L’Italie a un problème de niveau de qualifications : les organisations internationales – en particulier l’OCDE – le répètent depuis plusieurs années. D’importantes réformes ont été conduites depuis 2000, mais le rattrapage n’est pas encore achevé – et la crise de 2009 n’a pas arrangé les choses. Si le système présente des analogies avec l’organisation française de la formation professionnelle, il ne mobilise pas autant de ressources. Le point sur la formation continue au-delà des Alpes, pour une nouvelle étape de notre tour d’Europe des systèmes de formation.
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« L’Italie rencontre plus de difficultés que les autres économies développées pour accomplir la transition vers une société de la connaissance dynamique et prospère », affirme l’OCDE. C’est un cercle vicieux, dans lequel deux phénomènes se renforcent : la population présente des indicateurs de qualification en retrait par rapport aux autres pays comparables, et les entreprises sont peu demandeuses de compétences. En cause, notamment, un management pas toujours à la hauteur, avec un tissu d’entreprises à gestion familiale qui représentent 70% des emplois.
Selon le même rapport, 13 millions d’adultes, soit 39% des 25-65 ans, ont un faible niveau de qualification. Seuls 14% d’entre eux bénéficient de la formation professionnelle, l’un des scores les plus bas de l’OCDE. Au total, l’Italie arrive 26e des 28 économies de l’Union européenne pour la qualité de son système de développement des compétences, selon l’indice synthétique mis au point par le Cedefop.
De fait, l’Italie se caractérise par un bas niveau d’accès à la formation continue des adultes : selon les données Eurostat, en 2016, 8,3% des Italiens de 25 à 64 ans avaient suivi une formation au cours de 4 semaines précédant l’enquête. Les Français étaient 18,8%, les Suédois près de 30%.
Des réformes importantes ont été entreprises depuis 1993, sans pour autant que l’on atteigne des niveaux d’investissement suffisants. Les régions et les provinces disposent en principe depuis 1993 de responsabilités en matière de planification des formations en lien avec les besoins économiques. Une loi de 2000 a prévu une petite enveloppe (environ 15 millions d’euros par an au départ) pour les régions, pour financer des formations de salariés de deux manières : en subventionnant des entreprises qui réduisent le temps de travail pour permettre à leurs employés de travailler, et en finançant des projets individuels de salariés. Une belle ambition, mais des moyens très réduits.
La même loi de 2000 a mis en place des fonds paritaires interprofessionnels pour la formation, un peu sur le modèle des Opca/Opco, mais avec une différence de taille : l’adhésion des entreprises est facultative, et seuls les salariés des entreprises adhérentes peuvent bénéficier des fonds. Les actions sont financées, pour l’essentiel, par une contribution obligatoire de 0,3% de la masse salariale, qui s’impose à toutes les entreprises depuis 1978. Le 0,3% des entreprises qui n’adhèrent à aucun fonds est utilisé pour financer des programmes publics de formation. L’adhésion à un fonds devient ainsi pour les entreprises un moyen de « récupérer » potentiellement une partie des fonds mutualisés au profit de leur plan de formation et des formations recherchées dans leur secteur.
L’incitation semble avoir payé : en 2015, selon le Cedefop, il existait 19 fonds interprofessionnels. Près d’un million d’entreprises y adhéraient, représentant un peu moins de 10 millions de salariés (soit un peu plus de la moitié des salariés du privé).
Malgré la réduction drastique des financements au moment de la crise du milieu des années 2010, les réformes en entraîné une véritable amélioration : la proportion d’entreprises qui fournissent une formation à leurs salariés a presque doublé entre 2005 et 2015 (de 32,2% à 60,2%), se rapprochant de la moyenne européenne de 72,6%. Dans le même temps, la participation des adultes à la formation au cours de la dernière année a également doublé (de 22,2% à 41,5%). Là encore, la moyenne européenne n’est plus très loin (45,2%). On retrouve la même progression sur la plupart des indicateurs (chiffres Eurostat).
Les choix qui s’offrent aux entreprises italiennes en matière de formation sont similaires à ceux que l’on rencontre en France :
La part de la masse salariale consacrée à la formation continue ne s’élève qu’à 1,3%. C’est à peine mieux qu’il y a 10 ans (1,2%), et encore loin de la moyenne européenne (1,7%) ou du niveau français (2,5%). A la différence du cas suédois, cette faible participation des entreprises ne dissimule pas un fort investissement public : celui-ci était estimé au maximum au dixième de l’effort de formation global en 2013, un autre dixième étant fourni par les fonds mutualisés, et la crise pourrait avoir réduit encore cette proportion. Le 0,3% a représenté depuis 2004 une moyenne de 450 millions d’euros par an (avec un pic à 870 millions en 2014). Au total, la dépense globale de formation continue des salariés était estimée à 5 milliards d’euros en 2013, dont 80% payés directement par les entreprises. Ces 5 milliards ne comprennent pas l’apprentissage.
Par ailleurs, on observe en Italie le même type d’inégalités d’accès à la formation professionnelle qu’en France, mais de manière accentuée. Les ouvriers participent beaucoup moins à la formation que les cadres et professions supérieures, dans un rapport proche de un à cinq. En outre, les entreprises investissent surtout dans la mise à jour des compétences existantes, plus que dans le développement de nouvelles ou dans la formation des nouveaux embauchés. Les compétences digitales et les formations obligatoires forment le gros des formations délivrées.
L’organisation de la formation professionnelle en Italie ressemble donc beaucoup au système français, mais avec beaucoup moins de moyens. Si la crise que l’Italie traverse explique en grande partie la difficulté à mobiliser les ressources nécessaires à développer la formation professionnelle, les lacunes de cette dernière figurent probablement parmi les principales causes de la stagnation italienne. La mobilisation des entreprises en matière de dépense de formation augure plutôt bien de l’avenir, mais beaucoup reste à faire.
Crédit illustration : fotolia / vinz89
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