Depuis le 1er janvier 2019, une nouvelle gouvernance de la formation professionnelle se met en place. La toute nouvelle agence France Compétences a commencé ses travaux. En coulisse, les négociations vont bon train pour finaliser la carte des Opco, les nouveaux organismes issus des branches professionnels et chargés de gérer l’apprentissage et le financement des formations dans les petites entreprises. Où en sommes-nous ? Et quelles vont être les conséquences pour les entreprises ? Nous faisons le point, avec l’aide de Jean-Philippe Cépède, directeur juridique de Centre Inffo.
La réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage est entrée dans une phase active de transition qui doit durer jusqu’en 2021. L’écosystème se recompose entièrement :
En pratique, pour les entreprises, la réforme va se traduire par une période de transition qui va durer jusqu’à 2021. Les nouveaux circuits financiers, les nouveaux organismes, les nouvelles compétences vont se mettre en place progressivement.
Les nouveaux « opérateurs de compétences », ou OPCO, sont en train d’être définis.
La réforme demandait aux branches professionnelles de constituer des accords afin de mettre sur pied un nombre réduit d’Opco (une douzaine), sur des périmètres cohérents. Le rapport Marx-Bagorski proposait une liste de 11 Opco. Le découpage doit être opérationnel au 1er avril 2019.
« 13 dossiers ont été déposés au cabinet de la ministre », nous rappelle Jean-Philippe Cépède, directeur juridique de Centre Inffo. A ce stade, 9 Opco semblent à peu près stabilisés, en cohérence avec les grandes lignes du rapport. 4 propositions ne seront pas acceptées, et devront être revues. « Le Medef et la CPME, qui avaient chacun leur Opca (Opcalia et Agefos), ont déposé chacun un dossier. Ils devront se mettre d’accord. L’U2P (artisans) a déposé le sien, et l’intérim aussi. Si les branches et les interbranches ne se mettent pas d’accord, le gouvernement tranchera. Il pourra y avoir des mariages forcés. ».
Pour le moment, pour les entreprises, rien ne change : les anciens Opca sont rebaptisés Opco depuis le 1er janvier 2019, et continuent en principe à suivre les dossiers. Au 1er avril 2019, les entreprises changeront d’interlocuteur. Le plus souvent, l’ancien Opca aura fusionné avec d’autres pour donner un nouvel Opco. Mais parfois, les branches d’un même Opca ne se retrouveront pas dans le même Opco… Il faudra être vigilant
La collecte des fonds de la formation et de l’apprentissage va passer progressivement des Opco à l’Urssaf, au cours d’une période de transition qui va durer jusqu’à 2021. « En effet », explique Jean-Philipp Cépède, « la fusion de la contribution à la formation professionnelle et de la taxe d’apprentissage pose un problème d’harmonisation ». En raison du mode de calcul de la contribution formation et du fonctionnement des Opca, « il n’est pas possible de prévoir une « année blanche » comme pour le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ».
En pratique, le calendrier des paiements va s’échelonner comme suit, pour les entreprises d’au moins 11 salariés :
A partir du 1er janvier 2021, les deux contributions seront prélevées par l’Urssaf mensuellement via la DSN.
Que deviendront les contributions volontaires et conventionnelles ? Qui les collectera ? « Sur ce point, le décret ouvre le jeu », explique Jean-Philippe Cépède. « Les Opco pourront collecter les contributions conventionnelles et les contributions volontaires, les partenaires sociaux le prévoient. Sinon, elles pourront être prélevées par l’Urssaf », qui les reversera ensuite à l’Opco.
Que deviendra la subrogation ? Il s’agit, rappelons-le, de la pratique qui consiste, lorsqu’une entreprise envoie des salariés en formation financièrement prise en charge par l’Opca, à confier à celui-ci le soin de régler directement l’organisme de formation. La formule permet d’éviter à l’entreprise de payer l’organisme pour demander ensuite un remboursement à l’Opca.
Avec la réforme, la subrogation sera réservée aux entreprises de moins de 50 salariés (dont le plan de formation est pris en charge) ainsi qu’aux entreprises qui effectuent des versements volontaires. « La subrogation restera possible, si les Opco le décident », précise Jean-Philippe Cépède. « Les entreprises qui font des versements volontaires attendent du service : on peut donc imaginer que les Opco proposeront la subrogation ».
La réforme de 2014 avait mis en place un système de certification de la qualité des organismes de formation. Il en était résulté notamment la mise en place du Datadock, un système de référencement partagé par les Opca, et qui permettait aux organismes de formation de s’enregistrer en remplissant une liste de 21 critères.
A partir de 2021, les organismes de formation qui veulent bénéficier de financements publics ou mutualisés devront être certifiés par un organisme accrédité par le Cofrac (Comité français d’accréditation). Pour ceux qui ont fait la démarche d’obtenir un label reconnu par le Cnefop et/ou de s’enregistrer au Datadock, tout sera donc à recommencer, même si le référencement obtenu reste valide jusqu’à fin 2020.
« Il ne devrait pas y avoir de révolution dans les critères de qualité : on s’attend à la reprise de ceux du décret du 30 juin 2015 » commente Jean-Philippe Cépède. « Les organismes qui ont déjà fait la démarche ont donc déjà le pied à l’étrier. »
La réforme modifie également le système de certification professionnelle. « France Compétences comporte une commission particulière qui a pour mission d’enregistrer les certifications au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ainsi qu’au répertoire spécifique (anciennement l’inventaire). »
« Le diagnostic au départ de la réforme est qu’il y a trop de certifications en France : il y a donc une volonté de réguler les enregistrements. » Par ailleurs, les certifications seront de plus en plus découpées en « blocs de compétences ». « Il ne s’agit pas uniquement de décomposer les certifications en différentes étapes. Le but est aussi de permettre à une personne engagée dans une formation de bifurquer vers une autre certification en cours de route ». Par ailleurs, « les certifications auront une durée de vie maximale de 5 ans ».
La nouvelle agence France Compétences, créée par la réforme du 5 septembre 2018, a commencé à fonctionner : elle a désormais un président (Jérôme Tixier, ancien DRH de L’Oréal), un directeur général (Stéphane Lardy, ex-FO et ex-directeur de cabinet de Muriel Pénicaud), et un site internet. C’est un établissement public placé sous la tutelle du ministère en charge de la Formation professionnelle.
Sa gestion est en principe quadripartite, c’est-à-dire qu’elle comprend des représentants de l’Etat, des Régions, des salariés et des employeurs, ainsi que des personnalités qualifiées. En pratique, le décret du 28 décembre 2018 qui fixe la composition du conseil d’administration maintient la prééminence de l’Etat. En effet, le conseil est composé de 15 personnes réparties comme suit :
Au total, l’Etat et les personnalités qualifiées qu’il nomme cumulent donc 55 voix, soit autant que les Régions, les syndicats et le patronat réunis.
France Compétences cumule plusieurs missions :
La réforme de la formation de 2018, à la différence des précédentes, « n’est pas conçue du point de vue des corps intermédiaires », pour Jean-Philippe Cépède. « Elle est fondée sur l’idée que le système doit être au service de l’entreprise et des citoyens. » C’est cette logique qu’on retrouve derrière l’ « urssafisation » des contributions, derrière la fusion du compte personnel de formation et du congé individuel de formation, ou encore derrière la désintermédiation du CPF. La simplification de la gouvernance, avec la création d’une agence unique, va également dans ce sens. Il reste à faire en sorte que cette politique se traduise en simplifications effectives pour les entreprises.
Crédit illustration : Shutterstock / Alzay
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