L’évolution des métiers et des compétences fait couler beaucoup d’encre, et suscite bien des chiffres alarmistes, liés notamment à l’impact supposé des évolutions technologiques sur l’emploi. Qu’en est-il vraiment ? Après les travaux du COE en 2017, l’Apec a publié en février 2018 une étude portant sur les différents facteurs de transformation des compétences des cadres, que nous avons lue pour vous. Il en ressort que si peu de métiers sont véritablement menacés de disparition, de nouvelles compétences vont devoir être acquises : l’effort de formation devra donc être au rendez-vous ! Comment ? La formation en situation de travail (FEST) peut apporter une partie de la réponse. Nous l’évoquons à l’occasion de la remise, en mars, du bilan de l’expérimentation lancée en 2016 sur le sujet.
Les machines vont-elles nous remplacer ?
En 2017, Dell et l’Institute For the Future, un think tank californien, publiaient un rapport sur l’« impact des technologies émergentes sur la société et le travail en 2030 ». On y trouvait notamment l’information, largement reprise depuis, selon laquelle « 85% des emplois que les apprenants d’aujourd’hui occuperont en 2030 n’ont pas encore été inventés ». Ce chiffre prend la succession de nombreux autres du même genre (le ministère américain du travail donnait 65% en 1999), et il ne s’avère pas davantage fondé : il repose sur une estimation au doigt mouillé d’experts réunis en mars 2017 pour un atelier de l’Institute For the Future.
En préambule au dossier de presse de présentation de la réforme de la formation professionnelle, on trouve un chiffre plus crédible : « 50% des emplois seront transformés dans les 10 ans qui viennent, 10 à 20% seront créés, autant vont peut-être disparaître ». Le document ne donne pas la source, mais elle est facile à tracer : il s’agit d’un rapport en deux parties publié par le Conseil d’orientation de l’emploi (COE) en 2017, sur le thème « Automatisation, numérisation et emploi ». Ce dernier nous rappelle que le « chômage technologique » est « une préoccupation ancienne, sujet d’un débat continu au cours des deux derniers siècles mais non confirmé dans les faits ». De fait, les études portant sur le passé révèlent un effet globalement positif de l’innovation technologique sur l’emploi (avec des nuances suivant le type d’innovation).
Le COE s’est donc attaché à mesurer aussi précisément que possible les « effets de l’automatisation et de la numérisation sur le volume, la structure et la localisation de l’emploi », en construisant un « indice d’automatisation » pour tous les types d’emploi. Il en résulte que moins de 10% des emplois actuels seraient menacés par le progrès technologique. En revanche, la moitié des emplois devraient subir de profondes transformations dans le contenu en compétences requises.
Les 6 déterminants de la transformation des emplois cadres
Le document publié par l’Apec en février 2018, intitulé « Évolution des métiers et des compétences cadres : quels enjeux ? », s’intéresse aux modalités de cette transformation des emplois. Cinq facteurs de mutation sont identifiés (un sixième, la métropolisation, renvoie au fait que l’emploi cadre est plus concentré dans les métropoles, et n’a pas vraiment de conséquences notables en matière de compétences). Pour chacun de ces facteurs, l’Apec s’efforce de définir à la fois les nouveaux métiers qui émergent et ceux qui évoluent.
Le rapport étudie en outre, à titre d’exemple, l’impact de ces facteurs sur l’évolution de certains métiers. On suit ainsi la trajectoire du métier de webmaster, au départ touche-à-tout qui gérait à la fois les aspects informatiques et rédactionnels, vers une fragmentation en une galaxie de métiers : responsable éditorial, community manager, référenceur, architecte web…
Quelles compétences ?
Quelles sont donc les compétences nouvelles requises pour les cadres, sous l’influence conjointe de ces facteurs ? Le rapport de l’Apec précise qu’il ne s’agit pas nécessairement de compétences nouvelles, mais souvent de domaines dans lesquels il est nécessaire de se renforcer. Une meilleure connaissance du cadre juridique dans lequel évolue l’activité de l’entreprise sera ainsi souvent requise, tout comme la maîtrise des outils digitaux utilisés dans le secteur.
Mais d’autres types de compétences, plus transversales, seront attendues : la capacité à s’intégrer dans une gestion de projet collaborative, à évoluer dans des équipes diverses, à assimiler la stratégie et la culture de son entreprise, à développer une « approche systémique ». En définitive, le besoin en compétence technique ne s’amenuise pas, mais la demande de savoir-être va s’accroître significativement pour les cadres. Un constat valable, probablement, pour l’ensemble des salariés.
La Formation en situation de travail prend son essor
Les défis soulevés par l’étude de l’Apec exigent un effort de formation continu et innovant. La formation en situation de travail (Fest) fait incontestablement partie des outils à mobiliser pour y parvenir. Comme nous l’évoquons dans nos articles consacrés à l’Allemagne et au Royaume-Uni, ces deux pays aux systèmes si différents ont en commun de recourir bien davantage que nous à cette modalité.
De quoi s’agit-il exactement ? Inffo Formation n°940 du 15-31 mars 2018 consacre un dossier à la question. Théorisée depuis une quinzaine d’années, la formation en situation de travail « repose sur la création d’un binôme référent-apprenant ». Il ne s’agit pas pour autant d’un apprentissage classique : le référent n’est pas là pour enseigner les savoirs de façon verticale, ni même pour montrer l’exemple. La FEST « part de ce que sait et sait faire l’apprenant. Le référent se contente de l’observer pendant qu’il travaille, sans lui donner d’indication. » Ensuite, « le référent questionne l’apprenant sur ses représentations, ses intentions, le pourquoi de ses gestes. Il l’amène à exprimer ce qui pourrait être amélioré et à trouver, le cas échéant, une façon d’agir plus efficace ». L’apprenant construit ainsi à sa façon le savoir à acquérir.
Cette modalité pédagogique a fait l’objet d’une expérimentation initiée en 2015 par les partenaires sociaux et l’Etat. Le rapport final est en train d’être rédigé, et une note a déjà été remise à la ministre du Travail. La formation en situation de travail répond déjà aux critères de l’action de formation (c’est un procédé pédagogique bien précis, avec des règles et des objectifs), mais ses défenseurs souhaiteraient une sécurisation juridique.
En attendant, le procédé a été expérimenté notamment (Inffo Formation n°940, p.13) par l’Opca Uniformation avec le réseau d’aides à domicile en milieu rural ADMR. C’est l’occasion de rappeler que parmi les métiers de demain, les services à la personne occupent une place prépondérante, bien avant les métiers « high tech » !
Crédit illustration : fotolia/ zenzen
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