Depuis la crise sanitaire, la formation a distance a connu un développement qualitatif et quantitatif très important. Au-delà des solutions techniques mises en œuvre, la recherche en pédagogie nous livre certains enseignements qui peuvent s’appliquer à la plupart des situations de formation et nous permettent d’adapter nos méthodes pour en accroître l’efficacité. Quelques repères.
Mis à jour le 22/02/2023
L’apport des neurosciences à la pédagogie a fait l’objet de nombreuses études et publications. Nous utilisons ici comme référence l’ouvrage d’Aurélie Van Dijk, Réinventez vos formations avec les neurosciences, mais il y en a d’autres.
La mémoire humaine est un système complexe qui comprend en réalité plusieurs mémoires imbriquées :
L’enjeu de la formation est de faire en sorte que les connaissances franchissent ces différentes étapes, et passent de la mémoire de travail à la mémoire à long terme. Rappelons que cette dernière comprend également 3 types, correspondant à des catégories différentes d’information. La mémoire sémantique stocke nos connaissances générales et conceptuelles ; la mémoire épisodique retient les détails de notre histoire personnelle ; la mémoire procédurale contient nos routines et nos automatismes.
Pour parvenir à transférer les connaissances dans les 3 catégories de la mémoire à long terme, il est essentiel de tenir compte de la capacité de la mémoire de travail. Celle-ci n’est pas extensible à l’infini, et comporte des limites naturelles : « en moyenne, nous pouvons manipuler 7 (plus ou moins 2) éléments dans cette mémoire à court terme », nous explique Aurélie Van Dijk.
La formation à distance, facilement découpable en modules séparés, est plutôt favorable à une structuration modulaire de l’apprentissage et à la limitation du nombre de messages transmis simultanément – à condition d’en avoir conscience et d’intégrer ce principe dans la conception même de la formation !
La pédagogie est l’art de la répétition : les enseignants n’ont pas attendu les neurosciences pour le savoir. L’apport nouveau de la recherche est de donner une base scientifique à ce principe. La première fois que nous entendons une information, un chemin de connexions neuronales se crée. La répétition renforce et pérennise ce chemin. En l’absence de répétition, l’essentiel des connaissances entendues est perdu après quelques heures. Le chemin neuronal s’efface, ou devient difficile à retrouver.
Les répétitions doivent être fréquentes au début de l’acquisition d’une connaissance, avant de s’espacer. L’objectif, là encore, est de faire passer la connaissance dans la mémoire à long terme.
Ce principe de répétition pédagogique est connu, mais il n’est pas toujours appliqué, pour bien des raisons. Il y a la peur de se répéter, de paraître trivial et lourd en redisant toujours la même chose. Le culte de l’excellent élève qui retient tout ce qu’il a entendu une fois sert aussi d’horizon culpabilisateur à la masse des apprenants standards qui ont besoin de temps et de répétition – ce qui est en fait parfaitement normal.
De plus, la formation en entreprise est une prestation payante, et le formateur peut être tenté de rassembler un maximum d’informations dans le temps imparti pour satisfaire le client. Ce n’est pas un bon calcul : la répétition doit impérativement être intégrée dans le processus d’apprentissage, pour une transmission qualitative et durable. C’est d’autant plus important si la connaissance est amenée à n’être mobilisée qu’épisodiquement : un logiciel qu’il faudra utiliser ponctuellement, par exemple.
Là encore, le format distanciel peut s’avérer particulièrement propice à ce mode de fonctionnement : il est logistiquement plus facile de fractionner une formation à distance qu’une formation en présentiel, où il faut déplacer le formateur et/ou les participants.
Le professeur Stanislas Dehaene, nous rappelle l’ouvrage d’Aurélie Van Dijk, a identifié 4 conditions nécessaires à l’apprentissage. Le premier de ces piliers est l’attention. « Du point de vue de la neurobiologie, l’attention est un processus de sélection, d’activation et de facilitation de certains réseaux neuronaux aux dépens d’autres ». L’attention fonctionne comme un filtre, qui permet de mettre de côté les informations non pertinentes pour se concentrer sur la tâche en cours. La puissance de l’attention est bien rendue par cet exercice célèbre :
En contexte de formation à distance, retenir l’attention représente l’un des principaux défis à relever. Il est très difficile au formateur de s’assurer qu’il conserve l’attention de participants qu’il ne voit pas et avec lesquels il n’interagit que par l’intermédiaire d’un écran. Et il faut bien avoir en tête que les ressources en attention sont limitées : au bout de quelques minutes, l’attention baisse systématiquement.
En pratique, le format distanciel, s’il est bien rythmé, peut s’avérer très performant du point de vue de la structuration du temps. Une étude de deux universitaires français conduite en 2015 comparant le même cours donné à distance et en présentiel trouvait que les temps étaient mieux respectés dans la version « classe virtuelle » : on commence plus à l’heure et la séquence des thèmes à aborder est mieux tenue.
Deuxième pilier de l’apprentissage, toujours selon Stanislas Dehaene : l’engagement actif. Pour acquérir une connaissance, il faut se l’approprier, ce qui suppose un mouvement volontaire de la part de l’apprenant. L’écoute engagée stimule d’autres zones du cerveau qu’une écoute passive. Pour stimuler l’engagement, il y a plusieurs leviers :
Sans interaction physique, la construction de l’engagement peut paraître plus difficile. En pratique, cependant, à condition de maintenir un effectif réduit de stagiaires, le distanciel peut permettre au contraire d’impliquer une part plus importante des apprenants, là où, dans la salle de formation, une personnalité pourra parfois s’imposer au détriment des autres.
Le cerveau apprend par essais et erreurs. Lorsqu’un résultat est différent de la prédiction, il réagit instantanément, plus rapidement encore lorsque la détection est interne (80 millisecondes) que lorsque l’erreur nous est pointée par quelqu’un d’autre (250 millisecondes). En outre, nous apprenons encore mieux lorsque nous voyons quelqu’un d’autre se tromper que lorsque nous nous trompons nous-mêmes. C’est le 3e facteur clé de Stanislas Dehaene.
Au sein du groupe, l’erreur est donc un moyen pédagogique précieux pour acquérir des connaissances. Elle doit être encouragée, et le cadre posé doit y être propice.
Rien ne s’oppose, dans la formation à distance, au déploiement de ces principes. Au contraire, l’utilisation de quiz et la possibilité pour l’ensemble des apprenants de répondre en même temps peut favoriser le processus collectif d’essai et erreur.
Dernier des 4 piliers de l’apprentissage, la consolidation est une étape fondamentale, sans laquelle l’objectif de formation ne peut être atteint. Elle repose sur plusieurs facteurs. Nous avons déjà évoqué plus haut l’importance de la répétition. Mais il y en a d’autres :
Les neurosciences nous renseignent encore sur bien d’autres aspects de la pédagogie. On pense notamment aux neurones miroirs et à ce qu’on peut en déduire pour l’apprentissage collaboratif – une dimension qui n’est pas la plus facile à reproduire à distance, même si ce n’est pas impossible. Les années à venir devraient, à n’en pas douter, nous amener tous à innover dans ce domaine, et à acquérir, via un engagement actif, de nouvelles connaissances en pédagogie à distance !
Crédit illustration : Shutterstock / Lightspring
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