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Grégory Luneau : « La réforme a libéralisé d’un côté et créé de nouvelles obligations de l’autre. »

Directeur de l’offre de services, des projets et partenariats chez OPCA DEFI depuis 2014, Grégory Luneau répond à nos questions sur le CPF, la réforme en cours et le nouveau positionnement des OPCA. Diplômé de Sup de Co Reims et de l’IEP de Toulouse, Grégory Luneau a un parcours marketing, stratégie et management de produit, notamment dans le domaine des solutions de gestion du capital humain pour le compte d’ADP pendant 8 ans. Il a rejoint en 2014 l’OPCA pour le Développement de l’Emploi et de la Formation dans l’Industrie (OPCA DEFI), qui gère les fonds de formation des branches professionnelles des industries chimiques, pétrolières, pharmaceutique et de la plasturgie. Rappelons que les OPCA sont chargés de collecter, mutualiser et redistribuer les obligations financières des entreprises en matière de formation professionnelle. Ils exercent également des activités d’appui et de conseil aux entreprises de la branche. Interview.


Management de la formation : – Dans quelques jours, le 1er janvier 2016, le compte personnel de formation aura un an. Vu d’OPCA DEFI, commence-t-il à être adopté par les salariés et les entreprises ?

 Nos données montrent que le dispositif monte en puissance progressivement. L’inscription de certaines certifications en langue à l’inventaire en avril-mai 2015 a beaucoup accéléré le mouvement, ces formations étant particulièrement plébiscitées par les salariés.

Nous restons, certes, sur des volumes assez modestes : quelques milliers de dossiers à fin novembre 2015, à rapprocher des 36 000 DIF financés en 2014. Attention cependant : il ne s’agit pas d’une simple translation entre les deux dispositifs, qui sont assez différents.

Quoi qu’il en soit, les financements accordés en 2015 au titre du CPF devraient être un peu supérieurs à nos estimations budgétaires. Est-ce que cette évolution va se poursuivre ? Il est difficile de le dire, mais il est certain que plus les listes s’enrichissent, plus nombreux sont les salariés qui y trouvent leur compte.

Il faudra sans doute remédier à certains points pour rendre le système plus fluide, mais tout reposera sur l’appropriation du dispositif par les salariés et les entreprises. Pour celles-ci, il y a une nouvelle logique à intégrer : le salarié peut désormais se former sans l’autorisation de l’employeur si la formation a lieu hors temps de travail. Environ un tiers des dossiers que nous avons financés cette année correspondent à ce cas de figure.

 

Y a-t-il un profil type des salariés « utilisateurs » du CPF ?

Pour le moment, le CPF a été davantage mobilisé par les salariés qualifiés, voire très qualifiés, sur des thématiques souvent proches de celles qui prévalaient avec le DIF, en particulier les formations en langues. Il s’agit souvent de projets de formation mûrement réfléchis, réalisés par des individus qui ont une réelle appétence pour la formation et qui se sont plus facilement approprié dans les premiers temps ce nouveau dispositif.

Pour nuancer, il convient de rappeler que les secteurs d’activités couverts par OPCA DEFI – qui représentent au total environ un demi-million de salariés – emploient une part importante de cadres qui avaient déjà auparavant une forte tradition d’utilisation du DIF. Mais nous ne parlons, pour le moment, que du profil des early adopters.

 

Comment se passe votre interconnexion avec le système d’information CPF géré par la Caisse des Dépôts ? 

Elle est en cours d’achèvement. Jusqu’à présent, les dossiers ont été traités de façon manuelle, ce qui supposait la saisie des informations communiquées par le biais du site moncompteformation.gouv.fr ou de formulaires papier. Pour faire face à la montée en charge du CPF, l’interfaçage était indispensable. Il a été conduit suivant un « calendrier d’accrochage » maîtrisé par la Caisse des Dépôts et Consignation, qui gère le système. Nous conduisons les travaux nécessaires avec la CDC, et il ne reste plus que quelques éléments à tester.

 

Quel sera l’impact de la réforme sur la collecte chez OPCA DEFI ? Quelles perspectives anticipez-vous ?

Rappelons que les OPCA paient en année « n » des formations dont le financement par les entreprises sera collecté l’année « n+1 » – à l’exception des versements volontaires, qui financent des formations réalisées l’année même. De ce fait, la collecte de 2015 correspond aux actions de formation entreprises en 2014, sur le plan de formation et la professionnalisation. Elle ne se ressent donc pas de la réforme. 2016 sera la première année de collecte des contributions obligatoires selon les nouvelles règles issues de la réforme de 2014. Quant aux versements volontaires réalisés en 2015, ils sont demeurés importants, ce qui témoigne du souhait des entreprises de poursuivre leur relation avec l’OPCA.

En revanche, en ce qui concerne la consommation de formation, les engagements des entreprises ont baissé en 2015. Comme à chaque réforme, l’ensemble des acteurs ont besoin de temps pour absorber les changements et modifier leurs pratiques en conséquence.

 

L’entrée en vigueur du décret qualité est prévue pour janvier 2017. Comment vous préparez-vous à faire face à ces nouvelles obligations ?

Le décret détermine un ensemble de règles et de critères généraux en matière de suivi de la qualité des formations financées par les OPCA, règles et critères qu’il nous appartient de décliner sur un plan opérationnel. C’est précisément l’objet de travaux conduits depuis plusieurs mois, coordonnés par le Fonds paritaire pour la sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et intégrant l’ensemble des OPCA. Nous travaillons à une approche aussi commune que possible, afin de mettre en place un système opérant au 1er janvier 2017.

Les OPCA intervenaient déjà en matière de qualité, au moment des contrôles d’éligibilité/imputabilité des actions et au moment du règlement des factures. Nous devrons désormais réaliser de nouveaux contrôles sur la base d’un certain nombre de critères qui touchent aux programmes, aux méthodes pédagogiques, à la satisfaction de l’individu formé… On attend de nous que nous renforcions les contrôles a priori et a posteriori que nous effectuons déjà, et que nous en développions d’autres que nous ne pratiquons pas encore.

Pour le moment, les modalités de ces contrôles restent à définir. Seront-ils aléatoires ou systématiques ? Porteront-ils sur chaque action de formation ou sur les organismes ? Nous devrions le savoir d’ici la fin de l’année à l’issue des travaux évoqués précédemment.

Au-delà de la thématique du contrôle qualité, il faut également mentionner un autre axe essentiel, qu’est celui de la simplification. Le contrôle devra en effet s’effectuer sans ralentir ou contraindre nos délais de traitement pour l’entreprise, le salarié et l’organisme de formation. Je rappelle qu’en majorité les organismes de formation sont par ailleurs de petite taille voire souvent constitués d’une seule personne. Il faut donc que le système mis en œuvre puisse être gérable pour ces organismes également, et pas seulement pour les plus structurés.

 

Comment imaginez-vous l’OPCA de demain ? Et l’avenir de la réforme ?

La réforme a libéralisé d’un côté (notamment le financement), et créé de nouvelles obligations de l’autre (comme la contribution plan obligatoire pour les entreprises de 10 à 49 et de 50 à 299 salariés,  l’entretien professionnel, le bilan à 6 ans, …). Dans ce double mouvement, les OPCA apparaissent comme un objet un peu hybride. Les enquêtes menées auprès de nos adhérents montrent que dans ces temps de changements importants notre expertise reste plus que jamais pertinente pour les entreprises. Elles ont besoin d’accompagnement, de conseil pour s’orienter vers les bons dispositifs, tant en termes d’ingénierie de financement que d’allégement administratif et de sécurisation légale. Nous sommes donc renforcés dans notre rôle tout en étant amenés à repenser un certain nombre de nos services, voire à en créer de nouveaux.

Il y a certainement des services à développer, par exemple dans la construction de parcours CPF entre le salarié et l’entreprise, en ayant recours à l’abondement de cette dernière, dans une logique gagnant-gagnant. Le CPF peut encore être simplifié et assoupli, même s’il ne faut pas forcément vouloir absolument le faire rentrer dans le moule des dispositifs précédents.

Mais la réforme ne doit pas non plus se résumer au CPF : elle suit notamment un fil conducteur clair, avec la volonté de sécuriser le parcours des salariés via l’obtention d’une certification/qualification. C’est la logique à l’œuvre dans le CPF, mais aussi dans la période de professionnalisation « nouvelle formule », dans le socle de connaissances et de compétences, les contrats de sécurisation professionnelle, devenus obligatoirement certifiants-qualifiants…

En définitive, il me semble ardu de se faire une idée réelle de l’enracinement de ces nouveaux dispositifs avant la fin de l’année 2016. L’enjeu est maintenant que chacun s’approprie la réforme et adapte ses pratiques : l’entreprise, le salarié, l’OPCA et l’organisme de formation…

 

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