Parmi les thèmes les plus souvent abordés lors des réformes de la formation professionnelle, l’inégal accès à la formation des salariés suivant la taille de leur entreprise figure en bonne place. Le sujet fait d’ailleurs partie des grandes orientations fixées par le gouvernement pour les négociations entre partenaires sociaux. Le Céreq a publié fin 2017 une étude qui confirme l’existence et l’ampleur du problème : on y apprend qu’un quart des salariés des plus petites entreprises a bénéficié d’une formation en 2015, contre 63% dans les entreprises de plus de 500 personnes. Quelles en sont les raisons ? L’étude apporte quelques réponses.
La formation doit bénéficier à ceux qui en ont le plus besoin : les réformateurs successifs le répètent depuis que le système de formation professionnelle existe. Celui-ci est accusé de privilégier les cadres et les diplômés des grandes entreprises, au détriment des jeunes, des demandeurs d’emploi, des moins qualifiés et des salariés des PME.
C’est sur ce dernier point que le Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications) s’attarde dans la première d’une série de fiches destinées à éclairer les négociations en cours. Intitulée « Faut-il favoriser la formation dans les petites entreprises ? », l’analyse repose sur l’exploitation des données de la 5e vague (2015) de l’enquête européenne CVTS (Continuing vocational training survey), qui viennent d’être rendues disponibles.
L’enquête a une limite, particulièrement sensible sur ce sujet : elle ne porte que sur les entreprises d’au moins 10 salariés. La formation dans les TPE n’est donc pas abordée. Or celles-ci emploient tout de même près d’un salarié sur 5 en France !
A cette réserve près, les données communiquées par le Céreq confirment bien l’idée que les salariés des petites entreprises accèdent moins à la formation que ceux des grandes. Si la moyenne s’établit à 48%, la part des salariés ayant bénéficié d’une formation en 2015 augmente nettement avec la taille de l’entreprise qui les emploie : 25% dans les 10-19 salariés, 29% de 20 à 49, 41% de 50 à 249. On monte ensuite à 58% au-dessus de 250 salariés, et à 63% au-dessus de 500. Les collaborateurs des grandes entreprises sont donc proportionnellement deux fois et demie plus nombreux à avoir été formés en 2015.
Les petites entreprises ont un mode de consommation de la formation différent de celui des grandes. Elles forment leurs salariés non seulement moins souvent, mais aussi moins régulièrement. Là encore, la limite se situe assez clairement à 250 salariés : au-dessus, l’entreprise recourt annuellement à la formation dans 96 à 99% des cas. En dessous de 20 salariés, elles ne sont plus 45% à le faire. Et 27% ne forment jamais leurs salariés.
L’effort de formation des petites entreprises est, bien plus que pour les grandes, dicté par les circonstances. Les formations obligatoires occupent une part importante de leurs dépenses de formation. 18% des entreprises de 10 à 49 salariés consacrent la totalité ou la quasi-totalité de leur budget à des formations obligatoires. Seules 9% des entreprises de plus de 250 salariés sont dans ce cas, et on tombe à 7% au-delà de 500.
Dans quelles circonstances les petites entreprises ont-elles plus volontiers recours à la formation continue pour leurs collaborateurs ? L’enquête apporte des éléments de réponse : les entreprises de moins de 50 salariés dont le dirigeant souhaite réorienter son activité ou répondre à un changement du marché sont formatrices à 84%. En rythme de croisière, lorsqu’il s’agit seulement de maintenir l’activité, elles ne sont plus que 56% ; on monte à 67% dans les entreprises en phase d’amélioration de leur productivité, et 74% dans celles qui ont pour objectif de se développer dans la même activité.
Les petites entreprises ont donc recours à la formation pour répondre à des besoins précis, à des moments définis de leur trajectoire. La formation ne fait pas partie des pratiques régulières et normales pour accompagner l’activité.
Ce moindre recours à la formation pourrait s’expliquer par un manque de ressources à y consacrer. Curieusement, cependant, le coût est loin d’être la raison la plus fréquemment mentionnée : ce point n’est cité qu’en 5e, et n’est soulevé que par 41% des répondants (entreprises de 10 à 49 salariés).
La principale raison avancée est que… les salariés sont déjà bien assez compétents comme cela. Pour 75% des dirigeants interrogés, « les qualifications et compétences du personnel correspondent aux besoins de l’entreprise ». Les petits employeurs misent avant tout (pour 50%) sur la formation initiale de leurs salariés (qui peut avoir eu lieu en partie dans l’entreprise) et sur le recrutement de profils déjà qualifiés (54%).
La charge de travail et le manque de disponibilité constituent cependant le second motif invoqué (62%) ; le coût en temps est donc davantage redouté que le coût monétaire, ce qui se comprend bien d’un point de vue organisationnel.
L’inadaptation de l’offre de formation, en revanche, n’est quasiment pas évoquée (18% des répondants). Et la difficulté d’évaluer les besoins n’est mentionnée que par 3 entreprises sur 10.
L’analyse du Céreq est complétée par une approche plus qualitative puisée dans des études antérieures : on apprend ainsi qu’il existe deux profils différents de petites entreprises. Les unes sont dites « non réceptives » à la formation continue : il s’agit de petites structures dont le ou les dirigeants ont « le nez dans le guidon » et ne parviennent pas à prendre suffisamment de recul pour engager une réflexion sur la formation des collaborateurs. Les autres sont davantage « réceptives », tout en ayant une approche « réactive » de la formation : elles y ont recours pour répondre à des besoins particuliers et conjoncturels.
Parmi les motivations de recours et de non-recours à la formation, on note cependant une grande absente : la complexité du système. On peut la deviner derrière la réponse « la charge de travail est trop lourde et le personnel manque de temps » ; mais elle n’est pas formulée expressément. Peut-être parce que l’enquête est européenne et que ce problème est d’abord français ?…
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