La semaine dernière, nous avons diffusé la première partie de l’interview de Carine Seiler traitant des décrets en cours de rédaction, concernant la définition de l’action de formation, sa qualité et la nouvelle déclaration administrative.
Voici la suite de cet échange.
Là encore, il s’agit d’une question importante et complexe.
La réforme, en supprimant la déclaration 2483, implique de nouvelles modalités de traçabilité et la loi (article L.6331-32 du Code du travail) prévoit que, parmi les obligations sociales de l’employeur en matière de formation, l’employeur devra transmettre à l’autorité administrative des informations relatives aux modalités d’accès à la formation professionnelle de ses salariés. Le contenu de ces informations va être défini par un décret en Conseil d’État.
Le décret d’application ne doit pas réinventer une 2483 mais dans le même temps, il reste nécessaire de pouvoir disposer d’informations sur l’ « investissement formation » des entreprises. Les nouveaux indicateurs doivent permettre de passer d’une approche quantitative, administrative à une approche qualitative. Par exemple, rendre compte de l’effort de la nation en matière de formation doit intégrer les process de transmission des savoir-faire. Là encore, les nouvelles règles doivent prendre en compte les réalités de terrain.
De même, dans le cadre de la consultation du comité d’entreprise sur le Plan de formation, prévue à l’article L. 2323-34, l’employeur doit communiquer aux représentants du personnel des informations pertinentes. Or, le décret publié le 13 septembre 2014 reste dans une approche très quantitative et se borne finalement à intégrer à la longue liste des informations à transmettre les nouveaux dispositifs (et notamment le CPF). En cela, c’est un décret décevant car la réforme pouvait (devait ?) être une occasion de rendre plus pertinent le dialogue social dans l’entreprise sur la GPEC et la Formation. L’enjeu était de passer de la présentation d’indicateurs de moyens (nombre d’heures, nombre de participants, répartis par sexe, par âge, statut, …) – qui en fait un exercice convenu – à la présentation du positionnement stratégique de la formation dans l’entreprise et de proposer une vision plus transversale et complète du développement des compétences dans l’entreprise.
Il aurait été utile de tirer les conséquences de la loi et de proposer une consultation du comité d’entreprise articulant davantage GPEC et Formation. Un grand pas avait d’ailleurs été franchi dans ce sens avec l’article 9 de la loi relative à la sécurisation de l’emploi (LSE) imposant que la négociation sur la GPEC intègre les grandes orientations à 3 ans de la formation professionnelle dans l’entreprise et les objectifs du plan. Ne faut-il pas préférer moins d’informations mais des informations mieux ciblées ?
Cette suppression aura indubitablement un impact sur les budgets. En effet, le nouveau système propose de passer d’une obligation de payer à une obligation de faire et ambitionne de libérer du temps sur la gestion administrative pour privilégier la gestion des compétences. Cette ambition invite à penser la construction de la politique (et donc du Plan de formation) comme un outil au service de la stratégie de l’entreprise et de sa GPEC, et non centrée comme un objet en elle-même, centrée sur les outils et sa logique administrative.
Cela modifie en profondeur la fonction qui était accaparée par toutes les dimensions administratives. La loi invite à articuler Formation et GPEC et rend nécessaire des rapprochements entre fonction Formation et fonction RH.
Ce faisant, la réforme invite également à mieux penser les articulations de la formation avec les politiques de l’entreprise (résultats opérationnels, qualité, ressources humaines, …), à penser la formation comme un investissement (et non plus une obligation de financement). Dans cette approche, elle peut faire partie intégrante de la politique de fidélisation des talents des entreprises en développant des dispositifs propres d’accès aux savoirs (MOOCS, universités d’entreprises, RSE, coaching, …). C’est ainsi que les investissements prendront du sens pour l’entreprise et pourront être préservés.
Cela suppose de réinterroger les process de construction du Plan de formation sur ses différents volets pour mieux articuler stratégie d’entreprise, GPEC et plan de formation et de pouvoir évaluer l’utilité des actions conduites et noter de penser le ROE (retour sur attentes) et le ROI (retour sur investissement).
À cette condition, la nouvelle loi sera un formidable accélérateur du changement dans l’entreprise.
Crédits photo : © Philippe Grangeaud
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outil au service de la stratégie de l'entreprise. Tel doit toujours être la Formation. Cette nouvelle loi a le mérite de réveiller les entreprises sur son importance.