Gestion de la formation

Plan de formation et formations obligatoires : mode d’emploi

La saison du recueil des besoins de formation et du plan de développement des compétences bat son plein. Nombre d’entreprises sont engagées à l’automne dans ce « méta-process » de la politique de formation de l’organisation. Mais il y a « besoin de formation » et « obligation de formation » ; et les deux obéissent à des logiques de gestion différentes. Au point qu’il peut paraître pertinent de prévoir non pas un, mais deux plans de formation différents : un pour les formations obligatoires, un pour les autres formations. Pourquoi, et comment s’y prendre ?

 

Deux logiques de gestion différentes

Le plan de développement des compétences, ou plan de formation, s’apparente à un plan d’investissement annuel déployé pour développer le capital humain de l’organisation. Mais il inclut en réalité des actions de nature très différentes. Certaines formations relèvent de l’investissement pur – acquérir des compétences nouvelles, parfois en lien avec des outils nouveaux ; d’autres visent à entretenir les compétences existantes. Surtout, certaines actions de formation sont volontaires et découlent d’un choix délibéré de l’entreprise (et/ou du salarié), d’autres s’imposent à l’employeur : ce sont les formations obligatoires et réglementaires – sécurité, habilitation électrique, Caces…

Dans certaines entreprises, notamment dans l’industrie et  les services à l’industrie, la proportion des formations réglementaires ou obligatoires est souvent très élevée – 30, 40, parfois 60% de l’ensemble des actions de formation. Il n’est pas rare que les obligations soient nombreuses, et obéissent à des règles différentes de validation administrative et de recyclage (c’est-à-dire de renouvellement). De plus, les salariés concernés ne sont pas tous entrés au même moment dans l’entreprise, et doivent donc renouveler leurs habilitations à des dates différentes. Globalement, la gestion des formations obligatoires fait appel à des connaissances techniques et métier que les responsables RH et formation ne maîtrisent pas toujours. Nous expliquions dans cet article en quoi les formations obligatoires posaient des questions spécifiques de gestion, et pourquoi il pouvait être avantageux de faire appel à l’externalisation pour les gérer.

Au moment de se poser la question de l’élaboration du plan de développement des compétences, il est donc pertinent de distinguer les deux types de formation, voire d’envisager deux plans de formation distincts. Il y a au moins 3 raisons de séparer les processus.

 

L’importance du timing

Première raison : le plus souvent, une formation obligatoire ne peut pas attendre. Lorsqu’un collaborateur est recruté pour une mission qui requiert une habilitation ; lorsqu’un collaborateur est réaffecté à une telle mission ; surtout, lorsque son habilitation arrive à échéance et doit être recyclée, il n’est pas possible d’attendre. Si une intervention est requise sur une installation électrique à haute tension, l’habilitation de l’intervenant doit impérativement être à jour, sous peine de conséquences pénales pour l’entreprise en cas de contrôle ou d’accident.

Or, en particulier dans une entreprise qui compte de nombreux salariés concernés par des formations obligatoires, les dates de recyclage s’échelonnent tout au long de l’année. Si un recyclage doit avoir lieu en janvier, la date est impérative. Pour les formations non-obligatoires, c’est rarement le cas : le plus souvent, elles peuvent être repoussées de plusieurs semaines ou mois.

  • Pour les formations non-obligatoires, le processus de recueil des besoins a lieu tardivement. Depuis que la loi n’impose plus de calendrier annuel, il n’est pas rare que l’on attende les entretiens de fin d’année pour faire le point sur la question avec les collaborateurs. En conséquence, le processus de recueil des besoins et d’élaboration des besoins de formation déborde fréquemment sur le mois de janvier, sans que cela ait de conséquences particulières.
  • Pour les formations obligatoires, en revanche, les dates de recyclage s’imposent et ne dépendent pas des informations recueillies lors des entretiens professionnels et/ou d’évaluation. La planification des formations obligatoires ne peut pas se permettre d’attendre que le recueil des besoins ait été finalisé, surtout lorsqu’il a lieu en fin d’année.

Formations obligatoires et non-obligatoires s’inscrivent donc dans des temporalités différentes. C’est une très bonne raison de décorréler les deux processus de planification. Le plan de formations obligatoires doit être anticipé et initié très tôt, pour être opérationnel au 1er janvier sans faute. L’élaboration du plan de formations non-obligatoires peut prendre un peu plus son temps.

 

Une gestion spécifique

Deuxième raison : la gestion des recyclages. Elle comporte trois niveaux de complexité qui se combinent.

  • La gestion du calendrier. C’est la dimension la plus simple, mais elle requiert une grande rigueur. Les formations obligatoires obéissent à des fréquences de recyclage différentes (de 2 à 5 ans, voire 10 ans), avec des dates d’anniversaire qui s’échelonnent tout au long de l’année en fonction de la date de la formation initiale de chaque salarié concerné, ou de son entrée dans les effectifs. C’est donc un tableau à triple entrée : salarié, date de début, fréquence de recyclage.
  • La gestion des carrières. L’approche d’une date de recyclage de formation obligatoire est l’occasion de poser la question de l’opportunité de reconduire l’habilitation. Le collaborateur est-il toujours là ? Dans les mêmes fonctions ? Est-il sur le départ ? A-t-il besoin d’un niveau supérieur d’habilitation ? Une fois la projection des recyclages de l’année effectuée, on le soumet donc à la validation des managers concernés. C’est un processus différent de celui du recueil des formations non-obligatoires, où le manager reçoit en général un formulaire vierge à remplir pour chaque salarié. Ici, le formulaire est spécifique, désigne précisément les collaborateurs concernés et les formations visées.
  • La gestion administrative. Les formations obligatoires sont soumises en général à des contraintes administratives et documentaires précises : certification à demander à l’organisme de référence, information du manager, parfois visite médicale… Toutes les formations peuvent donner lieu à des démarches administratives spécifiques, mais dans le cas des formations obligatoires, il y a un enjeu de conformité.

Ces spécificités justifient également la mise en place d’un processus distinct pour la gestion des formations obligatoires.

 

Un enjeu RH et recrutement : les formations initiales

Troisième raison : en cours d’année, l’entreprise va probablement embaucher de nouveaux collaborateurs, sur des postes qui requièrent des habilitations et donc des formations obligatoires. Il faudra à chaque fois se poser la même question : le nouveau salarié dispose-t-il déjà de l’habilitation nécessaire ?

  • Si oui, il faudra calculer la date du prochain recyclage et l’ajouter dans le système de gestion. Et bien sûr, s’assurer de la conformité administrative et documentaire.
  • Si non, il faudra ajouter la formation initiale nécessaire dans le plan annuel et actualiser celui-ci en temps réel. Et là aussi, prévoir la date du recyclage éventuel.

Il n’est pas rare de former les collaborateurs quand ils rejoignent l’entreprise ; mais encore une fois, la temporalité des formations obligatoires n’est pas la même : le salarié ne peut pas commencer à travailler sur la tâche prévue s’il ne l’a pas reçue.

 

Comment gérer cette dualité ?

Faut-il faire deux plans de formation, ou un seul plan avec une section « formation obligatoire » ? Pour l’essentiel, c’est une question de présentation. Ce qui est certain, c’est qu’une entreprise qui emploie de nombreux salariés soumis à des habilitations obligatoires devra mettre en place deux process distincts, avec deux circuits d’information différents, et des calendriers disjoints. Bien sûr, du point de vue de la gestion des carrières, il est essentiel que l’ensemble des formations et des compétences se retrouvent dans le profil du salarié. Mais la gestion des flux d’information obéit à une logique différente selon que la formation est obligatoire ou non.

Les services RH et formation et leurs systèmes d’information ne sont pas toujours structurés pour intégrer la complexité de la gestion des formations obligatoires – qui ne se limite pas à l’élaboration du plan de formation, comme nous l’expliquions dans cet article. En particulier, la question de savoir qui est responsable des formations obligatoires (RH, HSE, management ?) se complique d’un enjeu de circulation de l’information dans l’entreprise. En conséquence, le recours à un outil dédié et à l’expertise d’un spécialiste de la gestion de la formation peut être un choix pertinent.

 

La période du recueil des besoins de formation est propice à la réflexion sur les bons process de gestion à mettre en place pour optimiser le management des compétences au sein de l’entreprise. Les formations obligatoires, avec leurs forts enjeux de conformité, de sécurité et de traçabilité, justifient largement qu’on leur consacre un process dédié, avec un calendrier et un flux d’informations bien distincts. Pour toutes ces raisons, nous en sommes convaincus, deux plans de formation valent mieux qu’un !

Crédit photo : Shutterstock / MangKangMangMee

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