La loi « Avenir professionnel » prévoit de réorganiser le réseau des acteurs paritaires de la formation autour d’un nombre restreint d’ « opérateurs de compétences » (Opco). Ceux-ci doivent prendre la suite, en avril 2019, des actuels organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), au nombre de 20. Un rapport, demandé par le ministère du Travail, vient de formuler des propositions pour servir de guide à la transition. Il y est proposé de rassembler les branches professionnelles autour de 11 Opco.
C’est l’une des grandes nouveautés de la réforme de la formation professionnelle, du point de vue institutionnel : la transformation des Opca en Opco. Il ne s’agit pas d’un simple changement de sigle, dissimulant une continuité institutionnelle quasi-totale, comme cela peut arriver. Les Opco, à la différence de leurs prédécesseurs, ne collecteront plus les fonds de la formation professionnelle, ni la taxe d’apprentissage. En revanche, ils seront amenés à jouer un rôle considérable dans l’organisation et le fonctionnement de l’apprentissage, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
Certes, depuis la réforme de 2014, les Opca étaient pour la plupart devenus Octa, collectant et affectant la taxe d’apprentissage. Mais les Opco feront davantage : ils fixeront le montant du financement des contrats d’apprentissage, et pourront décider, avec les branches, de la création de centres de formation d’apprentis (CFA). Par leur intermédiaire, le monde de l’entreprise prend le contrôle de l’ensemble des leviers de la formation en alternance – contrat de professionnalisation et contrat d’apprentissage.
En outre, les Opco auront en charge le financement du plan de développement des compétences (ex-plan de formation) des entreprises de moins de 50 salariés. Ils utiliseront pour cela les fonds mutualisés issus des contributions de toutes les entreprises, et qui leur seront versés par la nouvelle agence France Compétences. Enfin, ils seront en appui des branches pour leur gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et pour la conception de nouveaux certificats de qualification professionnelle. Ces deux derniers rôles (formation dans les TPE et en appui des branches) sont davantage en ligne avec ce que faisaient les Opca.
Il reste une question : comment les 20 Opca vont-ils se transformer en Opco ? Quel sera le périmètre de ces derniers ? La loi « Avenir professionnel » fixe des critères et une procédure. Celle-ci doit aboutir au 1er avril 2019. En attendant, le ministère du Travail a pris les devants en commanditant un rapport à Jean-Marie Marx (président du Cnefop, nommé en juillet haut-commissaire aux compétences et à l’inclusion par l’emploi) et René Bagorski (président de l’Afref, Association française pour la réflexion et l’échange sur la formation). Leur mission était « de proposer différents scénarii répondant à l’exigence d’opérateurs structurés par une logique sectorielle ou une logique de filière », comprenant « entre dix à quinze opérateurs agréés ». Le rapport final s’arrête à 11 Opco.
C’est l’Etat qui agrée les Opco (comme il agréait déjà les Opca). Les Opca actuels bénéficient d’un agrément provisoire comme Opco jusqu’au 1er avril 2019. Les nouveaux Opco sont créés par accord entre les partenaires sociaux de la ou les branches constitutives. Les branches ont jusqu’au 31 décembre pour conclure ces accords. A défaut, c’est l’Etat qui tranchera. L’enjeu du rapport est là : il suggère à la fois aux partenaires sociaux ce qu’il faudrait faire (sans trancher tous les points), et laisse entrevoir ce qui pourrait être le schéma suivi par l’Etat en cas de désaccord des partenaires sociaux.
Mais que faut-il faire pour être agréé « Opco » ?
La loi fixe, pour l’agrément des Opco, les critères suivants :
Les Opco doivent en outre être gérés paritairement, c’est-à-dire par des instances constituées à 50% de représentants des employeurs et à 50% de représentants des salariés. La loi précise qu’un Opco peut n’avoir qu’une seule organisation patronale représentée au conseil d’administration. En principe, Opcalia et Agefos PME, où la partie « employeur » est représentée respectivement par le Medef et la CPME seuls, pourraient donc continuer à exister.
En définitive, les critères d’agrément des Opco sont quasiment les mêmes que ceux des Opca. La différence est dans la volonté politique exprimée dans la lettre de mission : il faut absolument arriver à un découpage cohérent économiquement, et mettre un terme aux rapprochements de circonstances. Les rapporteurs ont identifié un certain nombre d’incohérences :
Le rapport propose donc une liste de 11 Opco qui mettent un terme à ces curiosités :
Opérateur de compétences | Secteurs concernés | |
1 | Agriculture et transformation alimentaire | Agriculture, production maritime, transformation alimentaire |
2 | Industrie | Regroupement des secteurs industriels |
3 | Construction | Bâtiment, travaux publics |
4 | Mobilité | Transports (routier, ferroviaire, aérien, maritime, fluvial), services à l’automobile |
5 | Commerce | Commerce de détail et grande distribution |
6 | Services financiers et conseil | Regroupement des services financiers et de conseil (banques, assurances, activités de conseil et professions juridiques) |
7 | Santé | Regroupement des professions de la santé et médicosocial |
8 | Culture et médias | Regroupement des activités culturelles, et du secteur des médias (presse, audiovisuel…) |
9 | Cohésion sociale | Champ social et insertion, sport |
10 | Services de proximité et artisanat | Professions de l’artisanat, professions libérales, hôtellerie, restauration, tourisme |
11 | Travail temporaire, propreté et sécurité | Travail temporaire, propreté et sécurité privée |
Une remarque vient immédiatement à l’esprit : les Opca interprofessionnels, Agefos PME et Opcalia, ne sont pas représentés. Les branches qui adhèrent à ces Opca sont, a priori, réparties entre les nouveaux Opco. En soi, c’est un problème : ces deux organismes sont respectivement le 1er et le 3e Opca pour ce qui est des montants collectés. Ensemble, ils cumulent un quart de la collecte totale. En outre, ils sont dotés de réseaux territoriaux solides et bien implantés, et ont consenti d’importants investissements pour jouer leur rôle d’accompagnateurs des entreprises. Il est difficile d’imaginer que les partenaires sociaux accepteront de les passer par armes et profits. On peut penser, en revanche, à une fusion des deux. L’avenir le dira.
Par ailleurs, le rapport laisse la porte ouverte sur un certain nombre de rapprochements. En particulier, on lit que « la mission a fait le choix de ne pas positionner les secteurs de l’enseignement et de la formation, des services à la personne, de l’énergie ou celui des télécommunications dans un champ de cohérence particulier, estimant que ceux-ci pouvaient relever de plusieurs périmètres. »
Deux questions demeurent : d’abord, bien sûr, quelle sera la répartition finale entre Opco ? Les délais laissés aux branches pour cette réorganisation sont extrêmement courts, au regard du rythme habituel de ce type de négociations. Les partenaires sociaux vont devoir faire preuve de réactivité et d’imagination, pour parvenir à proposer une copie acceptable, sans trop déstabiliser les organisations et les expertises en place.
Ensuite, quelles seront les conséquences pour les entreprises ? Dès le premier trimestre 2019, les responsables formation et RH devront s’informer de leur nouvel interlocuteur, qui risque fort de changer. Que pourront-ils en attendre ? Des fonds mutualisés dédiés si l’entreprise compte moins de 50 salariés ; De l’ingénierie financière si les salariés sont prêts à mobiliser leur CPF pour un objectif partagé avec l’entreprise ; et une réactivité accrue, en principe, pour les contrats d’alternance – apprentissage ou professionnalisation. Mais il faudra un peu de temps pour que tout se mette en place !
Téléchargez le rapport Marx-Bagorski
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