Directeur général de l’Afdas (opca/opacif Culture-Communication-Médias-Loisirs-Artistes et Auteurs) depuis septembre 2013, Thierry Teboul fut précédemment délégué régional Île-de-France du groupe IGS. Il est aujourd’hui membre du comité de rédaction de la revue de l’ANDRH. Il répond à nos questions sur la mise en place des nouveaux dispositifs de la réforme lancés depuis début 2015, le nouveau positionnement des OPCA et l’avenir de la formation professionnelle.
Commençons par nos chiffres pour 2015. L’AFDAS a administré cette année 3 400 demandes de financement de CPF, pour une dépense engagée d’environ 12 M €. La durée moyenne d’un CPF s’est élevée à environ 80 heures sans abondement et à 121 heures avec abondement.
L’ensemble de ces CPF s’est réparti de la manière suivante :
Sans surprise, on s’aperçoit que les salariés qui ont recours au CPF se rencontrent davantage parmi les plus « agiles », c’est-à-dire les plus aptes à s’approprier le nouveau dispositif. La formation professionnelle dans son ensemble est déjà un système complexe, il faudra du temps et de la communication pour que chacun assimile les nouveautés de la réforme de 2014.
De fait, entreprises et salariés ont eu tendance à rester dans leur fonctionnement initial, en sous-estimant peut-être l’ampleur des changements apportés par la loi. Beaucoup ont fait comme si le CPF remplaçait le DIF, par exemple, alors qu’il s’agit de deux dispositifs aux finalités bien différentes. Avec cette nouvelle réforme, ce sont tous les équilibres du système qui sont modifiés ; mais tout le monde n’en a pas pris la mesure. 2015 aura donc été une année de transition, et on a vu se dessiner une modification des pratiques – presque sociales – sur l’appétence pour la formation au dernier trimestre seulement. Le paradigme de la formation est en voie de redéfinition. Tout l’écosystème en est impacté :
La formation en face à face pédagogique nous ramène au XXe siècle ; aujourd’hui, l’e-learning progresse, certes, mais d’autres formes de formation émergent. Nous nous orientons de plus en plus vers une logique de blended learning, à même de former plus de monde avec moins de moyens, en respectant l’intention pédagogique.
Désormais, la formation réunit différents métiers :
On peut exercer les trois métiers, mais aussi n’en faire qu’un ou deux, et ne se positionner que sur un maillon de la chaîne pédagogique. Le tout en respectant les critères qualité nouvellement publiés.
C’est une contrainte nouvelle pour le financeur que de contrôler les actions de formation selon un référentiel. Un principe de réalité s’impose néanmoins à nous. L’Afdas a financé 153 000 actions de formation en 2014, auprès de 9000 organismes de formation. Pour nous, il est donc logiquement plus facile de référencer ces derniers sur les moyens qu’ils mettent en œuvre que sur chacune de leurs actions de formation. Et de contrôler les actions au fil du temps pour des questions de moyens évidentes.
C’est une réforme très systémique, la plus importante depuis 1971. Elle essaie de créer une dynamique vertueuse entre orientation professionnelle, formation et emploi.
On parle beaucoup du CPF, mais le conseil en évolution professionnelle (CEP) est, me semble-t-il, le dispositif le plus intéressant. Il s’agit d’un conseil personnalisé et gratuit, qui n’a pas pour vocation de déboucher nécessairement sur une formation. À son annonce, la création du CEP a créé un émoi chez les producteurs de bilans de compétences, auxquels, pourtant, il ne se substitue pas vraiment. Le CEP intervient plutôt en amont ; il vise à permettre à tout salarié ou demandeur d’emploi de faire le point et de poser les bases d’un projet d’évolution professionnelle. Il peut ouvrir sur une formation ou un bilan de compétences, mais pas de façon systématique. L’Afdas teste en ce moment le bilan modulaire qui me semble être le complément idéal du CEP.
Le CEP a été lancé à l’Afdas en janvier 2015. Nous avons mis en place un grand projet de formation auprès de 80 conseillers sur la France entière. En 2015, pour son lancement, 5 000 entretiens ont été menés (dont 1 700 au bénéfice d’intermittents), sur une population que l’on peut décomposer en 3 catégories :
La loi nous oblige à recevoir tout le monde, mais notre valeur ajoutée est logiquement plus évidente sur nos métiers. J’insiste sur le fait qu’une professionnalisation des acteurs est nécessaire à la réussite du CEP.
Dans nos métiers de la culture, de l’audiovisuel, de la presse, de l’édition phonographique, nous sommes en prise avec des mutations économiques considérables, notamment la dématérialisation. La question du CEP se pose donc de façon particulièrement prégnante.
Un important effort pédagogique est nécessaire pour que chacun endosse ses responsabilités : les entreprises, l’État, les salariés, les CE, les partenaires sociaux…
L’objectif initial des listes des formations, c’est d’accompagner l’emploi au plus près des territoires. D’où l’importance d’avoir des listes régionales. Un CQP agent de loisirs n’a de sens qu’à proximité d’un site susceptible d’employer ce type de profil – donc près d’un parc d’attractions du type Puy du Fou, Parc Astérix ou Disneyland Paris…
Si on élargit à l’excès les listes en intégrant les 18 000 titres inscrits au RNCP et l’ensemble des diplômes de l’Éducation nationale, on aura raté l’objectif.
Par ailleurs il faut admettre l’idée de ne pas comparer les chiffres du DIF avec ceux du CPF. L’ambition affirmée dès l’ANI de décembre 2013 était bien de rompre avec le DIF, et il faut l’assumer, en regard du lien qu’il faut continuer promouvoir entre formation et emploi.
Parallèlement, nous devons développer la formation just in time. La concordance des temps entre le besoin en compétences et la formation est fondamentale. D’une certaine manière, nous allons vers une sorte de la « FOD », la formation on demand. Se former seulement sur ce dont nous avons besoin, au moment où on en a besoin, c’est sans doute l’avenir de la formation.
C’est là que nous retombons dans le problème systémique. Il est urgentissime que les organismes de formation (OF) découpent en blocs de compétences conséquents les cycles certifiants et que la CNCP les valide comme tels. Ainsi, nous nous engagerons davantage dans une logique de parcours. De plus, il n’est pas impossible qu’une personne ayant suivi différents modules courts puisse ensuite faire certifier ses formations auprès d’un OF.
Aujourd’hui, les OF devraient développer des services d’ingénierie de la certification. Prenons un exemple : dans 10 ans, nous disposerons tous de badges (attestations de compétences) post-Mooc. Des certificateurs pourront s’en servir pour tracer nos parcours de formation. Les compétences acquises seront donc plus facilement identifiables et valorisables auprès des recruteurs internes comme externes.
Même si l’investissement dans nos branches va baisser, l’impact sur notre collecte sera faible pour 3 raisons majeures :
Nous réfléchissons à aller plus loin dans la simplification, pour les adhérents qui nous attribuent des versements volontaires et souscrivent à nos programmes qualité. Nous développons aussi notre rôle de facilitateur et d’accompagnateur dans le domaine de l’ingénierie pédagogique. Nous nous devons d’innover pour nous rendre indispensables !
L’Afdas en quelques chiffres
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