Manager s’apprend-t-il ?

Derrière la question des compétences managériales, il y a celle du mode de sélection des managers. Naît-on manager, ou le devient-on ? L’idée du leader-né n’a guère plus cours de nos jours : seuls 3% des professionnels interrogés pour le baromètre Actinuum des compétences managériales défendent encore cette vision. Mais les autres se partagent à peu près équitablement entre ceux qui pensent que tout le monde peut le devenir et ceux qui estiment que certaines prédispositions sont nécessaires.

Le débat est sans doute très théorique, mais il est important dès lors que l’on s’interroge sur la meilleure façon de sélectionner les managers. On rejoint là l’éternelle question : le management est-il un métier à part entière, transversal et trans-sectoriel, ou doit-il être réservé aux meilleurs parmi les experts métier ? Pour manager une équipe d’ingénieurs, vaut-il mieux parachuter un HEC ou faire sortir du rang un vétéran méritant ?

Selon le baromètre, un tiers des entreprises interrogées choisit ses managers principalement parmi les meilleurs experts métier. 5% font appel uniquement à des professionnels du management. La moitié équilibrent les deux filières de recrutement. Une minorité de répondants signale un autre mode de sélection : le choix des plus mauvais experts, à qui l’on trouve une seconde carrière supposée moins nocive de la sorte… C’est la kakistocratie dénoncée par l’universitaire Isabelle Barth.

Un point instructif du baromètre Actinuum est que les entreprises qui privilégient le recrutement d’experts métier aux postes de management ont tendance à moins souvent former leurs managers que les autres. Mais que signifie « former au management » ? Quelles compétences sont-elles visées ?

 

En quoi consistent les compétences managériales ?

L’expression « compétences managériales » recouvre un vaste éventail de réalités. Certains font la distinction entre compétences propres au management et compétences utiles au manager. En pratique, il n’est pas toujours aisé de tracer une ligne précise entre les deux, même si on s’accordera à ranger une formation au leadership dans la première catégorie, et une formation à powerpoint ou à l’anglais dans la seconde.

On peut distinguer 4 grandes catégories de compétences managériales.

  • Des compétences techniques. Il peut s’agir de la maîtrise d’outils logiciels de pilotage et de reporting, de planification, de réunion à distance. Certaines dimensions du métier de manager, comme le management de projet, le management par objectifs, l’évaluation des collaborateurs, ou encore la maîtrise du cadre juridique et RH sont suffisamment codifiées pour être considérées comme des hard skills managériales.
  • Des soft skills. Ici, le champ est particulièrement étendu.

Certaines ne sont pas nécessairement propres au management, même si elles sont particulièrement importantes pour le manager : écoute, intelligence émotionnelle et relationnelle, prise de parole, gestion du stress, créativité, autonomie, confiance en soi, agilité…

D’autres sont plus incarnées dans le métier de manager : prise de décision, capacité à déléguer, leadership, voire courage managérial…

  • Des compétences professionnelles spécifiques liées au contexte métier de l’entreprise et/ou de l’équipe. On y trouve des formations liées à la connaissance même du métier et de ses perspectives de développement ; mais aussi des formations aux valeurs de l’entreprise, à la politique RSE, aux enjeux écologiques de l’activité, à l’évolution du cadre légal…
  • Des compétences thématiques, liées à certaines dimensions du métier – par exemple, le management de la diversité, le management à distance ou hybride, le management interculturel…

« Former aux compétences managériales » peut renvoyer à ces divers types de prestations, qui ne composent naturellement pas un cursus global et cohérent. Il reste à savoir dans quelles situations ces compétences sont développées au sein des entreprises, et quelle place elles occupent au sein du plan de formation.

 

À quels moments former aux compétences managériales ?

Il paraît logique de former les managers, a minima, au moment de leur prise de fonction, d’un changement de poste ou de périmètre du poste. Selon le baromètre Actinuum déjà cité, plus de 8 professionnels sur 10 estiment cependant que l’effort de formation des managers doit être continu, et ne pas se limiter à quelques moments-clés. Mais seules 1 entreprise sur 3, parmi celles auxquelles appartiennent les personnes interrogées, ont développé un tel processus de formation systématique au long cours pour leur management.

En réalité, l’entreprise et son DRH et/ou son responsable formation doivent naviguer entre deux risques :

  • Le risque de sous-évaluer le besoin de formation des managers, et de laisser ainsi se développer des situations sous-optimales voire toxiques par manque d’accompagnement ;
  • Le risque de détourner une part trop importante du budget formation vers des prestations à l’intitulé alléchant mais à l’impact très incertain.

Définir un référentiel de compétences managériales

La réponse passe, comme toujours, par une définition précise des besoins. Mais celle-ci peut difficilement se passer d’un travail de réflexion sur le métier de manager tel qu’il s’exerce au sein de l’entreprise. Et donc, par la définition, sous une forme ou une autre, d’un référentiel de compétences managériales. Quelles sont, à chaque niveau hiérarchique, les attentes particulières en matière de management, eu égard au métier, aux populations concernées, mais aussi aux valeurs défendues par l’entreprise ? Quel est le modèle managérial ? Selon le baromètre Actinuum, 1 entreprise sur 3 a franchi ce cap – c’est-à-dire, celui de l’élaboration d’un référentiel de compétences spécifique au métier de manager.

Identifier ou développer les formations pertinentes

L’étape suivante consiste à aller chercher dans l’offre de formation existante les prestations les mieux à même de développer chaque compétence du référentiel. Lorsque l’offre apparaît inadaptée ou inexistante, la création d’une formation dédiée peut être envisagée – en formation interne ou en partenariat avec un consultant formateur. Seules 14% des entreprises, cependant, ont mis en place un catalogue de formation aux compétences managériales distinct du catalogue général.

Fixer des règles de déploiement

Il reste à répondre à la question la plus délicate : quand faut-il former qui à quoi ? Dans les grandes entreprises dotées d’un LMS très fourni en contenus, la formation des managers est avant tout une problématique d’agenda. Dans les entreprises de taille plus réduite, la question budgétaire s’ajoute. Un système de formation systématique

 

« le management est une fonction qui vise à transformer du travail en performance », estime l’universitaire Éric Delavallée. Le management est un métier éminemment pratique, qui s’incarne dans des situations et s’applique à des individus et des équipes d’une infinie variété. C’est un artisanat plus qu’une science. Former au management consiste donc pour une large part à transformer l’expérience en compétences. Ce qui suppose une organisation favorable à ce processus.

 

 

Management de la Formation

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