Eva Meroño est Directrice des ressources humaines, de la qualité et des affaires juridiques de Simmedica, une PME implantée à Madrid, spécialisée dans le matériel médical. Elle nous apporte son regard sur le système de formation professionnelle espagnol tel qu’il se pratique sur le terrain, du point de vue du responsable RH.
>> Pour une présentation du contexte espagnol de la formation professionnelle, voir également cet article.
Eva Meroño : La formation est surtout pratiquée dans les grandes entreprises, on la rencontre beaucoup dans les multinationales. Mais l’Espagne est surtout un pays de petites et moyennes entreprises. Et dans celles-ci, tout dépend du dirigeant, ou du DRH, quand il y en a un.
Dans notre entreprise, qui compte une cinquantaine de collaborateurs, nous avons une politique de formation qui utilise les outils à disposition. Mais je soupçonne que dans beaucoup de PME ce n’est pas toujours le cas… Ce n’est pas tellement dans la culture des entreprises espagnoles. Mais il y a eu des mesures d’aide très incitatives qui ont fait en partie changer les choses ces dernières années.
La principale est la bonificación. Les entreprises et les salariés versent une taxe (0,6% pour l’employeur, 0,1% pour le salarié). On cumule le montant de cette taxe pendant un an, et l’année suivante, on dispose de cet argent pour acheter de la formation. Si on ne l’utilise pas, l’enveloppe est perdue.
Le financement est organisé par une institution appelée Fundación Tripartita, qui a changé de nom récemment pour devenir Fundae. Il y a des conditions. La prestation doit être délivrée par un organisme de formation référencé dans la base de données publique. On conclut ensuite un accord entre l’entreprise, le prestataire de formation et le Fundae.
L’organisme de formation fournit ensuite la documentation qui démontre que la formation a bien eu lieu. L’entreprise règle le prestataire, et si toutes les conditions sont bien remplies, l’Etat rembourse le coût de la prestation, sur la base d’un prix horaire, dans la limite des droits accumulés l’année précédente.
Il existe d’autres types d’aide. Il y a le PIF (Permiso Individual de Formación), que j’ai eu l’occasion d’utiliser une fois, et qui permet de se faire rembourser, sous conditions, le temps de travail consacré par un collaborateur à de la formation. Les entreprises peuvent également proposer à leurs salariés un système de « rétribution flexible », qui se traduit en pratique par une défiscalisation de la dépense de formation de l’employé, un peu sur le modèle du chèque restaurant.
Dans les entreprises où il existe une représentation des salariés, celle-ci doit donner son accord pour les formations financées sur la bonifiación, puisqu’il s’agit du fruit de la cotisation de tous les employés. Si les fonds sont utilisés de façon disproportionnée au profit de certaines catégories de salariés, par exemple, ils vont probablement s’opposer. En cas de désaccord persistant, il y a une procédure de médiation.
Dans mon entreprise, parmi les sujets demandés par les salariés, on trouve beaucoup de formations à l’anglais ou à Excel, ce qui n’est pas forcément le plus intéressant pour l’entreprise, même si cela peut s’avérer utile…
Pour ce qui est des formations obligatoires, tout dépend du secteur. Pour ce qui nous concerne, la principale obligation de formation concerne la santé et la sécurité au travail, qui doit être assurée à chaque embauche, et refaite périodiquement. Il y a également d’autres sujets plus ponctuels, comme la protection des données. Avec le GDPR, les salariés concernés doivent impérativement recevoir une formation pour connaître les principes de base de la gestion de données.
Oui, c’est possible, en respectant certaines règles. On peut se faire financer via la bonificación les frais de repas, de location de salle… Mais cela demande des formalités assez complexes, beaucoup de justificatifs à fournir. Il faut informer de la tenue de la formation au moins une semaine avant. Il peut y avoir des visites inopinées de contrôleurs qui vérifient le nom du formateur, le nombre de personnes en formation, etc. En cas d’irrégularité, l’entreprise peut perdre ses droits à la bonificación pendant plusieurs années. Selon les formateurs que je connais, cependant, les contrôles sont relativement rares.
Oui, quand tout est en ordre, même si les formalités sont importantes. On paie la formation, puis on présente le dossier à la Fondation. Celui-ci va assez loin dans le détail. Il faut la signature de chaque apprenant, le matin et l’après-midi, la présentation des diplômes obtenus… S’il manque des signatures, le remboursement est réduit à proportion. La Fondation vérifie tous les papiers, puis nous renvoie un document avec le montant auquel nous avons droit. Nous le décomptons ensuite du paiement effectué à la Sécurité sociale le mois suivant. Tout se fait par voie électronique.
Les contrôles sont rigoureux à ce niveau, notamment parce qu’il y a eu des abus. Il arrive que des entreprises de conseil, par exemple, cherchent à faire passer pour de la formation des prestations qui n’en relèvent pas vraiment.
En fait, la plupart des organismes de formation proposent de gérer les formalités. S’ils ne le font pas, ils prennent le risque de ne pas vendre leurs prestations. C’est inclus dans leurs tarifs. Ce coût de gestion peut être pris en charge au même titre que la formation elle-même : c’est un pourcentage fixe du coût de formation, qui s’impose aux prestataires.
Certaines entreprises assurent exclusivement la gestion, dans les cas où l’organisme de formation ne le fait pas. J’ai déjà eu recours aux services de l’une d’elles, pour une action de formation précise. Ils m’ont demandé toutes les informations nécessaires, puis ont préparé le dossier à présenter à la Fondation.
Pour ce qui est de la partie remboursement, c’est le prestataire qui assure notre paie qui s’en occupe.
Il existe également des entreprises qui gèrent de façon externalisée l’ensemble de la politique formation, mais les clients types de ce genre de prestations sont surtout les grandes entreprises. Dans une structure de la taille de la nôtre, ça n’aurait pas tellement de sens.
Crédit illustration : Simmedica
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