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Valérie Varéla (RHEXIS) : « Les entreprises ont réagi de manière très diverse à la crise sanitaire »

Après un début de carrière dans le SIRH, les logiciels juridiques et les solutions de paie, Valérie Varéla est Responsable Service Client chez RHEXIS depuis un peu plus de 2 ans. Elle partage avec nous son expérience de la formation professionnelle au temps du Covid-19 : l’impact de la crise sanitaire sur l’activité de formation des entreprises, l’évolution du marché de la formation, le rôle de l’externalisation…

 

Comment les entreprises ont-elles réagi à la crise ?

Il y a plusieurs profils d’entreprises. Dans les plus petites, nous avons assisté à un arrêt total des formations lors du premier confinement, suivi par un redémarrage difficile au mois de juin. Souvent, ces entreprises n’ont pas de responsable formation, uniquement des directeurs ou responsables RH généralistes, qui se sont retrouvés extrêmement sollicités : il leur a fallu mettre en place le télétravail, gérer le chômage partiel… Ils n’avaient plus de temps pour la formation. De ce fait, ils n’ont pas mobilisé les financements FNE : la procédure leur est apparue trop compliquée, la partie administrative leur a fait peur. Et tout le monde n’a pas compris tout de suite l’ampleur du dispositif : certains pensaient que ça ne concernait que les salariés en activité partielle (comme c’était le cas au début), voire ont eu peur de la réaction des syndicats (les formations étant à effectuer sur le temps de chômage partiel).

A l’opposé, le plan de formation de certaines grandes entreprises a été peu affecté par la crise, dans des secteurs comme la banque ou la pharmacie. Pour elles, le défi a surtout été de jongler entre le distanciel et le présentiel, entre confinement et déconfinement, et de replanifier les sessions de formation.  Elles n’ont pas nécessairement eu recours au FNE. Ces entreprises ont maintenu pour l’essentiel le volume de formation, tout en réduisant les coûts grâce au distanciel, qui permet de toucher plus de collaborateurs avec une même prestation.

Entre ces deux extrêmes, on trouve plusieurs types de situations.

  • Certaines entreprises ont très peu formé. C’est le cas en particulier dans les secteurs les plus touchés, comme l’aéronautique ou le tourisme. La plupart des collaborateurs sont en chômage partiel, et la période n’est pas mise à profit pour les former, tant les incertitudes sont grandes. Ces entreprises tournent à 20 ou 40% de leur volume de formation habituel.
  • D’autres sont entre 50 et 80% du niveau d’activité formation habituel, souvent parce que les formations obligatoires représentent une part importante de leur consommation de formation. Ces petites structures se sont recentrées sur ce type de prestations. Elles ont souvent eu du mal à former tout le monde : après le confinement, il y a eu un embouteillage sur beaucoup de formations obligatoires, pour résorber les retards.
  • D’autres encore ont continué à former en ayant recours au dispositif FNE-Formation. Il s’agit d’entreprises dotées d’un responsable formation ou d’un chargé de formation averti, au fait de l’actualité et des évolutions réglementaires. Ces entreprises, plus rares parmi nos clients, ont utilisé abondamment le FNE. Un de nos clients a fortement réduit ses coûts pédagogiques tout en formant davantage.

 

Le recours aux aides d’urgence a-t-il évolué avec le temps ?

Au départ, le FNE a été perçu comme un moyen de profiter du confinement pour former les collaborateurs en chômage partiel. Quand le dispositif a été pérennisé, certaines entreprises ont compris qu’il pourrait servir à financer le plan de formation. Il reste qu’avant de percevoir la subvention, il faut faire signer un devis en interne : les responsables RH et formation n’ont pas tous envie de s’y essayer en période de crise, alors qu’ils ont beaucoup d’autres casseroles au feu et que l’entreprise serre les vis un peu partout.

Le démarrage des subventions FNE a été difficile : les Opco n’arrivaient pas à gérer le flux, des dossiers mettaient parfois un mois et demi à être traités. Le dispositif était nouveau, tout le monde était très prudent.

Aujourd’hui, la réduction à 70% du taux de prise en charge des formations par le FNE ne change pas grand-chose à la donne : le FNE reste avantageux, et nous essayons de convaincre ceux qui ont encore des réticences. Une grande partie des fonds n’a pas été utilisée. Il faut reconnaître cependant que le dispositif est devenu moins attractif, à présent que seuls les collaborateurs en activité partielle sont éligibles.

 

Qu’observe-t-on du point de vue des types de formation ?

Nous avons constaté, chez certaines entreprises, une tendance à réduire la voilure sur les formations externes, en formant des experts internes à devenir formateurs. L’idée est de faire face à la réduction prévisible du budget formation l’année prochaine, et de trouver un moyen de former autant qu’avant pour un coût moindre.

Les aides à l’alternance ont aussi stimulé le recours à l’apprentissage et à la professionnalisation : les entreprises en ont recruté davantage. Mais c’est surtout vrai dans les entreprises de moins de 250 salariés, où le dispositif permet de prendre en charge environ la moitié du salaire. Au-delà de 250 salariés, les conditions sont beaucoup moins avantageuses.

 

Comment se passent le recueil des besoins de formation et l’élaboration du plan de développement des compétences pour 2021 ?

Dans l’ensemble, les entreprises ont maintenu leur calendrier habituel de recueil des besoins. Toutes les entreprises réduisent leur budget formation, mais dans des proportions différentes. Les petites entreprises ne feront que des formations obligatoires l’année prochaine. D’autres maintiennent un certain niveau d’activité, souvent en revoyant les modalités.

 

Comment a évolué l’offre de formation avec la crise ?

Pendant le premier confinement, tous les organismes de formation étaient fermés. Les organismes qui avaient des offres en e-learning déjà prêtes – dont beaucoup de petits organismes – ont tiré leur épingle du jeu. Certains formateurs disent qu’ils n’ont jamais autant travaillé. Les subventions FNE leur ont souvent bénéficié. Dans le même temps, lorsque c’était possible, des formations en présentiel ont été transposées en classes virtuelles. Globalement, le distanciel a progressé, mais la conversion  de l’offre de formation n’est pas encore aboutie. Il reste beaucoup de chemin à parcourir.

Avec le 2e confinement, la formation en présentiel est théoriquement possible, mais les salariés sont souvent un peu frileux. Depuis septembre, nous avons du mal à programmer du présentiel. Nous avons eu à gérer beaucoup d’annulations. Le distanciel remplace en partie, mais tout ne se fait pas à distance : les formations au développement personnel s’y prêtent mal, par exemple, ou les formations qui requièrent la manipulation d’un outil ou d’une machine. De plus, tous les formateurs ne savent pas le faire. Ajoutons que dans les grandes entreprises, les collaborateurs sont souvent en télétravail. Nos clients qui ont des sièges en Amérique du Nord sont en télétravail jusqu’en septembre 2021 ! Certains ne sont pas revenus au bureau depuis le mois de mars. Difficile dans ces conditions de les faire venir en présentiel pour une formation.

Nous avons constaté une augmentation du recours au distanciel, notamment dans les grandes entreprises, qui ont parfois activé leur outil interne de e-learning, ou qui en ont déployé un. La pratique se répand, avec un bilan formation plutôt positif.

 

Quels sont les thèmes de formation privilégiés ?

Les formations obligatoires, d’abord. Mais on rencontre aussi des formations liées au déploiement du télétravail. Beaucoup d’entreprises forment leurs collaborateurs à l’utilisation de Teams ou d’autres outils de réunion à distance. La part des formations à la bureautique augmente, en partie parce que ces formations peuvent facilement se faire à distance, mais en partie aussi par effet optique, lié au fait que le volume global de formation s’est réduit.

Les formations au développement personnel, à la communication, au management sont très souvent annulées. En communication et management, il y a une demande, mais qui est lié au contexte de travail à distance : les entreprises ont besoin de former les collaborateurs et les managers au télétravail. Mais l’offre sur ces thématiques n’est pas encore aussi développée que nécessaire, la demande ayant augmenté d’un coup.

 

Les entreprises se préparent-elles à l’échéance du « bilan à 6 ans » et aux obligations liées à l’entretien professionnel ?

Beaucoup s’en préoccupent depuis le début de 2020. Des entreprises commencent à calculer combien elles vont devoir payer en abondement CPF. C’est une gestion complexe, qui suppose souvent de réunir des données de sources différentes : la RH, les services employant les stagiaires, la plate-forme e-learning et l’organisme de formation interne quand il y en a, éventuellement le prestataire de gestion de la formation… Certains clients nous ont sollicités pour centraliser toutes ces données à leur place. La fonction RH a été très mobilisée cette année, et le suivi des entretiens professionnels et des bilans formation a pu prendre du retard. L’aide d’un prestataire de gestion n’est pas superflue.

 

Quels sont les avantages de l’externalisation en période de crise ?

Il y en a plusieurs. La crise sanitaire a obligé les entreprises à annuler ou reporter des sessions en masse, à passer du présentiel au distanciel, à replanifier plusieurs fois la formation des salariés. Le tout, au moment où les DRH étaient surchargées de travail. Le fait de pouvoir compter sur un prestataire spécialisé pour absorber ce surcroît d’activité est un atout certain pour traverser la crise.

L’externalisation a également été utile pour bénéficier dans les meilleures conditions des subventions d’urgence qui ont été mises en place, en particulier le FNE-formation et les aides à l’alternance. Le FNE, même avec des règles allégées, représente une certaine lourdeur administrative. Le prestataire est au fait de ces nouveautés et acquiert rapidement une expérience de terrain, qui profite à tous ses clients.

Enfin, autre avantage de l’externalisation, particulièrement sensible en temps de crise : la flexibilisation des coûts. Les entreprises qui réduisent leur volume de formation en 2021 – que ce soit en formant moins ou en réinternalisant des formations –réduisent dans le même temps le volume de prestation, et donc leurs coûts de gestion.

Crédit photo : Shutterstock / Drazen Zigic

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