Le CPF a-t-il fait augmenter les prix de la formation ? C’est une accusation que l’on entend souvent : les formateurs ajusteraient leurs prix à la ressource CPF disponible, orientant l’ensemble des tarifs à la hausse. Selon une récente étude de la Caisse des Dépôts, il se pourrait que ce soit le cas : entre 2020 et 2022, le coût horaire des formations financées par le CPF aurait augmenté de 63% ! En prenant en compte différents effets, la hausse est cependant bien plus modérée : 7,7%. Nous avons essayé d’y voir clair.
Sommaire
Une rentrée riche en données formation
Hausse des prix : +7,7% ou +63% ?
Un nombre de formation en recul de 7% en 2022 : pourquoi ?
Bénéficiaires du CPF : employés, ouvriers et demandeurs d’emploi en tête
Formations financées : le Permis B toujours en tête
Un fort turnover dans l’offre de formation
Des aides à la formation globalement en hausse
Le mois de septembre a été riche en études et analyses des données formation, en particulier celles du CPF. La Dares a publié deux notes qui abordent le sujet. La note sur « Les dépenses en faveur de l’emploi et du marché du travail en 2021 » situe la dépense de formation dans l’ensemble des financements de l’emploi. Celle sur « Le compte personnel de formation en 2022 » analyse le recul des dépenses financées par le CPF. Dans le même temps, la Caisse des Dépôts a publié une brève intitulée « La formation professionnelle financée par le CPF en 2022 : quels sont les prix de formation ? » et une étude plus approfondie sur « L’évolution des prix des formations financées par le CPF entre 2020 et 2022 ».
En s’en tenant aux chiffres bruts, l’augmentation est impressionnante. En moyenne, l’heure de formation financée par le CPF valait 16,80€ en 2020. En 2022, on était passé à 27,46€. Cela représente une augmentation nominale de 63,5%. Dans le même temps, selon l’Insee, l’inflation s’est élevée à un peu moins de 7%. Sur un an, entre 2021 et 2022, le chiffre est de +20% (avec 5,2% d’inflation).
Source : chiffres Caisse des Dépôts
En regardant un peu plus dans le détail, nous constatons que tant la dépense que le nombre d’heures financées ont baissé en 2022 par rapport à 2021 – tout en augmentant significativement par rapport à 2020. Cependant, la baisse du nombre d’heures est plus importante que celle de la dépense. Résultat : en 2022, le CPF a financé des formations à la fois plus courtes et plus chères.
Source : chiffres Caisse des Dépôts
De fait, la durée moyenne des formations financées par le CPF est passée de 74 heures en 2020 à 59 heures en 2021, puis 52 heures en 2022.
Comment s’expliquent ces évolutions ? Trois facteurs au moins se combinent.
La Caisse de Dépôts a d’abord calculé l’augmentation du prix moyen des formations à modalités, intitulés de certification et organismes de formation égaux. Par exemple, le prix moyen d’une formation au Permis B par tel organisme, ou au Tosa en distanciel par tel autre. Les résultats sont beaucoup plus raisonnables : 3,2% d’augmentation en 2022, 7,7% entre 2020 et 2022. Sur deux ans, on est à peine au-dessus du niveau de l’inflation.
Cela signifie-t-il pour autant que l’augmentation serait liée uniquement au déplacement vers des types de formation structurellement plus onéreux ? Non : la Caisse des Dépôts démontre qu’une large part de la différence provient en réalité du « choix de nombreux organismes de formation de diminuer la durée de formations aux caractéristiques par ailleurs inchangées sans répercuter intégralement la baisse de la durée sur le prix total des formations ».
Le phénomène est particulièrement dans les formations en langues, dont les prix horaires à intitulé constant ont augmenté de 42%, et pour les accompagnements à la création d’entreprise, qui ont gagné 30%. Les organismes de formation à la bureautique et au secrétariat ont également eu recours au même procédé. Dans le domaine des transports et pour le Permis B, le phénomène est beaucoup plus restreint.
Il y a donc bien eu une augmentation très importante du coût horaire des formations financées par le CPF, par le biais d’une réduction des durées des formations sans réduction égale des tarifs.
La Dares nous apprend par ailleurs que le nombre d’entrées en formation financées par le CPF, qui s’établissait à un peu moins de 2 millions en 2021 (1 982 900), a reculé à 1 851 200 en 2022. Soit une baisse de 7,1% en un an. Pour une analyse de cette évolution à partir des données Open Data jusqu’à août 2023, nous vous renvoyons à cet article.
Ce chiffre ne recouvre pas exactement celui des bénéficiaires ayant mobilisé leur CPF : en effet, 1 621 500 personnes ont réalisé ces 1 851 200 formations. 12% d’entre eux ont donc financé plus d’une prestation – souvent sans doute dans le cadre d’un parcours de formation composite, ou en enchaînant bilan de compétences et formation.
La Dares mentionne plusieurs causes à cette baisse de fréquentation :
C’est à partir du dernier trimestre 2022 que la baisse est vraiment perceptible. Pour la Dares, cela indique le rôle prépondérant du dispositif France Connect+ dans la réduction du nombre de dossiers. Des demandes frauduleuses ont certainement été évitées ainsi. Mais certains bénéficiaires ont probablement été découragés par la complexité de la procédure.
Le CPF avait vocation à permettre un accès à la formation pour tous, en ciblant les publics les moins souvent formés. Cet objectif semble avoir été au moins partiellement atteint.
Source : Dares
En effet, les moins qualifiés (non titulaires du bac) représentaient, en 2022, 42% des utilisateurs du CPF, alors qu’ils comptent pour 33% de la population active totale. Cette surreprésentation des moins qualifiés s’accroît dans le temps : en 2020, les moins qualifiés mobilisaient 38% des entrées en formation CPF pour 36% de la population active.
À l’inverse, les plus diplômés (bac+3 ou plus) sont sous-représentés (23% contre 29% dans la population active) parmi les utilisateurs du CPF.
Le phénomène se confirme si l’on s’intéresse à la catégorie socio-professionnelle. Les demandeurs d’emploi restent, de loin, les premiers utilisateurs de CPF : ils totalisent 30% des formations engagées via ce dispositif, alors qu’ils ne sont que 7% de la population active. Cette part est cependant en net recul : ils étaient 38% (pour un chômage de 8%) en 2020.
Si l’on considère la population active en emploi, les ouvriers et surtout les employés ont davantage recours au CPF que les autres catégories. Ensemble, ces deux catégories comptent pour 58% des utilisateurs en 2022, alors qu’elles ne représentaient que 45% de la population active. C’est tout particulièrement le cas pour les employés (37% vs 26% dans la population active).
À l’inverse, les professions intermédiaires et les cadres ont représenté 33% des formations engagées en 2022 avec un financement CPF, pour un poids de 47% dans la population active.
Sur cette répartition, les chiffres de la Dares ne montrent pas une évolution très marquée depuis 2020. Mais la tendance est positive pour les ouvriers, qui passent de 19% à 21% des bénéficiaires du CPF.
Du point de vue des formations financées par le CPF, deux évolutions sont évidentes.
À côté des langues, le Permis B confirme sa première position (17,2% des formations contre 14,7% en 2021), et les formations à la création d’entreprise, pourtant visées par les politiques de renforcement des critères, prennent la 2e place avec 14,7% des formations engagées, contre 10,4% en 2021. Les formations à la bureautique viennent ensuite avec près de 10% des prestations.
Au total, ces 4 types de formation représentent 55% des prestations financées par le CPF en 2022 (en nombre). C’est presque 10 points de plus qu’en 2020.
Source : Dares
Cette évolution est d’autant plus frappante si l’on considère que le CPF finance beaucoup de Permis B et de Caces, qui sont des formations impossibles à délivrer à distance. Il y a donc une grande disparité dans les modalités de formation entre les thématiques. 88% des formations à l’informatique et 83% de celles du domaine secrétariat et bureautique sont délivrées à distance (parmi celles qui sont financées par le CPF). Le commerce (82%) et les langues étrangères (79%) ont aussi massivement recours au distanciel.
Selon la Caisse des Dépôts, 65% des formations financées par le CPF en 2022 n’existaient pas en 2021. Il peut s’agir de nouveaux organismes, ou de nouvelles offres créées ou « repackagées » par des organismes existants.
Ce « turnover » des offres s’est accru par rapport à 2021, où il s’est élevé à 52%. Il concerne tous les domaines de formation, mais pas du tout dans les mêmes proportions. Les formations en langues, en bureautique et en informatique affichent ainsi des taux de renouvellement proches de 90% ! Pour les Permis B, le chiffre n’est que de 35%.
Ces chiffres s’expliquent en partie par la volatilité de ces marchés, où de nombreux acteurs apparaissent et disparaissent chaque année. Mais il reflète aussi la stratégie des formateurs qui modifient et diversifient leurs offres, au moins dans leur présentation. Souvent, nous l’avons vu, il peut s’agir uniquement de réduire le temps de formation, sans forcément ajuster le prix.
En avance sur le Jaune Budgétaire 2024, la Dares fait par ailleurs le bilan des dépenses d’emploi et formation pour l’année 2021. Les principales évolutions sont les suivantes :
Les données pour 2022 ne sont cependant pas connues.
Le CPF ne représente donc qu’une fraction des dépenses publiques de formation. Mais son impact sur les prix des prestations pourrait être plus important. Si, dans certains domaines, des organismes sont incités à réduire leur temps de formation tout en maintenant leurs tarifs, la qualité des formations pourrait s’en ressentir, au détriment des entreprises et des salariés. L’évaluation précise de cet effet, malheureusement, est difficile. Mais il est certain que les acheteurs de formation doivent redoubler de vigilance.
Crédit photo : Shutterstock / Andrey_Popov
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