Les négociations sur la réforme de la formation professionnelle ont commencé, en s’appuyant sur un document d’orientation gouvernemental rapidement challengé par les partenaires sociaux. Si les principales ambitions – investir massivement dans la formation, promouvoir l’autonomie des parcours, aider les plus défavorisés – font largement consensus, les moyens à mettre en œuvre font débat, tant entre gouvernement et partenaires sociaux qu’au sein même de ces derniers.
En matière de formation professionnelle, comme nous le rappelions il y a quelques semaines, les réformes empruntent généralement le chemin de la négociation entre les partenaires sociaux. Ceux-ci concluent, lorsqu’ils y parviennent, un accord national interprofessionnel (ANI), que le gouvernement peut utiliser en tout ou partie pour élaborer son projet de loi.
C’est cette méthode qui est suivie pour conduire la réforme qui s’annonce. Les organisations représentatives des salariés et des employeurs ayant exprimé le souhait d’entamer une négociation, le gouvernement est tenu de l’organiser. Il communique pour ce faire aux partenaires sociaux un document d’orientation contenant ses éléments de diagnostic et les pistes de solutions qu’il souhaite que l’on examine.
Le préambule place d’emblée la barre très haut – conformément aux standards de l’exercice. Il s’agit « non pas de réformer, une fois de plus, notre système de formation professionnelle, mais de le transformer », pour accompagner l’entrée dans l’économie de la connaissance.
Le texte fixe trois cibles à la réforme : la compétitivité des entreprises, la maîtrise par chacun de son parcours professionnel, la protection des plus vulnérables. Les acteurs concernés par chacun de ces objectifs sont identifiés :
Le souhait des partenaires sociaux, en particulier du Medef, de s’imposer comme les principaux acteurs de la formation des salariés et des jeunes n’est donc que très partiellement entendu. L’Etat entend continuer à jouer un rôle dans tous les domaines de la formation professionnelle.
Le document énumère ensuite les 5 domaines que le gouvernement souhaite voir abordés au cours de la négociation. Dans chaque partie, le texte commence par esquisser les solutions souhaitées, pour les reformuler à la fin sous forme de questions très orientées (par exemple, dans la partie 1 : « l’unité de mesure en heures des droits de chacun sur son [CPF] n’est pas satisfaisante » devient, en fin de partie, « quelle doit être la nouvelle unité de mesure du CPF ? »).
Les 4 premiers domaines correspondent aux 4 principaux publics de la formation professionnelle :
Le dernier domaine est transversal : il s’agit de la régulation du marché de la formation, par trois moyens :
Les syndicats de salariés et d’employeurs qui participent à la négociation n’ont pas tardé à se réapproprier la feuille de route. D’abord pour ce qui est du calendrier : la négociation, selon le document d’orientation, devra avoir abouti fin janvier 2018, pour un projet de loi en avril. Les partenaires sociaux l’ont déjà un peu réaménagé, en annonçant une fin de négociation pour le 16 février 2018.
Ils ont ensuite réorganisé l’ordre des points à aborder, en les classant par thématiques et non plus par publics. Certes le changement est un peu cosmétique : on retrouve les mêmes points, traités dans un ordre différent :
Sur les mesures préconisées par le gouvernement, des divergences avec celui-ci se sont déjà manifestées. Sur le CPF d’abord : la première réunion de négociation, le 24 novembre, a déjà abouti à exclure la « monétisation » du compte. Le CPF continuera à être exprimé en heures et non en euros, dans le projet des partenaires sociaux. La fusion avec le Cif n’est pas balayée, mais toutes les organisations insistent sur la nécessité de maintenir, dans le cadre du nouveau dispositif, un droit à la reconversion, qui suppose des formations et des absences longues (comme le Cif en permet). La même réunion a abondé dans le sens du gouvernement sur la nécessité de renforcer l’accompagnement via le Conseil en évolution professionnelle ; mais les modalités n’ont pas été précisées.
De nombreuses difficultés s’annoncent dans les réunions qui vont suivre. Certains points vont probablement opposer les partenaires sociaux entre eux : le financement, réservé pour la fin, est sans doute le principal d’entre ceux-ci. D’autres risquent de creuser l’écart entre partenaires sociaux et gouvernement : on pense à des sujets de détail comme la suppression de période de professionnalisation, mais aussi et surtout la simplification du CPF, sa désintermédiation, son financement ; sans oublier le contrôle qualité, pour lequel les partenaires sociaux seront tentés de mettre en avant leur propre expertise via Datadock.
Viendra ensuite, si un accord national interprofessionnel (ANI) est bien signé, la phase délicate de la rédaction du projet de loi… Il n’est pas impossible qu’il s’y trouvera des écarts significatifs par rapport à l’ANI.
Le 8 novembre, les régions ont fait parvenir 18 propositions au gouvernement, par le biais de leur association Régions de France. Inffo Formation n°932 (15-30 novembre 2017) y consacre une double page (pp. 2-3). Les principales orientations portent sur :
Le même numéro d’Inffo Formation consacre un dossier au plan d’investissement des compétences (Pic), la composante « formation » du grand plan d’investissement (GPI) lancé par le gouvernement pour la période 2018-2022. Le Pic a été présenté le 25 septembre par Jean Pisani-Ferry (ancien commissaire général de France Stratégie).
Illustration : fotolia/Daniel Berkmann
Si vous souhaitez vous inscrire à la newsletter mensuelle du blog MANAGEMENT DE LA FORMATION : rendez-vous ici.
Découvrez le site RHEXIS, l’externalisation au service de la gestion de votre formation.
Retrouvez les articles qui peuvent vous intéresser sur le même thème :
Une étude et une infographie Apave apportent un éclairage bienvenu sur l'état de l'externalisation de…
La création de France VAE rationnalise l'accès à la validation des acquis de l'expérience. Pour…
Le social learning désigne l'ensemble des méthodes et processus par lesquels nous apprenons en interaction…
Intelligence artificielle générative, digital, reste à charge du CPF, France VAE... Tour d'horizon de l'actualité…
L'entretien annuel d'évaluation est un acte de management qui rythme la vie des collaborateurs et…
La négociation entamée par les partenaires sociaux autour de Pacte de la vie au travail…