La réforme de la formation professionnelle a franchi un nouveau cap vendredi 27 avril, avec la présentation officielle du projet de loi en Conseil des ministres. Nous poursuivons notre lecture des changements prévus, entamée dans cet article, en nous intéressant aux nouveautés en matière de définition des actions de formation et d’obligations des entreprises. Nous avons également relevé quelques petites évolutions depuis l’avant-projet de début avril.
L’un des objectifs annoncés de la réforme était de redéfinir et simplifier l’action de formation. Selon l’exposé des motifs, le projet de loi se propose de poser « un cadre légal clair et rénové de l’action de formation, définie comme un parcours pédagogique, permettant d’atteindre un objectif professionnel et pouvant être réalisée en tout ou partie à distance ou en situation de travail ».
En pratique, il semble que la réforme apporte surtout une meilleure lisibilité de la loi, sans modifier en profondeur la définition. La liste à la Prévert de l’article L. 6313-1, qui comportait 15 entrées très diverses (contre 6 à sa création), est ramenée à 4 grandes têtes de chapitres, développés dans les articles suivants.
L’article ne prétend plus définir « les actions de formation » mais « les actions concourant au développement des compétences ». Les 4 catégories correspondent à 4 types d’outils :
« 1° Les actions de formation ;
2° Les bilans de compétences ;
3° Les actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience ;
4° Les actions d’apprentissage. »
L’action de formation est donc considérée comme un sous-ensemble d’action de développement des compétences. Elle est définie plus loin de façon très large comme « un parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif professionnel. » Elle peut « être réalisée en tout ou partie à distance », et « être réalisée en situation de travail ». En pratique, c’était déjà le cas, mais la réforme sécurise la question en intégrant ces deux dimensions à la définition même de l’action de formation. Un décret viendra en préciser les modalités.
Les objectifs de la formation professionnelle, actuellement précisés en ouverture du chapitre par l’article L. 6313-1, sont développés en termes un peu différents dans le nouvel article L. 6313-3.
La notion de « formation certifiante » fait l’objet d’une définition en bonne et due forme : il s’agit des formations qui mènent à l’acquisition :
L’article précise que « les autres formations peuvent faire l’objet d’une attestation dont le titulaire peut se prévaloir ». Mais elles ne seront pas finançables via le compte personnel de formation.
La Commission nationale de certification professionnelle (CNCP), qui instruisait jusqu’à présent l’inscription au RNCP et à l’inventaire, est remplacée par une commission de France Compétences. Cette commission tient donc deux listes, le RNCP proprement dit, et le « répertoire spécifique », qui comprend « certifications et habilitations correspondant à des compétences professionnelles complémentaires aux certifications professionnelles. ».
Les modalités d’enregistrement sur ces deux répertoires sont simplifiées et accélérées (même s’il faudra attendre les décrets pour savoir exactement comment). L’enregistrement sera toujours valable 5 ans. On peut donc en espérer une plus grande réactivité de l’offre de formation.
Le projet de loi comporte également un volet « qualité », considéré comme essentiel : c’est en effet la certification de la qualité qui doit permettre à un nouveau marché désintermédié autour du CPF de renouveler l’offre de formation.
Le principe n’est pas fondamentalement différent de ce qu’il était dans la réforme précédente : les organismes de formation devront être « certifiés » pour bénéficier de financements publics ou mutualisés. Comme précédemment, la qualité sera définie en fonction de « critères » définis par un décret à venir – un second « décret qualité », donc, dont on ignore encore s’il se démarquera significativement du premier. La voie réglementaire ira cependant plus loin qu’auparavant, puisqu’un autre décret, pris après l’avis de France Compétences, fixera un référentiel et des indicateurs pour l’application des critères.
La nouveauté est que la certification sera délivrée par un organisme accrédité par la Cofrac, ou par un autre organisme d’accréditation européen. Auparavant, les organismes financeurs pouvaient vérifier par eux-mêmes le respect des critères par les prestataires de formation : c’est même la raison d’être de Datadock, qui vise à faciliter ce travail pour les Opca. Les prestataires pouvaient également rechercher une labellisation auprès d’un organisme certificateur figurant sur une liste établie par le Cnefop.
La réforme simplifie donc le système, puisque tout le monde est logé à la même enseigne : tout le monde doit avoir son certificat d’un organisme accrédité Cofrac pour bénéficier de financements. Une simplification qui ne sera pas forcément bien vécue par tous les organismes de formation, qui viennent déjà de devoir se mettre en conformité avec la précédente réforme, et notamment s’enregistrer sur Datadock. Que deviendra celui-ci ? Et les efforts consentis par les prestataires, particulièrement lourds pour les plus petits d’entre eux, auront-ils été vains ?
Difficile de répondre à cette question à ce stade, mais le projet de loi apporte une nouveauté par rapport à l’avant-projet de début avril : l’agence France Compétences pourrait elle-même accréditer des « instances de labellisation » sur la base du référentiel réglementaire. Prépare-t-on le sauvetage de Datadock ?
A noter que les financeurs ne sont pas pour autant exemptés de contrôler la qualité des formations, même si cette obligation n’est ni quantifiée ni sanctionnée.
Un petit détail est ajouté au fonctionnement de l’entretien professionnel : l’employeur doit toujours le réaliser au moins une fois tous les deux ans, et réaliser un « état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié » tous les 6 ans (art. 6315-1 du Code du travail). Celui-ci devait permettre de valider au moins deux points dans une liste de trois : le salarié a suivi une formation, il a acquis une certification, et/ou il a acquis une promotion. Le projet de loi ajouterait un 4e point : l’employeur a proposé au salarié un abondement de son CPF à hauteur d’au moins la moitié de ses droits. Une façon d’encourager les employeurs à ce type de démarches.
Le projet de loi précise, à la différence de l’avant-projet, le montant maximal de la pénalité versée par les entreprises de 50 salariés et plus en cas de non-respect de l’obligation, pour chaque salarié concerné : 6 fois le montant des droits annuels au CPF, soit, si les montants annoncés sont bien validés par décret, 500 x 6 = 3000€. On reste donc au niveau actuel de pénalité, à ceci près qu’en toute hypothèse, la tarification supérieure prévue pour les salariés à temps partiel (3 900€) disparaît.
Du point de vue de l’organisation de la formation dans l’entreprise, le plan de formation devient « plan de développement des compétences » (et non plus, comme initialement prévu, « plan d’adaptation et de développement des compétences »).
Ce nouveau plan comporte des différences significatives avec l’ancien. Le plan de formation comprenait deux types d’actions : les formations visant l’adaptation au poste, qui avaient lieu obligatoirement sur le temps de travail et donnaient lieu au maintien de la rémunération ; et les actions de développement des compétences, qui pouvaient avoir lieu hors temps de travail, jusqu’à 80 heures par an, moyennant versement d’une allocation de formation.
Désormais, les deux catégories d’action ne sont plus formellement distinguées. Seules les formations obligatoires (par convention européenne, loi ou règlement) donneront nécessairement lieu au maintien de la rémunération. Toutes les autres pourront être organisées en partie hors temps de travail, dans la limite de 30 heures, avec l’accord du salarié (qui peut refuser sans que cela puisse être retenu contre lui). L’allocation formation est supprimée. Un accord collectif (d’entreprise ou de branche) peut fixer un plafond d’heures plus élevé.
A noter que l’avant-projet de loi prévoyait d’inclure les formations rendues obligatoires par accord collectif parmi celles qui ne peuvent être organisées hors temps de travail ; ce n’est plus le cas dans le projet de loi actuel.
Bien que l’exposé des motifs annonce des « souplesses pour faciliter l’investissement dans la formation des salariés » et « de nouvelles possibilités de négociation collective », les nouveautés en la matière sont donc assez limitées.
Comme on sait, le CPF englobe désormais le Cif ; mais le nouveau CPF entraîne également la suppression d’autres dispositifs : le congé bilan de compétences, le congé d’enseignement et recherche, le congé jeunes, le dispositif « formation hors temps de travail » créé par la réforme de 2009.
La durée du bilan de compétences est fixée à 24 heures ; auparavant, ça n’était le cas que dans le cadre du congé bilan de compétences.
La réforme est encore loin d’avoir pris son visage définitif : les débats parlementaires, puis la mise en œuvre par décrets peuvent encore modifier significativement certains points. Elle semble cependant tenir en partie sa promesse en matière de simplification de la formation en entreprise, ou au moins en matière de lisibilité. Il reste à voir comment la nouvelle réglementation qualité sera accueillie par la profession de la formation, qui risque d’avoir le sentiment d’un tunnel sans fin d’obligations mouvantes…
Crédit photo : fotolia / Coloures-Pic
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