Les actifs connaissent bien l’IA, s’en servent déjà et veulent être formés. C’est ce que nous apprend la 6e édition du Baromètre Centre Inffo-CSA de la formation et de l’emploi, sorti le 8 avril 2025. La moitié des actifs utilisent en effet déjà l’IA dans leur pratique professionnelle, et 72% de ces derniers ressentent le besoin de se former sur le sujet. La transformation des métiers par l’IA est donc largement perçue, et l’attente est forte sur le développement des compétences. L’entreprise serait-elle pour une fois en avance sur la sphère privée dans l’adoption d’une technologie nouvelle ?
Sommaire
L’IA, entre confiance et appréhensions
L’IA transforme les métiers… à terme
Une forte demande de compétences liées à l’IA
Des indicateurs emploi et formation plutôt stables
Le baromètre Centre Inffo de la formation et de l’emploi analyse chaque année la relation des actifs français à la formation et à leur métier. Cette année, il s’y ajoute un focus sur l’intelligence artificielle.
Depuis l’irruption des agents conversationnels fondés sur l’intelligence artificielle générative fin 2022, l’IA a envahi les médias et les espaces numériques. Cette omniprésence se lit dans les résultats du baromètre : 71% des actifs déclarent identifier très bien ce qu’est l’IA. Il s’y ajoute 26% de répondants qui connaissent l’IA de nom tout en avouant ne pas très bien comprendre de quoi il s’agit. Seuls 3% des actifs en ignorent tout.
Près des deux tiers (64%) se disent en outre plutôt à l’aise ou tout à fait à l’aise avec l’IA, et 59% s’estiment plutôt bien, voire très bien informés sur le sujet. Parmi les cadres, tous ces pourcentages sont plus élevés de 10 points environ. La population active françaises semble donc majoritairement bien sensibilisée à la question de l’IA.
Données : 6e Baromètre Centre Inffo-CSA de la formation et de l’emploi
Pour autant, ils restent partagés quant à l’impact de l’IA sur leur activité professionnelle. Un gros quart y voit davantage une menace qu’une chance, et près du tiers chez les employés. 3 sur 10 estiment qu’ils ne sont pas concernés ; c’est le cas notamment de près de la moitié des ouvriers. Mais 43% y voient d’abord une opportunité. Les cadres, les ingénieurs, les jeunes figurent parmi les plus optimistes.
Source : 6e Baromètre Centre Inffo-CSA de la formation et de l’emploi
Plus précisément, quelles craintes et quels espoirs l’IA suscite-t-elle dans le domaine professionnel ? Du côté des risques, ce n’est pas tant la crainte d’être remplacé que celle de perdre en dextérité qui prédomine, auprès de plus des ¾ des répondants. Les actifs ont peur de ne plus savoir faire des tâches centrales de leur métier, et de dépendre excessivement d’une IA. Viennent ensuite la perte de relations humaines, la crainte de se retrouver à interagir avec des robots. Les risques éthiques et sociaux arrivent 3e, devant le risque de détérioration de la qualité du travail.
Données : 6e Baromètre Centre Inffo-CSA de la formation et de l’emploi
Du côté des bénéfices, le gain de temps et l’amélioration de la productivité dominent le tiercé de tête, de pair avec la capacité de l’IA à faciliter l’innovation. On attend donc de l’IA qu’elle améliore le travail à la fois quantitativement et qualitativement. Deux dimensions des outils IA sont ici visées implicitement : l’automatisation de tâches et l’aide à la créativité. De fait, les deux principaux usages professionnels de l’IA sont la recherche d’informations (46% de ceux qui utilisent l’IA dans leur travail) et la création de contenus (43%), deux fonctionnalités qui relèvent à la fois de l’automatisation et de l’aide à la création.
Données : 6e Baromètre Centre Inffo-CSA de la formation et de l’emploi
Mais plus concrètement, comment les actifs français anticipent-ils l’impact de l’IA sur leurs métiers ?
Dans quelle mesure les répondants utilisent-ils l’IA ? Comme pour les vagues précédentes de technologie, la sphère privée est en avance sur la sphère publique : près des deux tiers des actifs utilisent l’IA dans leur vie personnelle, contre un peu plus de la moitié dans la sphère professionnelle. Pour les moins de 25 ans, on monte à 78% d’usage professionnel, et 71% pour les cadres. Les Parisiens (au sens large) et les 25-34 ans les suivent (un peu moins de 2 utilisateurs professionnels sur 3).
Ces résultats sont cependant à relativiser : si l’on ne compte que les personnes qui ont recours à l’IA au moins une fois par mois, on descend en-dessous de 50% aussi bien pour les usages personnels (47%) que professionnels (43%). Les utilisateurs quotidiens ou hebdomadaires sont moins d’un sur 3, les seuls utilisateurs professionnels quotidiens à peine plus d’un sur 8.
Source : 6e Baromètre Centre Inffo-CSA de la formation et de l’emploi
Ces taux reflètent une réalité de terrain : seule une fraction des actifs (24%) a vu son métier déjà directement affecté par l’IA. Mais 54% des actifs estiment que ce sera le cas d’ici 5 ans.
Données : 6e Baromètre Centre Inffo-CSA de la formation et de l’emploi
Au total, seuls 12% des actifs considèrent que leur métier ne sera pas affecté significativement par l’IA. Cette opinion est sensiblement plus répandue dans les services aux particuliers (30%) et les secteurs de l’hôtellerie-restauration, du tourisme et des loisirs (27%).
Globalement, cependant, les actifs français anticipent une transformation de leurs métiers à court ou moyen terme. Et pour beaucoup, ils en tirent déjà les conséquences en matière de compétences.
Le baromètre se concentre ensuite sur les 53% de répondants qui utilisent déjà l’IA dans leur travail. Il révèle que :
Données : 6e Baromètre Centre Inffo-CSA de la formation et de l’emploi
Rapporté à l’ensemble de l’échantillon, cela représente 1 actif sur 5 qui a déjà suivi une formation à l’IA. Et au minimum 38% qui souhaitent en suivre une : la question n’a pas été posée à ceux qui n’utilisent pas encore l’IA dans leur travail, et il est probable qu’une partie d’entre eux souhaite également se former sur ce sujet.
De quel type de compétences relatives à l’IA parle-t-on ?
Les formations à l’IA déjà suivies par les actifs se partagent à peu près à égalité (autour de 30%) entre l’évaluation de la fiabilité des informations issues de l’IA, le choix des outils, les enjeux de confidentialité et de sécurité des données ; mais aussi les formations au prompt, à l’utilisation d’outils IA d’automatisation et les enjeux de complémentarité humain/IA.
Parmi les formations envisagées par les actifs à l’avenir, en revanche, certains thèmes se détachent. La question du choix des outils adaptés arrive en tête (52%) : la priorité aujourd’hui est à la sélection des solutions pertinentes au sein d’une offre pléthorique – sur laquelle seuls 3 répondants sur 10 se considèrent comme bien informés. Viennent ensuite la formation aux outils IA d’automatisation (46%) et l’évaluation de la fiabilité des informations (45%). Les formations au prompt, très souvent évoquées quand on parle de formations à l’IA, n’arrivent qu’en 4e (42%).
La demande de formation apparaît donc comme d’ores et déjà exigeante et plutôt bien informée. Nous n’en sommes plus au stade où les actifs demandent majoritairement une initiation ou une sensibilisation : les actions de niveau débutant restent très demandées, mais seulement par une minorité (41%) des actifs intéressés par des formations en rapport avec l’IA. 52% sont en attentes de formations de niveau déjà confirmé, et même 7% de formations d’expert. Ce dernier chiffre monte à 15% chez les cadres.
De fait, le principal reproche qui est fait à l’offre de formation à l’IA est le défaut de formations spécifiques au métier de chaque répondant : 45% des personnes qui utilisent l’IA au travail déplorent ce manque. L’insuffisance de formations généralistes n’indispose que 37% d’entre eux. Par ailleurs, un peu plus du tiers se désole du manque de formateurs suffisamment bien formés dans ce domaine. Un chiffre cohérent avec le fait que 41% des actions de formation déjà délivrées dans le domaine de l’IA l’ont été en interne, via des collègues. Des organismes de formation généralistes ont même été mobilisés dans un cas sur 5. Seule la moitié des formations a été réalisée par des organismes externes spécialisés en IA.
Pour finir, sur la plupart des indicateurs relatifs à la formation et à l’emploi, le baromètre ne signale pas d’évolutions spectaculaires. La confiance dans son avenir professionnel se maintient à haut niveau (69%), malgré la conscience persistante de changements futurs dans les métiers (pour 85% des actifs). La moitié des répondants continue à se projeter ailleurs à court ou moyen terme, et envisage une reconversion plus ou moins rapide.
Face à ces enjeux, 7 répondants sur 10 se sentent suffisamment acteurs de leur formation professionnelle, une proportion stable dans le temps. Seule progression sensible : la part des actifs qui se sentent bien informés sur la formation professionnelle a gagné 10 points depuis 2020 (de 43% à 53%). Enfin, la moitié environ des actifs (47%) envisage de suivre une formation dans l’année qui suit.
Le 6e baromètre Centre Inffo-CSA montre une population active divisée sur la question de l’IA, en partie sur des lignes de catégories sociales, d’âge et de métier. Majoritairement, cependant, les actifs qui sont déjà ouverts sur l’IA apparaissent comme assez matures sur le sujet. Alors que la technologie elle-même n’en finit pas d’évoluer en largeur (quantité d’applications) et en profondeur (puissance et capacité), les collaborateurs, pour une large part, ont déjà commencé à prendre acte de la transformation en cours. L’effort de formation qui a commencé à se déployer sur des sujets en relation avec l’IA s’annonce considérable, et il est certain qu’il représentera une part toujours croissante de la stratégie de formation des entreprises et du quotidien des responsables formation.
Crédit photo : Shutterstock / LightField Studios
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