Pour ce dernier volet de notre série d’articles sur la réforme de la formation actuellement en débat, nous abordons le volet « alternance » – après l’architecture du système et l’action de formation. Le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » organise notamment un début de convergence entre les deux grandes « familles » de l’alternance : l’apprentissage et la professionnalisation. Nous faisons le point sur les principales mesures envisagées.
Dans le système français, la formation en alternance était délivrée jusqu’à présent dans deux cadres institutionnels distincts :
La réforme qui s’annonce modifie les circuits de l’apprentissage et rapproche les deux dispositifs.
Plusieurs aspects du contrat d’apprentissage vont changer. Les principaux à connaître pour l’entreprise sont les suivants :
A titre d’expérimentation, pendant trois ans après promulgation de la loi, les contrats d’apprentissage devraient pouvoir être accomplis par l’apprenti en partie à l’étranger, à condition d’en effectuer au moins 6 mois en France. La même possibilité est prévue dans le projet de loi (à titre définitif, et non sous forme d’expérimentation) pour les contrats de professionnalisation.
Les centres de formation d’apprentis (CFA) devront faire une déclaration d’activité comme tous les organismes de formation, et justifier de la même certification qualité que ces derniers.
CFA et lycées professionnels devront en outre rendre publics chaque année leurs résultats et performances en matière d’obtention de diplômes, de poursuite de la scolarité et même d’insertion professionnelle en France et sur le bassin d’emploi. Ils devront même renseigner une variable intitulée « la valeur ajoutée de l’établissement ». Ces éléments devraient apporter des informations aux employeurs et aux apprentis sur la qualité de l’enseignement dispensé.
Un point reste imprécis : celui du coût de l’apprentissage pour l’employeur. Jusqu’à présent, il existait 3 dispositifs d’aide et un crédit d’impôt ciblant l’apprentissage, en particulier dans les entreprises de moins de 11 salariés. L’ensemble de ces avantages serait remplacé par une prime unique aux entreprises de moins de 250 salariés qui embauchent des apprentis pour des formations de niveau bac maximum. Le montant n’en est pas encore connu. Il y aura donc moins d’aides, pour des cibles moins nombreuses.
Par ailleurs, les circuits de financement changent. Les CFA seront désormais rémunérés au contrat, sur la base de tarifs définis par les branches ou par les opérateurs de compétences, après avis de France Compétences. Les opérateurs de compétences verseront les sommes aux CFA. Des financements complémentaires pourront venir des régions. Une période de transition est cependant ménagée.
Le texte débattu à l’Assemblée nationale à partir du 11 juin comporte quelques différences avec le projet de loi initial, notamment sur la contribution unique à la formation et à l’alternance. La commission des affaires sociales a inséré un amendement selon lequel la contribution serait à nouveau divisée en deux parties distinctes, l’une pour l’apprentissage, l’autre pour la formation professionnelle. En pratique, cela ne change pas grand-chose pour l’entreprise, si ce n’est en matière d’édition des bulletins de paie : l’Urssaf (ou la Mutualité sociale agricole, MSA, pour les entreprises de ce secteur) demeure le seul collecteur. En revanche, les taux ne sont plus tout à fait les mêmes. En l’état actuel du projet de loi, les entreprises de moins de 11 salariés verseraient 1,23% (soit 0,55% formation et 0,68% apprentissage), et les entreprises de 11 salariés et plus 1,68% (1% + 0,68%). On reviendrait donc aux taux actuels, moins avantageux pour les entreprises de moins de 250 salariés que ceux que nous annoncions en avril. En outre, l’exonération des entreprises qui emploient un apprenti et dont la masse salariale est inférieure à 6 Smic annuels serait rétablie.
Le projet de loi prévoit une expérimentation qui pourrait s’avérer intéressante pour les entreprises : pendant trois ans, sur certains territoires, il sera possible de conclure des contrats de professionnalisation pour des formations non certifiantes, visant simplement à acquérir certaines compétences. Le salarié devra donner son accord, et l’objectif de la formation sera défini par l’employeur et l’opérateur de compétences. Si cette expérimentation venait à être étendue et pérennisée, le contrat de professionnalisation deviendrait un outil beaucoup plus souple pour l’employeur – mais peut-être moins intéressant pour le salarié.
Par ailleurs, le projet de loi prévoyait initialement la suppression pure et simple de la période de professionnalisation, qui permettait de proposer des formations en alternance aux salariés en poste. Dans la nouvelle version du projet de loi, après amendement par la commission des Affaires sociales, un nouveau dispositif est créé en remplacement : il s’agit de la « reconversion ou promotion par alternance ». Là où la période de professionnalisation avait pour finalité le maintien dans l’emploi, la reconversion ou promotion par alternance vise, comme son nom l’indique, à « permettre au salarié de changer de métier ou de profession », ou à « bénéficier d’une promotion sociale ou professionnelle par des actions de formation ».
Le projet de loi est examiné par les députés à partir du 11 juin. La procédure accélérée ayant été engagée, il n’y aura qu’une lecture à l’Assemblée et une au Sénat (à partir du 9 juillet en principe). En cas (probable) de différences entre les deux textes votés, une commission mixte paritaire se réunira pour mettre au point le texte définitif, à la rentrée. Commencera alors la phase des décrets, qui apporteront des précisions indispensables. La réforme est loin d’être terminée !
Crédit photo : fotolia/Ricochet64
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