Premiers bilans et perspectives de la réforme de 2014, développement des nouvelles techniques de formation professionnelle, le big data appliqué aux RH, l’entreprise libérée, la formation au secours de la santé au travail… L’actualité RH et formation n’a pas faibli au mois de mars 2016, avec des analyses de qualité couvrant de nombreux sujets. Voici la sélection d’articles que nous vous proposons, tirés des sources suivantes :
- Personnel (Hors Série n°568) pour la contribution de Jean Wemaëre sur la réforme ;
- Personnel (n°568) sur le big data dans la RH ;
- Inffo Formation (n°895) sur la formation et les risques psychosociaux, les fab’labs de la compétence et le portrait du DRH de Spie Batignolles Nicolas Flamant ;
- Inffo Formation (n°896) sur l’évolution des Mooc en France et les différents types d’abondement au CPF ;
- Entreprise & Carrières (n°1278) avec le dossier sur l’entreprise libérée ;
- Entreprise & Carrières (n°1279) pour le dossier sur le e-learning ;
- Entreprise & Carrières (n°1281) sur les pistes d’amélioration de la réforme ;
- Stratégies (n°1851) sur les expériences d’holacratie ;
- Liaisons sociales (n°170) sur le serious game.
La réforme : un dossier à suivre
Premier bilan, santé des organismes de formation, entretien professionnel, CPF, qualité… La réforme a continué à faire couler beaucoup d’encre au mois de mars 2016.
Jean Wemaëre, président de la Fédération de la Formation professionnelle, est revenu dans les colonnes du hors série « spécial formation » de mars-avril de la revue Personnel sur les enseignements à tirer, selon lui, de l’année 2015 :
- La « mise en œuvre de la réforme a provoqué de réelles difficultés dans notre secteur», celui des organismes de formation (150 000 salariés), en partie levées grâce à la mobilisation de la profession.
- 300 000 CPF, dont 80% pour les demandeurs d’emploi, contre 600 000 DIF pour les salariés avant la réforme : il est indispensable de simplifier et d’élargir le CPF pour atteindre les objectifs de la réforme.
- Il faudrait imaginer un mécanisme de crédit d’impôt pour inciter davantage à investir dans la formation professionnelle.
De fait, « il ne manque pas grand-chose à la loi de 2014 pour devenir réellement progressiste ». Ainsi Laurent Gérard transcrit-il, dans les colonnes d’Entreprise & Carrières (22-28 mars 2016), le sentiment des 25 entreprises de la communauté « formation & apprentissage » de l’association Entreprise & Personnel. Celles-ci, animées par Bernard Masingue, ont publié le 16 mars des propositions d’amélioration du système, parmi lesquelles :
- Un contrat unique d’alternance réunissant apprentissage et professionnalisation ;
- Une seule liste CPF, avec toutes les formations inscrites au RNCP, branches et régions marquant leurs priorités par des abondements ciblés ;
- Suppression de l’unité heure/stagiaire au profit d’un financement contractualisé ;
- Redéfinition/clarification de la notion de « parcours de formation » ;
- Association des employeurs à la définition des critères de qualité.
En attendant, le CPF a commencé à être alimenté en heures nouvelles depuis le 1er mars 2016, et la question de son usage s’impose à un nombre croissant de salariés.
L’Inffo Formation daté du 15 au 31 mars 2016 propose un rappel des 3 types d’abondement possibles : complémentaire (en provenance de l’employeur, de l’Opca, du service public de l’emploi…) ; supplémentaire (en application d’un accord collectif) ; ou correctif, lorsque l’employeur n’a pas respecté ses obligations en matière d’entretien professionnel.
Si l’on en croit le dossier d’Entreprise & Carrières du 8-14 mars 2016, l’e-learning pourrait bien être le grand gagnant de la réforme. En « accentuant la pression sur les coûts et les attentes », celle-ci génèrerait un recours accru des entreprises au distanciel. C’est l’avis de 55% des grandes entreprises, qui sont près du tiers à envisager réaliser plus de la moitié de leurs actions de formation en e-learning d’ici 2020.
Le dossier donne la parole à des entreprises de domaines contrastés (alimentation avec La Boucherie, cosmétiques et parfumerie avec Bioderma et Nocibé, paie avec Ingenico) pour montrer que l’e-learning ne concerne pas que l’IT, loin de là.
L’expert Michel Diaz (Féfaur) tire les conclusions de cette tendance en matière d’indicateurs : on n’évalue plus la performance de la formation professionnelle de la même façon à l’heure du e-learning. Les notions de temps passé et de complétion s’effacent au profit de nouvelles façons de juger l’efficacité de l’apprentissage.
Nouvelles modalités pédagogiques
Derrière l’e-learning, c’est toute la galaxie des nouvelles modalités pédagogiques qui se profile.
Inffo Formation du 15-31 mars 2016 revient sur les Mooc, leurs évolutions récentes et leur avenir. Débarqués d’outre-Atlantique en 2012, les Mooc ont connu depuis un développement considérable, à la fois quantitatif (entre 175 et 320 suivant les annuaires) et qualitatif : selon l’article, « le phénomène a plutôt bien pris en France, contrairement au monde anglo-saxon, qui les a inventés mais n’a pas su les développer ». Aux Mooc très « magistraux » du début ont succédé des formules plus innovantes, ainsi que les déclinaisons que sont les Cooc, Spoc et autre Sooc. L’enjeu est désormais d’attirer des publics moins qualifiés.
Les serious games ont également conquis, ces dernières années, leurs lettres de noblesse et l’intérêt des DRH, au-delà des seuls grands groupes. C’est en tout cas ce qu’estime Florence Puybareau dans le numéro de mars de Liaisons sociales. « Apprécié pour sa souplesse » et pour ses qualités pédagogiques propres, le serious game bénéficie également d’un environnement favorable à l’innovation et au numérique. Son efficacité requiert accompagnement et implication de la direction. Il n’a pas non plus « pour mission de remplacer le professeur, il complète les processus actuels de formation », précise dans Entreprise & Carrières du 1-7 mars le directeur de Simulang, éditeur français de serious game dédié à l’apprentissage de l’anglais.
Mais l’innovation pédagogique n’est pas que technologique : elle peut aussi découler de nouvelles façons de rendre la formation disponible, comme l’exprime Patrice Guezou dans les colonnes d’Inffo Formation daté du 1-14 mars. Pour le directeur formation et compétences de CCI France, certains opérateurs pourraient s’ouvrir en « fab’labs de la compétence ». « Entre sur-mesure et juste-à-temps, apparaît ainsi une ‘nouvelle logique’ qui exige souplesse et réactivité de la part des opérateurs de formation, capables d’intervenir auprès de clients d’un nouveau genre en quête de ‘compétence opérationnelle’ ».
Le big data appliqué aux ressources humaines
Le numéro 568 de mars-avril 2016 de la revue Personnel titre sur un dossier relatif à l’application du big data à la fonction RH. Yves Grandmontagne, président de Digilab RH, fait le point sur la question. Nées au début des années 2000 de la conjonction de la massification des données et de nouveaux outils d’analyse, les technologies du big data tardent à être adoptées par la sphère RH. Pourtant, la RH est à la fois grosse productrice et grande consommatrice de données internes (salariés, reporting, gestion, paie…) et externes (sourcing, marque employeur…). Le recrutement, la prédiction des comportements, l’identification des besoins de formation, le marketing RH sont autant de domaines où le big data peut apporter une aide appréciable. Sous trois conditions cependant : une méthodologie de projet rigoureuse, un accompagnement juridique fiable et une utilisation judicieuse, qui ne « vient pas se substituer à des pratiques existantes ».
Portrait de DRH
Inffo Formation du 1er-14 mars 2016 consacre une double page à Nicolas Flamant, « DRH original » de Spie Batignolles. Anthropologue de formation, auteur d’une thèse remarquée sur Une anthropologie des managers, Nicolas Flamant s’est vu proposer le poste par son prédécesseur alors qu’il accomplissait des missions d’accompagnement pour la RH du groupe de construction. Porté sur le participatif, il est à l’origine de pratiques innovantes telles que :
- les « minutes de Spie Batignolles», « réunions d’équipe sur chantier qui permettent à l’ensemble des ‘compagnons’ de mettre en commun informations et idées sur l’organisation du travail » ;
- l’accord GPEC, premier signé dans la branche BTP, en 2009 ;
- un observatoire des métiers, « espace de dialogue social sur les changements de métiers et les évolutions de compétences chez Spie Batignolles».
Formation et risques psychosociaux
La formation est-elle bonne pour la santé au travail ? Dans ce même numéro d’Inffo Formation, le directeur de l’Aract Limousin Philippe Bonnot répond par l’affirmative : la formation professionnelle « est un facteur de prévention des risques psychosociaux (stress, burn-out, harcèlement…) ». Mais elle ne suffit pas : le burn-out, par exemple, « n’est pas seulement lié à l’individu, mais surtout à l’organisation du travail ». Le risque est donc de se retrouver à envoyer la personne « chez le psychologue, dont le rôle consiste alors à adapter les hommes à des contextes hostiles ».
La formation peut aider si elle est « pensée dans le système d’organisation du travail » : c’est le collectif de travail qui doit en bénéficier. Les salariés les moins qualifiés doivent être inclus dans le processus, qui doit permettre de rompre l’isolement de chacun.
En conclusion, le responsable RSE d’Agefos-PME Mathieu Carrier insiste sur la nécessité de former également les plus qualifiés et d’évaluer les politiques RH pour repérer les zones « à risques ».
Entreprise libérée, holacratie : mode managériale ou révolution ?
Entreprise et Carrières (1-7 mars 2016) consacre un dossier nuancé à ces nouvelles pratiques de management. « Nouvelle mode managériale qui fait le buzz », l’entreprise libérée se propose de « substituer le ‘pourquoi’ au ‘comment’ », l’objectif aux moyens, le sens au processus.
Le dossier donne la parole à des acteurs de terrain qui ont connu ou étudié l’entreprise libérée :
- Anaïs Victor, du collectif « Les Mécréants », porte un regard très critique sur le concept, suite à une expérience malheureuse dans une PME informatique. Du fait d’une préparation insuffisante de la transition, « le travail mené avec mes équipes a été détruit en quelques mois ».
- Chez l’assureur Generali, une première vague de transformation en 2008 a dû être suivie d’une seconde, en 2014, pour corriger le tir et redonner une place aux managers, sans pour autant « revenir sur le principe d’autonomie et de responsabilisation des collaborateurs ».
- Même timing chez le fabricant de clôtures Lippi, où des initiatives innovantes entreprises dès 2008, comprenant l’élection des managers dans certains services, a eu pour conséquence le départ d’un certain nombre d’encadrants. La transformation se poursuit néanmoins, avec l’accompagnement de l’Aract Poitou-Charentes.
- La chercheuse Hélène Picard replace l’entreprise libérée dans le temps long de l’histoire du management, et tire les enseignements des deux entreprises qu’elle a étudiées pour sa thèse sur le sujet. Elle observe également une forte mobilité des managers, « invités à faire évoluer leur rôle vers celui de leader ou d’accompagnateur ».
Le magazine Stratégies daté du 17 mars 2016 donne quant à lui la parole à deux agences de communication qui ont franchi le pas de « l’holacratie », Human to human et Sidièse. Concept inventé aux États-Unis en 2001, proche mais distincte de l’entreprise libérée, l’holacratie repose sur une cartographie précise des missions de chacun. L’entreprise est réorganisée en cercles, qui se réunissent suivant une méthodologie stricte régie par une constitution de 36 pages en open source. Chaque collaborateur est considéré pour son rôle propre, avec « des devoirs, des responsabilités et des ‘redevabilités’ », et le système de réunions permet de donner la parole à tous, y compris les plus discrets.
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