A quelques jours de la métamorphose du Compte personnel de formation et de la sortie très attendue de l’application CPF, nous jetons un œil sous le capot du dispositif. La simplification annoncée repose en effet sur une double ingénierie – informatique d’un côté, juridique de l’autre. Des textes parus depuis l’été nous en disent un peu plus sur le fonctionnement de ce portefeuille électronique formation mis à la disposition de tous les actifs.
Rien n’est plus complexe que la simplification : pour parvenir à mettre en relation directe l’utilisateur, les données de son compte, l’offre de formation et les prestataires qui la délivrent, près 15 mois de développement informatique et de travail juridique n’auront pas été de trop.
Un décret et un arrêté du 11 octobre dernier sont ainsi venus préciser, après le décret du 28 décembre 2018, les conditions de mise en œuvre du système d’information (SI). Celui-ci est confié à la Caisse des dépôts et consignations, qui gérait déjà le SI du CPF avant la réforme de 2018 : le développement ne s’est pas fait en partant de zéro. Mais au lieu de relier l’utilisateur, la CDC et les Opca/Opco, le nouveau SI met en relation usager, CDC et organismes de formation, de manière très opérationnelle. A partir de novembre 2020, un quatrième acteur les rejoindra : l’entreprise, qui pourra faire intervenir son abondement.
Le décret du 11 octobre donne un nom à ce système d’information : le SI-CPF, qui assurera « la gestion des droits inscrits sur le compte personnel de formation, la gestion du parcours de formation du titulaire du compte, la mise à disposition des informations relatives à l’offre de formation et la prise en charge des actions de formation de l’inscription du titulaire du compte aux formations jusqu’au paiement des prestataires ».
L’accès, pour les bénéficiaires, se fera via l’application pour smartphone ou via le site moncompteformation.gouv.fr. Ce dernier servait déjà d’interface utilisateur avant la réforme de 2018, mais était devenu depuis inaccessible aux bénéficiaires, qui empruntaient le site www.moncompteactivite.gouv.fr pour accéder à leur CPF. Ce dernier cèdera donc la place, à nouveau, au site moncompteformation.gouv.fr le 21 novembre 2019.
Parallèlement à ce travail technique, rappelons que des conditions générales et particulières d’utilisation (CGU et CP) ont été conçues pour réguler les relations entre CDC, utilisateur et organismes de formation.
Le décret du 11 octobre nous en dit davantage sur le fonctionnement des abondements du CPF.
A partir du 1er janvier 2020, les entreprises qui ont conclu un accord d’entreprise prévoyant un abondement du CPF, ou qui sont couvertes par un accord de groupe ou de branche ayant le même objet, doivent donc chaque année :
C’est un changement notable par rapport à la situation issue du décret du 28 décembre 2018 : à partir de 2020, ce n’est plus l’Opco qui collecte les abondements des entreprises, mais directement la CDC. Une étape de plus est franchie dans la centralisation du système.
L’employeur doit également transmettre à la CDC les informations et les sommes correspondant à l’abondement-pénalité de 3000€ versé aux salariés pour lesquels les obligations de l’entretien des 6 ans n’ont pas été respectées. Il en va de même dans un autre cas de versement obligatoire d’un abondement, à savoir lorsqu’un salarié est licencié suite à son refus d’accepter une modification de son contrat prévue par un « accord de performance collective » (une création de la loi Travail). Lorsque le cas se présente, l’employeur a 15 jours pour payer les 3000€ correspondants à la CDC.
Les mêmes modalités s’appliquent à tous les financeurs (Opco, Pôle emploi, entreprise, Etat…) dès lors qu’ils souhaitent verser un financement complémentaire aux salariés : les informations et les sommes correspondantes doivent être versées à la CDC.
La Caisse des dépôts et consignation devient donc un interlocuteur du Responsable formation, en lieu et place des Opco, sur toute la dimension administrative du CPF.
En lisant l’énumération que l’on découvre à l’article R6323-33 du Code du travail, on comprend que l’outil va au-delà même d’une simple interface entre actifs et organismes de formation. Le SI-CPF conservera l’ensemble des données sur les formations suivies. Les Opco, Pôle emploi et les autres financeurs de la formation professionnelle seront informés par les prestataires « du début, des interruptions et de l’achèvement de la formation, pour chacun de leurs stagiaires » (art. L6353-10). Les prestataires sont également tenus de communiquer « les données relatives à l’emploi et au parcours de formation professionnelle dont ils disposent sur ces stagiaires. » La CDC, les financeurs et les opérateurs CEP partageront toutes leurs données sur ces sujets.
Les textes encadrent l’usage qui sera fait des données personnelles, pour chacun des acteurs institutionnels qui sera amené à les manier. En dehors de faciliter la relation opérationnelle avec les prestataires, les données devraient avoir au moins deux utilités :
La plate-forme CPF a donc l’ambition de devenir davantage qu’une place de marché : elle vise également à apporter des outils au bénéficiaire pour gérer son parcours. Cette ambition, à vrai dire, était déjà présente dans la version précédente du CPF, sans que la réalisation en ait été très convaincante.
A noter que les données sont conservées jusque 3 années après le décès du bénéficiaire. Celui-ci a certes un accès permanent aux informations le concernant, mais l’ampleur de la base de données qui se met en place est nouvelle.
Dès jeudi 21 novembre, les 25 millions de bénéficiaires du CPF peuvent s’inscrire sur la plate-forme, qui sera accessible aussi bien via mobile que via le site internet moncompteformation.gouv.fr. Dès le 1er décembre, les bénéficiaires devraient être en mesure d’acheter de la formation en quelques clics par ce biais, en utilisant les sommes présentes sur leur compte. En novembre 2020, le système intègrera les abondements de l’entreprise et des autres financeurs. Ce n’est pas seulement un nouveau circuit de marché qui se met en place : c’est également un nouvel écosystème d’information, dans lequel le responsable formation trouve un nouvel interlocuteur – la CDC – et s’éloigne un peu des Opco.
Crédits photo : Shutterstock/ra2studio
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Une correction qui me semble importante : dans ce nouveau dispositif, la CDC n'a absolument pas vocation à devenir "un nouvel interlocuteur" du responsable formation, et l'OPCO ne "s'éloigne" pas de lui, bien au contraire ! La CDC gère l'utilisation des fonds au travers de l'application, mais elle ne conseille pas les RF, pas plus que les OF, qui gardent leurs interlocuteurs traditionnels.
Merci pour votre commentaire ! En effet, notre formulation est sans doute - un peu volontairement - excessive, et vous avez raison, la CDC ne va pas remplacer les Opco sur l'accompagnement de la formation ! Mais elle devient bien - dans l'était actuel des annonces - un interlocuteur administratif de l'entreprise sur les questions touchant le CPF.
J'amende un peu le texte pour tenir compte de votre remarque. Evitons les malentendus !
Bien cordialement