Ca va sans doute de soi, mais ça va mieux en le disant : la réforme de la formation professionnelle devrait avoir un impact significatif sur le budget formation de la majorité des entreprises. C’est ce qui ressort de l’enquête Flash conduite début avril par l’ANDRH et la DFCG. Comment réagissent les entreprises à tous ces changements, de la transformation des circuits de financement à celles du CPF et de la définition de l’action de formation ?
La loi « Avenir Professionnel » a des conséquences importantes pour les entreprises : fin du financement du plan de formation pour les entreprises de 50 salariés et plus, désintermédiation du CPF, mais aussi transformation de l’apprentissage, redéfinition de l’action de formation pour y inclure la formation à distance et la formation en situation de travail… Tous ces changements entrent progressivement en vigueur entre 2019 et 2021.
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Comment les entreprises anticipent-elles ces transformations ? L’ANDRH (association nationale des directeurs des ressources humaines) et la DFCG (association des directeurs financiers et des contrôleurs de gestion) ont recueilli les réponses de 169 personnes, essentiellement des DRH, pour une « enquête Flash » publiée le 11 avril dernier et réalisée en ligne les jours précédents.
Une remarque sur l’échantillon : la moitié des professionnels interrogés appartiennent à des entreprises de 50 à 299 salariés, c’est-à-dire à la tranche la plus directement affectée par la réforme. En effet, ces entreprises bénéficiaient encore, avant la loi, de financements du plan de formation par les Opca. Ce n’est plus le cas depuis le 1er janvier 2019 : seules les entreprises de moins de 50 salariés (6% de l’échantillon) pourront mobiliser des fonds des Opco (qui remplacent les Opca) pour leur plan de formation. Enfin, 36% des entreprises interrogées ont plus de 300 salariés, dont 9% plus de 1000.
A la question « La réforme en cours modifiera-t-elle les arbitrages budgétaires de votre entreprise en terme de formation en 2019 ? », 6 entreprises sur 10 répondent par l’affirmative, et 3 par la négative.
Première remarque : il aurait été intéressant de connaître la composition de ces deux groupes par taille d’entreprise. On peut supposer que les plus grandes structures, moins dépendantes des financements mutualisés, se disent moins affectées par la réforme ; et que les DRH des entreprises de 50 à 299 salariés sont les plus nombreux à annoncer un changement de budget formation.
Le type de révisions budgétaires envisagées semble confirmer cette hypothèse. Pour l’essentiel, sans surprise, il s’agit d’adaptations à la baisse. 35% des responsables annoncent qu’ils vont modifier leurs dispositifs de formation pour pouvoir « maintenir les objectifs à coûts contraints ». 32% envisagent de réduire purement et simplement le budget à due concurrence de la baisse des financements mutualisés.
L’impact sur le budget formation n’est pas toujours négatif : 15% des répondants annoncent que leur entreprise va augmenter le sien. Et seuls 7% préfèrent suspendre le budget en attendant que la transition soit finie. Le ralentissement du marché de la formation que l’on redoute à chaque réforme ne doit donc pas être surévalué, même s’il est manifestement à craindre.
15% des répondants annoncent que la réforme va les pousser à prioriser de nouvelles modalités pédagogiques qui auparavant « ne rentraient pas dans la définition de l’action de formation ». Il s’agit, en l’occurrence, de la formation à distance et de la formation en situation de travail, déjà finançables dans certains cas mais désormais officiellement intégrées dans la définition de l’action de formation.
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La loi visait à promouvoir la diversification des modalités pédagogiques : il semble donc qu’un effet dans ce sens soit déjà perceptible.
Un autre des objectifs de la réforme était de favoriser la co-construction des parcours de formation entre salarié et employeur, via la transformation du CPF. En effet, monétisé et désintermédié, le compte personnel de formation sera plus difficile à mobiliser en faveur de la politique de formation de l’entreprise. Le seul moyen d’y parvenir sera d’obtenir l’assentiment du salarié. Bien sûr, c’était déjà le cas avant la réforme : le CPF a toujours été un droit individuel à l’initiative du salarié. Mais désormais, c’est celui-ci qui aura la main, via l’application dont la sortie est prévue à la fin de l’année. La médiation de l’Opca/Opco ne sera plus nécessaire. Il faudra donc, davantage que par le passé, co-construire, co-financer les actions de formation avec le salarié si l’on souhaite recourir aux fonds du CPF.
En pratique, 54% des responsables affirment avoir d’ores et déjà mis en place une politique de co-investissement. Un chiffre à rapprocher de celui d’une étude que nous commentions récemment, selon laquelle plus de la moitié des responsables formation souhaitent développer une politique vis-à-vis du CPF suite à la réforme.
L’enquête Flash de l’ANDRH nous en dit un peu plus sur ce que les entreprises entendent par le « co-investissement ». Pour 60% des responsables interrogés, il peut s’agir d’un salarié qui mobilise son CPF pour une formation réalisée sur son temps de travail. Pour 66% de l’échantillon, ce peut être également un salarié mobilisant son CPF avec un abondement de l’entreprise. On peut retenir que pour les deux tiers environ des responsables formation, le CPF est perçu comme un vecteur privilégié de co-construction, un moyen de co-financer le plan de formation.
La réforme de 2018 visait à promouvoir la formation comme un investissement, en combinant l’effet de mesures financières (réorientation des fonds mutualisés vers l’alternance et les entreprises de moins de 50 salariés) et d’une relative déréglementation, laissant davantage de place à l’initiative et à la responsabilité des entreprises. L’enquête Flash de l’ANDRH semble montrer que le message a été entendu par au moins une partie des entreprises. Comme à chaque réforme, il faudra attendre quelques années pour mesurer l’impact du nouveau contexte réglementaire sur les investissements formation des entreprises !
Source : ANDRH – DFCG
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