Le Conseil en évolution professionnelle, créé en 2014, trouve un second souffle avec la réforme de 2018 : il acquiert un financement dédié et un réseau d’opérateurs choisis sur appel d’offres. La liste de ces derniers vient d’être connue. Elle confirme ce qui était attendu : une professionnalisation de la mission des CEP, avec l’arrivée de nouveaux intervenants. Cette transformation de l’orientation des adultes était réclamée par la plupart des acteurs et des experts.
(Article mis à jour le 27 novembre 2019)
Les noms des nouveaux opérateurs CEP régionaux, choisis sur appel d’offres par France Compétences, ont été dévoilés fin novembre. La liste correspond dans ses grandes lignes à celle que le journal Les Echos s’était procurée fin octobre. Sur 19 appels d’offres, 16 ont été attribués. Pour répondre, les opérateurs se sont associés entre eux, en confiant le rôle de mandataire à l’un d’entre eux.
Pour chaque région, les « chefs de files » sont les suivants :
Adecco, qui avait annoncé souhaiter concourir, n’a pas été retenu. En Guyane et à La Réunion, les appels d’offres n’ont pas abouti et vont être relancés. L’issue du 19e appel d’offre, qui concerne une prestation nationale de « sécurisation du dispositif », n’est pas connue.
Les opérateurs retenus bénéficieront d’un financement versé par France Compétences, qui devrait représenter entre 1% et 3% de la contribution formation des entreprises à partir de 2021. Si on prend pour référence la contribution de 2017 (derniers chiffres disponibles), on serait dans un ordre de grandeur de 54 à 162 millions d’euros.
Chaque opérateur mandataire principal s’est entouré de « co-traitants » et de « sous-traitants » grâce auxquels il peut couvrir l’ensemble du territoire régional. Les CIBC travaillent en général avec des chambres consulaires (chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers, chambres d’agriculture), des acteurs privés ou associatifs (comme Envergure, Retravailler ou Ipéria), d’anciens Opacif (Unifaf et Uniformation, anciens Opca chargés de l’ex-congé individuel de formation dans les domaines du sanitaire et social et de l’économie solidaire). Les cabinets privés, en revanche, se sont associés entre eux ou avec d’autres acteurs du même type. La liste par région est disponible dans ce document.
Donner des moyens à la formation n’a de sens que si les bénéficiaires potentiels sont au courant de leur existence. Pour permettre aux actifs de construire des projets professionnels en toute connaissance de cause, la réforme du 5 mars 2014 avait mis en place le Conseil en évolution professionnelle (CEP), conçu comme le pendant « information et orientation » du Compte personnel de formation (CPF). Celui-ci, créé au même moment, visait à donner aux salariés les moyens financiers de leurs ambitions professionnelles.
La réforme du 5 septembre 2018, à bien des égards, s’est fixé pour objectif de parachever les évolutions lancées par celle de 2014, en allant jusqu’au bout de sa logique. C’est particulièrement le cas pour le CPF et le CEP. La désintermédiation du CPF devrait en faire véritablement un outil de financement à la main des salariés. De même, la mise en place d’un financement et d’opérateurs dédiés au CEP devrait, en principe, permettre de déployer véritablement cette mission au plus près des actifs.
« Toute personne peut bénéficier tout au long de sa vie professionnelle d’un conseil en évolution professionnelle, dont l’objectif est de favoriser l’évolution et la sécurisation de son parcours professionnel. » Ainsi l’article L. 6111-6 du Code du travail définit-il le CEP depuis sa création en 2014. Il s’agit, en somme, d’un service d’orientation pour adultes, dont le contenu est défini par un cahier des charges, initialement défini pas un arrêté du 16 juillet 2014.
Un arrêté du 29 mars 2019 a fixé un nouveau cahier des charges, qui s’appliquera à partir de 2020. La nouvelle version simplifie la définition du service, initialement défini en trois étapes : accueil, construction d’un projet personnalisé, mise en œuvre du projet. Les deux derniers niveaux ont été fusionnés, et on ne parle plus désormais que de deux phases :
Le contenu reste le même. A noter que ces deux étapes ne sont pas obligatoires : si le bénéficiaire a déjà un projet, il peut passer directement à l’étape d’accompagnement.
Cette prestation gratuite, accessible en principe à tous, a été confiée en 2014 à 5 acteurs :
La réforme de 2018 conserve les 4 premiers réseaux pour assurer le CEP en direction de leurs publics cibles respectifs. Mais les opérateurs généralistes changent : il n’y en aura désormais plus qu’un par région, choisi par appel d’offre public. On aurait pu penser qu’une fois de plus, la continuité prenait le masque du changement : les mêmes acteurs allaient revenir et assumer les mêmes fonctions que par le passé. Il n’en est rien : les 15 opérateurs choisis ne font pas partie des acteurs historiques du CEP. Et les Fongecif n’étaient pas autorisés à concourir à l’appel d’offre. Une décision qui en a surpris plus d’un : les Fongecif faisaient en effet partie des opérateurs les plus actifs et, semble-t-il, les plus efficaces du CEP. Ils avaient développé une offre spécifique et s’étaient professionnalisés sur le sujet.
Le résultat de l’appel d’offre ouvre une nouvelle période pour le conseil en évolution professionnelle. Il y a sans doute une vraie cohérence à confier le CEP à des acteurs spécialisés dans le bilan de compétences : si les deux prestations ne se recouvrent pas, elles se complètent indubitablement. Mais ne peut-on pas craindre que les opérateurs soient tentés de vendre trop systématiquement aux bénéficiaires de ce service gratuit les prestations payantes du bilan de compétences ? Le fait que le CEP sera financé par France Compétences limitera peut-être cette dérive possible. Il reste à voir comment se passera la délivrance d’un service d’intérêt général par des acteurs concurrentiels – fussent-ils associatifs – placés en situation de monopole sur un territoire.
Crédits photo : Shutterstock/ra2studio
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