Comment les entreprises vivent-elles la réforme sur le terrain ? Tous les mois depuis le début de l’année, Baptiste Lefèvre, chef de projet formation chez RHEXIS avec, depuis peu, une nouvelle activité de veille juridique, organise un Café Réforme. Il s’agit d’un petit déjeuner en interne au cours duquel l’ensemble de l’équipe se réunit pour évoquer un point précis de la loi, et échanger sur les retours clients qu’il suscite. Le CPF, l’action de formation, les Opco, bientôt l’alternance… La réforme est passée au crible des expériences client. Baptiste Lefèvre nous fait part des principales réactions et questionnements observés auprès des entreprises dont RHEXIS gère la formation.
Elles s’en posent d’abord sur le fonctionnement global du système. Nos clients ont conscience de l’importance de la réforme et des changements apportés par la loi « Avenir professionnel » au système de formation.
Mais ils nous remontent surtout des questions pragmatiques sur ce qui va changer pour eux en pratique, en particulier sur les financements : va-t-on pouvoir toujours former autant, comment, combien, à quel coût ? Parmi leurs sujets de préoccupation concrets, on peut citer :
La période de professionnalisation était un outil beaucoup plus souple, qui permettait de prendre en charge des formations courtes, à des taux de 20 ou 30€ de l’heure. Les taux proposés par les Opco pour la Pro-A sont beaucoup plus bas. Les formations doivent durer au minimum 150 heures, et les salariés doivent avoir un niveau bac+2 au maximum. Donc la procédure est lourde, pour un financement plus faible sur des durées plus longues…
Dans beaucoup de cas, les interlocuteurs ne changent pas sur le terrain, et il y a une vraie continuité de service entre Opca et Opco. Pour l’Opcommerce (ex-Forco), par exemple, la plate-forme en ligne n’a pas changé.
>> En savoir plus sur la transition des Opca aux Opco
Les entreprises s’interrogent cependant beaucoup sur le rôle de conseil qu’assumaient les Opca, en particulier en matière d’optimisation de financement. Auparavant, elles présentaient leur plan de formation à l’Opca, qui pouvait recommander telle ou telle répartition des financements. C’était encore davantage le cas lorsque l’entreprise acquittait en plus un versement conventionnel ou volontaire. L’Opca apportait une aide précieuse qui permettait de récupérer une grande partie de la contribution. Il assurait les paiements des organismes de formation via la subrogation, en prélevant des frais de gestion.
Aujourd’hui, les grandes entreprises qui effectuaient des versements volontaires et confiaient leur plan de formation aux Opca se demandent si elles vont continuer à le faire, en l’absence de financements. Le conseil et les prises en charges vont être dirigés prioritairement vers les entreprises de moins de 50 salariés. Certains clients, également, avaient accumulé des fonds disponibles dans les Opca, et s’interrogent aujourd’hui sur la façon de récupérer ces sommes. La répartition de la collecte entre les différents types de produits, qui était claire auparavant, apparaît actuellement plus floue aux entreprises. Il y a eu quelques tensions autour de ces sujets. Les clients perçoivent cette nouvelle collecte plutôt comme un impôt. Ils n’ont plus l’impression que ces fonds puissent les aider dans la conception et l’élaboration de leur plan de formation.
Certains clients peuvent être également sceptiques sur la capacité de ces OPCO à connaitre aussi bien leur secteur, branche et métiers que leurs prédécesseurs. In fine, ils s’interrogent sur la capacité qu’auront ces OPCO à les accompagner le mieux possible, comme pouvaient le faire les OPCA.
Il reste l’apprentissage : les clients ont compris qu’il y avait un sujet là-dessus, et nous questionnent beaucoup sur les possibilités qui vont être offertes. Des entreprises qui n’y recouraient pas vont peut-être se tourner vers cette modalité. Ce sera le sujet d’un prochain Café Réforme.
>> En savoir plus sur la réforme de l’alternance
C’est une thématique que nous avons abordée lors d’un précédent Café Réforme, et qui intéresse beaucoup les entreprises. La loi cherche notamment à les inciter à recourir à la formation en situation de travail (Fest). Il y a eu une expérimentation avant la réforme, et celle-ci a intégré la Fest dans la définition de l’action de formation. Il était possible d’en organiser auparavant, mais c’était beaucoup plus difficile. La loi encadre la Fest, en précisant les étapes, le recours à des tuteurs, l’accompagnement pédagogique…
La nouvelle définition inclut aussi explicitement les formations à distance, et la combinaison des deux ouvre des perspectives intéressantes. En particulier, les entreprises y pensent pour répondre à une autre mesure de la réforme, celle qui précise et simplifie l’obligation de former à 6 ans. Il faut désormais pouvoir démontrer que chaque salarié, lors de son entretien professionnel des 6 ans, a bien reçu au moins une formation non obligatoire au cours de la période écoulée. En mars 2020, il faudra donc que tous les salariés déjà en poste en mars 2014 remplissent cette condition.
Pour certains de nos clients, c’est un défi. Beaucoup de salariés, en particulier parmi les ouvriers et employés, n’ont reçu que des formations obligatoires. Ils ont été formés, mais sur le poste de travail, de façon souvent informelle. Lorsqu’un chef de service consacre deux heures à expliquer un nouvel outil ou une nouvelle procédure, est-ce de la formation ? Jusqu’à présent, non. Avec la nouvelle définition de l’action de formation, il va devenir possible de construire des parcours de formation sur l’année, en donnant de la cohérence à des interventions courtes. Cela suppose de former un tuteur, de construire un programme, de structurer l’ensemble. La formation en situation de travail peut être ainsi une occasion d’innover pédagogiquement tout en permettant de respecter les obligations de formation.
L’inclusion de la formation à distance dans la définition de l’action de formation contribue également à ouvrir le champ des possibles. Des petites interventions à distance, des micro-formations, une conférence en ligne d’un expert interne… sont autant de moments qui peuvent entrer dans la constitution d’une action de formation, si on y met de la cohérence. Il faut pour cela développer la traçabilité des micro-formations.
Cela signifie de former différemment. La réforme a donc un impact important sur le métier de responsable formation. Il n’est plus, comme il y a quelques années, à faire une 2483 pour vérifier que tout le monde était bien présent, que les actions étaient bien imputables, etc. Il va être amené à toujours plus innover, construire des programmes avec plusieurs modules, des modalités différentes, imaginer des parcours…
Ce sont des événements internes mensuels où nous réunissons l’ensemble des équipes de RHEXIS pour une durée d’une heure. Autour d’un petit-déjeuner, c’est l’occasion pour moi d’identifier un thème spécifique de cette nouvelle réforme, de préparer un support et de l’aborder en séance avec les collègues.
Je pars d’une veille juridique, de littérature et articles de presse spécialisés (Editions législatives notamment), du blog Management de la Formation ainsi que de nos expériences clients pour redescendre de l’information et nous faire interagir ensemble sur ces sujets.
Nous poursuivons deux objectifs avec les Cafés Réforme. D’abord, partager notre veille juridique, afin d’être parfaitement à jour quant aux nouveautés légales et réglementaires. Mais aussi mutualiser nos pratiques et nos expériences, au bénéfice de nos clients. En mettant en commun nos connaissances et nos façons de faire, nous avons une meilleure vision du système de formation tel qu’il fonctionne sur le terrain. Cela nous permet de mieux jouer notre rôle de conseil auprès des entreprises, qui contribue à notre valeur ajoutée.
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