Pour se former, il ne suffit pas de vouloir : encore faut-il pouvoir. La qualité de la politique de développement des compétences mise en œuvre dans l’entreprise compte pour beaucoup dans l’accès à la formation. Ainsi, les salariés qui veulent se former ont deux fois plus de chances d’y parvenir s’ils ont bénéficié d’un entretien professionnel que dans le cas contraire. C’est ce que nous apprend une étude du Céreq parue ce mois-ci.
Les dernières réformes de la formation professionnelle (2014 et 2018) visaient en grande partie à donner le pouvoir aux salariés en matière de formation. Le compte personnel de formation (CPF), en particulier, avait pour finalité de donner aux actifs les moyens financiers de développer leurs compétences, sans rien avoir à demander à personne.
À certains égards, cette politique est un succès. 10 ans après la création du CPF, selon le 5e baromètre Centre-Inffo de la formation et de l’emploi, 93% des actifs connaissent l’existence du CPF. 73% affirment même qu’ils voient bien de quoi il s’agit. Par ailleurs, 77% d’entre eux estiment que « c’est à chacun d’être responsable de son parcours de formation professionnelle continue. »
Pour autant, les salariés qui veulent se former y arrivent-ils ? C’est la question que s’est posée le Céreq dans une enquête intitulée « Accès à la formation : pourquoi souhaiter se former ne suffit pas ». La méthode consiste à mesurer la part des salariés souhaitant suivre une formation et qui y sont parvenus 5 ans après. Une limite importante de l’enquête est l’ancienneté des données : l’étude utilise 2 vagues de l’enquête Defis, celle de 2014 et celle de 2019. Elle ne mesure dont pas l’impact du CPF désintermédié sur le comportement des salariés. Elle nous donne donc plutôt le point de départ par rapport auquel nous pourrons comparer, à l’avenir, les résultats en matière de formation des actifs à leur propre initiative.
En 2014, 71% des salariés répondaient « oui » à la question : « Souhaiteriez-vous vous former dans les 5 années à venir ? » 5 ans plus tard, 62% des salariés qui voulaient se former ont effectivement suivi une action de formation (non réglementaire) – contre 50% de ceux qui n’exprimaient pas de désir particulier de se former au départ. L’inclination à développer ses compétences est donc bien corrélée à un accès plus élevé à la formation, même si l’effet n’est pas spectaculaire.
Selon l’étude, cependant, « ces constats sont corroborés par des analyses prenant en compte les effets de contexte et de biais, démontrant que l’aspiration à se former accroît significativement les chances d’accéder à une formation, quel que soit le niveau de qualification de l’emploi ». D’autres calculs non détaillés dans l’enquête établiraient donc solidement le lien entre souhait de se former et formation effective.
Notons que plusieurs facteurs influent sur la propension des salariés à vouloir suivre une formation dans les 5 ans à venir :
Assez logiquement, le fait qu’il soit possible de se former stimule l’envie de le faire. Pour autant, les écarts restent relativement faibles : la propension à vouloir suivre une formation est très forte dans l’ensemble de la population active.
On l’a vu, 62% des salariés qui voulaient se former en 2014 avaient pu le faire avant 2019. Mais comment sont-ils répartis ? Quels facteurs favorisent le passage à l’acte ? L’hypothèse testée par le Céreq est que la politique d’accompagnement de la formation des entreprises joue un rôle important. Elle s’avère solidement établie.
Deux indicateurs sont utilisés : le fait, pour le salarié interrogé, d’avoir bénéficié d’un entretien professionnel ; et le fait d’avoir été informé des opportunités existantes de formation par l’entreprise. Entre 2014 et 2019, l’obligation de l’entretien professionnel existait déjà, mais n’était pas appliquée de façon très stricte ; le fait de les organiser ou non peut donc être considéré comme un bon indicateur de la proactivité de l’entreprise en matière de développement des compétences. À noter que selon le Baromètre Centre Inffo, l’employeur et les RH sont le premier intervenant extérieur vers lequel les salariés se tournent en matière de formation (74% des répondants) : il y a une véritable attente d’accompagnement et d’information en matière de développement des compétences.
De fait, dans les entreprises qui organisent des entretiens professionnels, 70% des salariés ont suivi une formation non réglementaire, contre 35% dans les entreprises qui n’en ont pas mis en place. Dans les entreprises qui informent leurs salariés sur les opportunités de formation, 64% des collaborateurs ont été formés, contre 37% dans celles qui n’informent pas. On se forme donc davantage dans ce type d’entreprises.
La volonté de se former permet-elle d’échapper à cet impact négatif ? Elle le réduit, mais ne l’annule pas. Un salarié qui souhaite se former a toujours 17% de chances en moins de voir son vœu exaucé s’il n’a pas suivi d’entretien professionnel. Mais dans la même situation, son collègue qui n’a pas exprimé l’envie de se former a 39% de chances en moins de le faire.
(Source : Céreq)
L’impact de l’information sur les opportunités de formation est moindre : le salarié aspirant à se former qui n’a pas bénéficié d’une telle information n’a que 4% de chances en moins de parvenir à ses fins. On peut faire l’hypothèse que l’entretien professionnel est une pratique individualisée, et donc plus efficace, là où une simple information peut souvent manquer de spécificité.
Le niveau de qualification de l’emploi joue également dans l’accès à la formation. Parmi les salariés qui aspirent à se former, les non-qualifiés ont 6% de chance en moins que les qualifiés de recevoir effectivement une formation. L’information sur les opportunités, en revanche, n’a pas d’impact différencié sur l’accès la formation des qualifiés et des non-qualifiés.
Que nous dit cette étude ? Avant tout, que la politique de formation des entreprises permet de transformer les aspirations des salariés à se former en développement effectif des compétences. En d’autres termes, une fonction RH et formation dynamique permet aux entreprises de réaliser leur potentiel de compétences. Dans un contexte où, selon le dernier baromètre Centre Inffo, près de la moitié des salariés envisagent de se reconvertir ou a commencé à le faire et où plus de la moitié des actifs pense à changer d’emploi, le rôle du responsable formation dans l’attractivité employeur – elle-même levier de performance de l’entreprise – apparaît plus déterminant que jamais.
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