58% : c’est la proportion des responsables RH et formation qui estiment que le Compte personnel de formation et le Compte personnel d’activité n’ont que « peu d’impact » sur la politique de formation de leur entreprise. Et 72% ne l’utilisent pas ou peu. C’est ce que nous apprend la nouvelle édition de l’enquête Centre Inffo sur les achats de formation. A comparer aux 62% de répondants qui, il y a deux ans, dans la précédente édition, envisageaient de mobiliser le dispositif. Que s’est-il passé entre temps ? Et quels sont les autres enseignements de l’enquête ? Le point sur ces questions.
Centre Inffo réalise depuis 2012 une enquête périodique sur les comportements d’achat des responsables de la formation en entreprise. En 2017, l’organisme en a conduit la 5e édition, dont les résultats ont été publiés en janvier sous le titre « Achat de formation en entreprise : tendances 2018 ». L’enquête comprend une partie quantitative, basée sur les 140 réponses à un questionnaire en ligne envoyé en septembre-octobre 2017 ; et une partie qualitative, qui compile des entretiens conduits au sein de 20 des entreprises répondantes à l’enquête quantitative. Cette édition 2017 a entre autres pour objectif de « recueillir les tendances et évolutions » du marché de la formation professionnelle « après deux années de mise en œuvre de la loi du 5 mars 2014 ».
Le Compte personnel de formation était l’une des pièces maîtresses de cette réforme de 2014. On le retrouve également au cœur de celle de 2018. L’enjeu était de donner aux salariés les moyens de se former de façon qualifiante à leur propre initiative, que ce soit sur le temps de travail ou en dehors. 3 ans après son entrée en vigueur, les avis sont assez convergents : le CPF est une bonne idée, mais mal mise en œuvre. D’où la volonté, affichée tant par les pouvoirs publics que par les partenaires sociaux, de le réformer en l’assouplissant et en le renforçant.
L’enquête de Centre Inffo confirme ce diagnostic : alors qu’ils envisageaient majoritairement (62%) d’y recourir en 2015, les responsables formation/RH déclarent désormais à 58% que le CPF n’a que peu d’effet sur leur politique de formation. Seuls 26% des répondants l’utilisent significativement. Pourquoi ce relatif désintérêt ? Il faut d’abord rappeler que le CPF n’est pas vraiment conçu pour alimenter la politique de formation des entreprises : il est un outil à la disposition du salarié (et du demandeur d’emploi), pas de l’employeur. Cette dimension ressort dans l’une des motivations invoquées par les personnes interrogées : l’absence de « politique d’entreprise dédiée au hors temps de travail ». Les autres raisons invoquées tiennent davantage à la façon dont le CPF a été mis en œuvre : complexité du fonctionnement, site difficile à comprendre, lacunes sur les listes d’éligibilité.
Il arrive cependant que le déclic se fasse grâce aux salariés eux-mêmes : « Un de nos salariés a utilisé son CPF pour des cours de langues », rapporte un répondant ; « il en a parlé aux autres et cela a fait boule de neige : les autres collaborateurs ont mis en place les mêmes formations en langues ».
Le Conseil national de la formation professionnelle (CNFP) a publié récemment une note sur l’entretien professionnel réalisée à partir de l’enquête DEFIS. L’analyse, ici conçue côté salarié, va dans le même sens que celle de l’enquête de Centre Inffo. Connu des deux tiers des salariés, le CPF ne tente que 28% d’entre eux, tandis que 19% se sont effectivement inscrits sur le site moncompteformation.gouv.fr.
L’un des objectifs de la réforme de 2014 était de faire passer la formation d’une logique d’obligation à une dynamique d’investissement. En 2015, les répondants étaient 95% à considérer la dépense de formation d’abord comme un investissement ; curieusement, ils ne sont plus « que » 73% en 2017. Ce recul s’est-il accompagné d’une baisse des dépenses, comme certains observateurs le craignaient au moment de l’entrée en vigueur de la réforme ?
La réponse de l’enquête est très optimiste : la part des entreprises qui affichent un budget formation « en hausse » augmente de 20 points. Si l’on part des chiffres de 2015, cela voudrait dire que 38% des répondants ont déclaré un budget formation en hausse. Le document ne donne cependant pas explicitement ce chiffre de 38%, et le graphique correspondant semble incohérent (les totaux pour chaque année dépassent 100 alors que la question, par nature, est à réponse unique). On retiendra en tout cas que l’enquête Centre Inffo pointe vers une nette augmentation des dépenses de formation. Il faudra attendre les Jaunes Budgétaires des années 2018 et 2019 pour mesurer véritablement le phénomène.
L’investissement formation concerne de plus en plus des formations certifiantes : 79% des entreprises des répondants ont investi dans ce type de prestation en 2017 – soit 11 points de plus qu’en 2015. Il s’agissait là, également, d’une attente de la réforme de 2014, portée notamment par le CPF. Parmi les formations certifiantes, celles qui sont inscrites au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) sont choisies par 89% des entreprises – contre 50% pour les certifications qui ne sont qu’à l’inventaire.
La tendance est moins nette sur l’application du décret qualité : 54% jugent important son respect par les organismes de formation auxquels ils ont recours, et 41% sont demandeurs d’un label qualité, gage, pour 37% d’entre elles, de réussite de la formation. Beaucoup d’entreprises n’accordent donc qu’un intérêt secondaire à ces questions. Quant au Datadock, l’enquête qualitative révèle qu’il est souvent ignoré des responsables formation, ou considéré comme un artefact administratif de plus.
Les formations achetées sont de plus en plus personnalisées (+12 points pour l’accompagnement personnalisé), dispensées à distance (+15 points) ou mixtes (+8 points). Du point de vue des modalités pédagogiques, la formation-action arrive en tête (81%), devant le e-learning (69%) et les méthodes actives ou ludiques (56%). Les formations informelles (très répandues chez nos voisins) progressent significativement (formation en situation de travail, groupes d’échanges de pratiques, autoformation…). Comme le souligne l’étude, « cette progression confirme que l’assouplissement du périmètre de l’action de formation a répondu à une demande forte des entreprises ».
Les entreprises préfèrent globalement la proximité dans leur processus d’achat de formation. Elles tendent majoritairement (64%) à privilégier les prestataires qu’elles connaissent déjà, et passent d’abord par leur réseau pour en repérer de nouveaux (retours d’expériences des salariés ou réseau professionnel). Les trois quarts déclarent ne jamais ou rarement recourir à une procédure d’appel d’offres, et aucun des professionnels interrogés ne passe par des courtiers ou des centrales d’achats.
Enfin, en aval de l’acte d’achat, l’évaluation à chaud, tout en restant la méthode de suivi la plus utilisée (69% des répondants), perd du terrain au profit de l’évaluation de l’impact sur le poste de travail (58%). 11% des entreprises interrogées évaluent même le gain de productivité des entreprises. Des résultats à rapprocher de ceux du baromètre Fefaur/Talentsoft que nous analysions en octobre dernier.
Globalement, cette nouvelle édition confirme donc les tendances pressenties depuis quelques années : renforcement des nouvelles pédagogies, de la part des formations informelles, des formations certifiantes ; déploiement incomplet du CPF, lesté par sa complexité et ses limites ; et, probablement, maintien voire renforcement de l’investissement formation.
Source : Centre Inffo – Achats de formation en entreprise : tendances 2018
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