Filipe Nicolau est directeur administratif et financier de Resiquímica, une entreprise industrielle portugaise spécialisée dans les résines synthétiques. Il répond à nos questions sur l’organisation de la formation continue dans son entreprise et au Portugal.
Eléments de contexte (source : Cedefop) : au Portugal, la formation professionnelle continue dépend du ministère du travail, par l’intermédiaire de l’Institut pour l’emploi et la formation professionnelle (IEFP) et du Système national de qualification (SNQ). Le code du travail fixe une obligation, pour les entreprises, de fournir au moins 35 heures de formation par an et par collaborateur. La formation peut être délivrée par l’entreprise, un organisme de formation privé, ou le système public de formation professionnelle. Elle peut se présenter sous tous les formats possibles : interne, externe, en situation de travail, ateliers, auto-formation, conférences… Les formations doivent être certifiées et enregistrées dans le portefeuille formation du salarié. Des financements publics existent, sous certaines conditions.
En pratique, l’entreprise est le principal financeur. La plupart d’entre elles conçoivent et organisent les formations elles-mêmes (92% en 2015), et plus de 90% des formations ont lieu sur le temps de travail. Les entreprises assument près de 94% des frais de formation. Cette proportion a augmenté avec la crise, pendant que les moyens publics alloués à la formation chutaient. La part des salariés en formation continue a beaucoup augmenté depuis les années 1990, mais stagne depuis la crise. En 2015, un tiers des salariés ont reçu une formation. Les disparités entre petites et grandes entreprises sont très importantes (de 12% pour les plus petites à près de 60% dans les plus grandes).
Le système de formation professionnelle initiale est accessible dans certaines conditions aux adultes. Il existe également des modules de formation aux connaissances de base pour les moins qualifiés, ainsi qu’un système de validation des acquis de l’expérience. Les autorités ont lancé en 2014 un programme « Portugal 2020 » avec des fonds de l’Union européenne. Le programme comporte un volet « formation continue », en grande partie orienté vers les demandeurs d’emploi, les jeunes et les moins qualifiés.
Selon les chiffres du Cedefop, la participation des salariés à la formation professionnelle est un peu au-dessus de la moyenne européenne (indice 105). Mais le nombre d’adultes en formation tout au long de la vie est à la traîne (89), le nombre d’entreprises formatrices est tout juste au niveau (98), pour une dépense des employeurs moins élevée qu’ailleurs (88). La formation des moins qualifiés et des demandeurs d’emploi portugais se situe dans la moyenne, soit nettement en-dessous de ce qui se passe en France ou en Angleterre, mais au-dessus des pratiques italiennes ou allemandes. Les seniors reçoivent quant à eux comparativement peu de formation (75).
Filipe Nicolau : Resiquímica est une entreprise portugaise du secteur de la chimie, fondée en 1957 et localisée près de Lisbonne. Elle vient d’être rachetée par l’Américain Omnova. Nous fabriquons notamment des résines synthétiques pour l’industrie. Nous réalisons les deux tiers de notre chiffre d’affaire à l’export, dont un tiers avec la France, via notre client Cromology.
L’entreprise compte 126 salariés, engagés dans une variété de métiers : des salariés engagés dans la production, des employés de laboratoire, des ingénieurs, et bien sûr des collaborateurs dans les fonctions administratives, la vente, le marketing…
Nous mettons en place un plan de formation sur l’année. Les managers transmettent aux ressources humaines les types de formation qu’ils souhaitent pour leurs équipes. Le plan de formation contient tout ce qui est prévisible sur l’année qui vient, mais il faut souvent l’adapter en cours d’exercice, à chaque fois qu’une nouvelle mesure légale concernant la sécurité est votée, par exemple.
Au Portugal, il existe des lois très exigeantes en matière de formation : chaque salarié doit en principe recevoir au minimum 35 heures de formation par an. Il n’est pas facile de respecter cette obligation. Beaucoup de salariés n’ont pas besoin d’autant de formation chaque année. Mais nous faisons tout ce que nous pouvons pour y parvenir.
Il peut s’agir de formation interne fournie par des collègues. Les collaborateurs de nos laboratoires forment ceux des usines sur les nouveaux produits, par exemple. Mais nous recourons également à des prestataires externes, en particulier pour former nos effectifs aux nouvelles législations en matière de sécurité ou d’environnement. Nous sommes une entreprise industrielle, dans un domaine qui peut présenter des dangers, et nous avons beaucoup d’enjeux de ce type. Nous sommes certifiés Iso 14 001, ce qui implique un suivi approfondi de la formation des salariés en matière environnementale.
Il y a d’abord cette obligation de former chaque salarié au moins 35 heures par an. De fait, beaucoup d’entreprises ne parviennent pas à la respecter.
En pratique, le financement de la formation repose largement sur l’entreprise. Il existe également des crédits d’impôt pour les frais de formation. Mais le processus pour en bénéficier est complexe. Nous ne comptons donc pas sur ces aides. Pour certaines formations des personnels de nos laboratoires, nous avons cependant bénéficié d’un crédit d’impôt important ; il pourrait y en avoir beaucoup d’autres, mais il faudrait investir beaucoup de temps de gestion pour récupérer relativement peu d’argent.
Bien sûr, si un collaborateur estime avoir besoin d’une formation en bureautique, en espagnol, en anglais, en français, par exemple, il nous le fait savoir. Nous avons une bonne culture de la formation dans l’entreprise. Dans mon souvenir, personne ne s’est vu refuser une formation, jusqu’à présent. Même pendant la crise financière, nous avons fait notre possible pour répondre à toutes les demandes.
Pour l’essentiel, nous essayons de faire en sorte que les formations se déroulent sur le temps de travail. Pour les formations à l’anglais ou à l’espagnol, cependant, il arrive que les salariés donnent 30 minutes pris sur leur heure de déjeuner.
50 000€ par an, pour un chiffre d’affaires d’environ 15 millions d’euros. Mais ce chiffre correspond uniquement à ce que nous payons à des prestataires externes : il ne comprend ni le temps consacré par nos collaborateurs à former leurs collègues, ni le temps de travail consacré à se former.
Il y a, comme je le disais, une part importante de formations imposées soit par la loi, soit par notre règlementation interne. Nous avons mis en place des règles très rigoureuses en la matière, qui comprend beaucoup de formations qui ne sont imposées par aucune législation, qu’elle soit portugaise ou européenne.
Les thèmes de formation sont très variés : environnement, sécurité, droit du travail, fiscalité, manipulation des produits dangereux… mais aussi langues ou bureautique.
Nous avons peu recours à la formation à distance. Il nous est arrivé d’en organiser il y a quelques années pour les administrateurs, avec une entreprise américaine. Mais en règle générale, il s’agit de formations en présentiel, et très personnalisées.
Pour les langues, nous avons un partenariat avec l’Alliance française et avec l’Institut espagnol. Nous avons pu avoir une enseignante en espagnol qui venait toutes les semaines sur le site, et fait cours dans les installations. Pour les collaborateurs, c’était très pratique, et beaucoup ont voulu participer.
L’entreprise vient d’être rachetée par une société américaine. Dans l’avenir proche, nous allons maintenir les mêmes standards de formation. Notre nouvel actionnaire est attaché à cette politique, et pourrait envisager même d’accroître l’effort de formation, en particulier dans les domaines de la sécurité et des langues.
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