Fin 2017, soit 3 ans après sa création, le compte personnel de formation (CPF) restait inconnu de près du quart des salariés. A la même date, ceux-ci n’étaient qu’un sur 5 à avoir ouvert leur CPF en ligne. Ces chiffres, tirés du 4e Observatoire des trajectoires professionnelles, renvoient à une question abordée par plusieurs rapports récents : celle de l’accès à l’information sur la formation.
Le CPF : où en est-on ?
La réforme de 2018 accorde une place centrale au CPF, créé par la loi de 2014. Ouvert à tous les salariés en 2015 mais aussi aux fonctionnaires depuis janvier 2017 et aux indépendants depuis janvier 2018, le CPF doit permettre à tous ses bénéficiaires, à partir de fin 2019, de régler directement les organismes de formation en passant par une application pour smartphone. Libellé en euros, directement accessible sans intermédiaire institutionnel, le CPF doit devenir le portefeuille formation des Français et banaliser le réflexe de se former.
L’activation de chaque compte ne se fait qu’à l’initiative de son bénéficiaire. La dernière fois que le ministère a communiqué sur les chiffres, en mars 2018, on en était à un peu plus de 5 millions de comptes activés (salariés, demandeurs d’emplois et indépendants confondus).
D’après le 4e Observatoire des trajectoires professionnelles, publié le 11 juin dernier par le Lab’Ho d’Adecco, le groupe IGS, LHH Altedia et le LISPE, seuls 21% des actifs en poste avaient ouvert leur CPF fin 2017. Près de 4 actifs en emploi sur 5 ne l’avaient donc pas encore fait. A noter que les chiffres de l’observatoire (compilés en trois vagues d’un millier de répondants représentatifs entre 2015 et 2017) portent (essentiellement) sur les salariés en poste dans le privé, et ne sont donc pas comparables directement avec ceux du ministère.
Pourquoi ?
On peut espérer que la communication entourant la réforme aura déjà accru le nombre de comptes activés. Pour autant, le CPF avait déjà fait l’objet d’une assez large publicité. L’entretien professionnel est en principe l’occasion d’en parler aux salariés ; or, celui-ci avait déjà bénéficié à 57% des salariés fin 2016. Un chiffre compatible avec celui de l’Observatoire, selon lequel 30% des répondants ont suivi un entretien professionnel au cours de l’année écoulée – en tenant compte du fait que cet entretien doit avoir lieu une fois tous les deux ans.
>> En savoir plus sur l’entretien professionnel
L’Observatoire donne des éléments de réponse. Il nous apprend que près du quart (23,3%) de l’échantillon n’ont jamais entendu parler du CPF, tandis que 37% en connaissent l’existence sans très bien savoir de quoi il s’agit. Il reste donc 40% de connaisseurs.
Parmi ceux qui connaissent le CPF et n’ont pas activé le leur, les motivations invoquées sont variées. La complexité technique de la démarche n’est pas en cause : seuls 2,7% l’invoquent pour expliquer leur non-recours à l’outil, même si 17,1% se sont arrêtés avant même d’essayer, déclarant tout simplement ne pas savoir comment ouvrir leur CPF. 23% ne souhaitaient tout simplement pas faire de formation. Et 13% ne comprennent pas bien l’intérêt du dispositif. A noter que parmi ceux qui ont fait la démarche, un petit tiers l’ont trouvée assez difficile, voire très difficile pour 7% d’entre eux.
Le problème de l’accès à l’information
L’information sur la formation fait partie des priorités des dernières réformes, avec deux préoccupations récurrentes : rendre le système plus lisible et diffuser l’information. C’est dans cet esprit qu’a été créé le Conseil en évolution professionnelle (CEP) en 2014 – lui aussi réformé par la loi de 2018.
Malgré ces efforts, selon l’observatoire, près des deux tiers des actifs interrogés pour l’Observatoire trouvent qu’il est difficile de trouver de l’information pour orienter sa carrière. Une étude du Cnam réalisée en avril 2019 trouve des résultats un peu inférieurs mais proches (56%).
Comment y remédier ? Selon l’Observatoire des trajectoires professionnelles, 46,3% des salariés déclarent ne pas savoir vers qui se tourner pour se renseigner. Plus inquiétant encore, ce chiffre est encore plus élevé pour les publics qui auraient le plus besoin d’être informé : entre 55 et 60% des moins qualifiés et des salariés qui veulent changer de profession ou d’emploi dans l’année sont désemparés quant à l’interlocuteur à rechercher. Les salariés de ces catégories sont également moins nombreux à avoir été reçus en entretien professionnel au cours de l’année écoulée.
Le choix du canal d’information
Ces résultats rejoignent en partie ceux d’une récente étude du Céreq, parue le 20 juin et intitulée « Tous informés… tous formés ? », réalisée à partir des données 2015 de l’enquête Défis. L’angle est un peu différent : on parle de l’information dans le cadre de l’entreprise. Si les salariés se disent bien informés des possibilités de formation en entreprise (seuls 14% se disent non informés), ils se distinguent par la nature du canal d’information mobilisé.
Seuls 10% se sont renseignés par eux-mêmes, et 10% sont au courant via les collègues ou les représentants du personnel. Majoritairement, c’est donc l’entreprise qui amène l’information aux salariés : 46% via la hiérarchie, 20% via les ressources humaines ou le service formation. Le manager ou le RH/RF est donc le principal vecteur d’information dans les deux tiers des cas.
L’étude montre également que tous les salariés ne sont pas égaux devant l’information sur la formation : les femmes, les CDD, les salariés à temps partiel sont moins bien lotis que les cadres ou les salariés les plus anciens. Le fait d’avoir bénéficié d’un entretien professionnel, de façon prévisible, augmente significativement les chances d’être bien informé.
Etre informé accroît également les chances d’être formé, de manière là encore très logique, mais tous les canaux ne se valent pas : l’information via la hiérarchie ou les RH augmente de 12 points les chances de recevoir une formation – ce qui va de soi – mais l’information via les collègues ne « rapporte » que 3 points supplémentaires. Le salarié qui s’informe par lui-même, cependant, accroît de 9 points ses chances de suivre une formation.
L’accès à l’information joue donc un rôle majeur dans les parcours des salariés et dans la montée en compétences des équipes. Le déploiement du CEP nouvelle formule, à partir de 2020, de pair avec celui du CPF rénové, donneront peut-être des résultats. En attendant, le rôle des entreprises, et en particulier celui des DRH et des responsables formation (en tant qu’informateurs primaires ou secondaires, via les managers), demeure central. Ce moment privilégié que doit être l’entretien professionnel peut apporter une bonne partie de la réponse.
Si vous souhaitez vous inscrire à la newsletter mensuelle du blog MANAGEMENT DE LA FORMATION : rendez-vous ici.
Découvrez le site RHEXIS, l’externalisation au service de la gestion de votre formation.
Retrouvez les articles qui peuvent vous intéresser sur des thèmes proches :