Les échéances électorales approchent : c’est le moment ou jamais, pour les experts de tous horizons, de se faire entendre des candidats – et de leurs électeurs. Les spécialistes de la formation professionnelle ne font pas exception. Au début de l’été, la Fédération de la formation professionnelle (FFP) diffusait déjà ses propositions de réforme, complétées le mois dernier par des préconisations issues d’entretiens avec les entreprises. En septembre, c’était au tour de BPI Group d’apporter sa contribution au débat, par le prisme de l’expérience des universités d’entreprise. Nous revenons ici sur les principaux éléments de ces deux livres blancs, en attendant que les programmes des candidats à la présidentielle se précisent.
La formation professionnelle fait couler beaucoup d’encre, tant par les attentes qu’elle suscite que par les critiques que son organisation génère. En réforme quasi permanente depuis le début des années 1990, le système fait l’objet de contributions régulières, que nous relayons souvent sur ce blog – qu’il s’agisse des 12 propositions de l’OCDE en 2015, des 11 du rapport parlementaire Cherpion Gille au printemps 2016 ou de l’analyse de Paul Santelmann dans Futuribles.
La période électorale est cependant l’occasion, pour les acteurs du domaine, de coucher « au propre » leur vision pour l’avenir. La FFP a décliné la sienne en 5 propositions pour « libérer la formation professionnelle », en s’adressant davantage à l’organisation du système. En novembre, un « livre vert » contenant des préconisations des entreprises est venu compléter ce programme avec des orientations plus opérationnelles. BPI Group, de son côté, analyse davantage les pratiques de formation en entreprise, et les conditions de leur succès.
Jugeant le système français « mal adapté » aux défis de la société de la connaissance et de « l’hyperdestruction créatrice », la FFP identifie trois principales déficiences :
5 axes de solutions sont proposés :
La FFP reprend ainsi partiellement la proposition de confier à l’Urssaf la collecte des fonds de la formation professionnelle, formulée dès 2011 dans une étude de l’Institut Montaigne par Pierre Cahuc, André Zylberberg et Marc Ferracci – ainsi que ce dernier l’évoquait d’ailleurs sur ce blog en 2015. La FFP va un peu moins loin, en conservant une collecte « professionnalisation » aux Opca.
Le 18 novembre, à l’occasion d’un événement organisé au Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur le thème du capital humain, la FFP a publié également un « livre vert », fruit d’une commande de Bercy et du ministère du Travail. Le document contient 5 « préconisations » issues d’entretiens avec des entreprises. On constate dès l’abord que l’une d’entre elles était déjà présente dans la liste des 5 propositions de juin… Il s’agit, sans surprise, du crédit d’impôt formation.
Les 4 autres portent plutôt sur l’organisation du marché et de la pédagogie :
En somme, la FFP propose quasiment un programme politique clés en mains aux candidats.
L’approche du livre blanc de BPI France est très différente : il porte davantage sur les pratiques de formation dans l’entreprise. L’ouvrage est né d’un événement organisé en avril à Paris intitulé « U-Spring, le Printemps des Universités d’Entreprise ». Experts et professionnels y ont échangé théories et expériences, qui forment la matière de ce livre blanc. Il s’adresse, explicitement, « aussi bien aux entreprises […] qu’aux acteurs politiques ». Il est préfacé par Myriam El Khomri, la ministre du Travail, qui parrainait l’événement.
A travers l’exemple, finalement assez spécifique et centré sur la très grande entreprise, de l’université interne, l’ouvrage aborde des thématiques formation universelles : qui former, et comment ? Quelle certification ? Comment mobiliser les salariés ? Quelle place pour le digital ? Quel rôle pour le responsable formation ?
Parmi les 6 pistes de solutions, en forme de défis, présentées par le livre blanc, une seule concerne stricto sensu l’université d’entreprise : il s’agit de la question de la gouvernance de ces structures. Les 5 autres peuvent s’appliquer à toutes les entreprises et à leurs problématiques de formation :
Ces grandes orientations contiennent en creux des orientations politiques, tout en s’adressant d’abord à l’entreprise et au responsable formation.
Deux livres blancs, donc, qui nous présentent, pour le premier, une vision plus axée sur la gouvernance et l’institutionnel, et pour le second, une vision davantage « entreprise et pratiques de formation ». Avec, entre les deux, un livre vert qui relève un peu des deux logiques. D’autres contributions suivront probablement : nous restons en veille pour vous !
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Ce n'est pas en utilisant les recettes du passé qu'on améliorera la situation de la formation. Tout est à reprendre et le CPF est une coquille vide avec une petite heure de financée pour 24 h "octroyées".
Depuis 2015 les entreprises baissent en moyenne de 30% leur effort formation et si l'on veut que les moins qualifiés se forment il faudra trouver d'autres dispositifs que ce CPF creux et inutile.
Merci pour votre contribution. La question du financement du CPF est en effet loin d'être résolue. Même si toutes les heures de CPF n'ont pas vocation à être utilisées en même temps, nous rappelions dans notre article de la semaine dernière l'évaluation de Marc Ferracci et Bertrand Martinot pour l'Institut Montaigne : 6 milliards seraient nécessaires pour financer un CPF en rythme de croisière ; le système actuel génère un peu moins 1,2 milliards pour le CPF (Opca + FPSPP).
Pour autant, à ce jour (et probablement pour les 2 ou années à venir), les demandes de CPF ne sont pas refusées pour manque de financement, et les taux de financement ne semblent pas orientés à la baisse. S’il s’avère, à l’avenir, que le CPF devient victime de son succès, il sera toujours temps d’adapter le système – et c’est un thème dont les candidats à l’élection présidentielle pourraient utilement s’emparer. En attendant d'en arriver là, le CPF aura diffusé l’idée dans la société que l’individu est acteur de sa formation, et c’est sans doute une contribution essentielle.
Rappelons aussi que la formation professionnelle ne se résume pas au CPF. La question de fond restant, comme vous le soulignez, l'accès des moins qualifiés à la formation.
Pour ce qui est de l'évolution de la dépense formation des entreprises, il nous semble qu'il vaut mieux être prudents sur les chiffres, et attendre d'avoir des données fiables pour 2016. Mais nous sommes preneurs de toutes sources d'information !