Depuis le 1er mai 2024, les embauches en contrat de professionnalisation ne bénéficient plus de l’aide exceptionnelle de 6 000 €. Mais les embauches en contrat d’apprentissage continuent à y donner droit. Autant dire que le mouvement de substitution de la professionnalisation par l’apprentissage entamé en 2018 risque de se poursuivre. Où en sont exactement les aides à l’alternance aujourd’hui pour les entreprises ? Et où en sont les chiffres des embauches ?
Sommaire
Aide « exceptionnelle » : oui pour les apprentis, non pour la professionnalisation
Apprentissage : à quelles conditions l’aide est-elle versée ?
Quelles sont les autres aides disponibles ?
Professionnalisation : en voie de disparition pour les jeunes, en hausse pour les adultes
Apprentissage : une politique à 20 milliards d’euros par an
La Dares a consacré récemment deux publications à l’alternance : l’une le 17 mai 2024 sur les contrats de professionnalisation, l’autre le 30 janvier 2024 sur l’apprentissage. Mais ces documents analysent les données de 2022, alors que la base PoEm nous donne, à cette date, des chiffres jusqu’à février 2024. Même si ces derniers ne sont sans doute pas définitifs, nous avons préféré les utiliser pour avoir une information plus récente.
On se souvient que le gouvernement avait créé, dans le sillage de la crise sanitaire, une aide exceptionnelle destinée à soutenir les embauches en contrats d’alternance. Prévue initialement pour être conjoncturelle, cette aide a été sinon véritablement pérennisée, du moins prolongée durablement. À l’objectif « maintenir l’alternance et soutenir les CFA pendant la crise » s’est substitué le slogan « 1 million d’apprentis par an ». L’expédient s’est mué en stratégie de formation et d’emploi.
Comment s’y retrouver dans les changements incessants de périmètre de l’aide exceptionnelle à l’alternance ? Nous vous proposons ce rapide récapitulatif des publics concernés :
Par ailleurs, le montant a changé au cours du temps : il était de 5 000 € pour un mineur et 8 000 € pour un majeur jusqu’à fin 2022. Il s’élève à 6 000 € pour tous depuis le 1er janvier 2023. L’aide ne concerne que la première année de contrat.
Un autre changement est venu affecter les entreprises de moins de 250 salariés : jusqu’à fin 2022, elles pouvaient recevoir une aide (appelée « aide unique » parce qu’elle réunissait différents dispositifs antérieurs à 2018) pour les 2e et 3e années d’apprentissage, si la formation visait un diplôme de niveau bac au maximum. Cette aide n’existe plus depuis 2023.
Le décret du 29 décembre 2023, qui prolonge le dispositif d’aide à l’apprentissage, ne concerne que les contrats conclus jusqu’au 31 décembre 2024. En principe, cependant, le gouvernement s’est engagé à reconduire l’aide jusqu’à la fin du quinquennat, c’est-à-dire 2027.
Les conditions de versement de l’aide à l’apprentissage n’ont pas changé par rapport à 2023. Pour en bénéficier, il faut :
L’aide est versée sans autre condition aux entreprises de moins de 250 salariés. Pour les entreprises de 250 salariés ou plus, une condition s’ajoute : il faut soit avoir atteint 5% de contrats « favorisant l’insertion professionnelle » au 31 décembre 2024, soit avoir atteint à cette date 3% d’alternants, avec une progression de 10% au cours de l’année écoulée.
L’aide s’élève à 6 000 € maximum, pour financer la première année d’apprentissage. Aucune aide n’est prévue pour les 2e et 3e années.
Il peut s’ajouter une aide de 4 000 € si l’apprenti est en situation de handicap.
Le contrat de professionnalisation ne perd pas pour autant tout type d’aide. Mais les jeunes de moins de 26 ans qui ne sont pas en situation de handicap n’en perçoivent aucune.
Deux dispositifs persistent :
Suite à ces changements successifs, il est vraisemblable que le recul du contrat de professionnalisation « jeunes », entamé en 2019 et précipité en 2020, va se poursuivre :
…son avantage pour les entreprises n’est plus évident. Même si, dans les propos officiels, on continue à parler d’un rôle dédié au contrat de professionnalisation, il est difficile d’imaginer que le dispositif survive autrement que de façon marginale.
Le contrat de professionnalisation pour les adultes, en revanche, pourrait se maintenir, voire progresser : il reste le seul moyen d’embaucher une personne de 30 ans et plus en alternance. Il est probable qu’à terme, le contrat de professionnalisation deviendra une modalité technique mobilisée dans le cadre de certains dispositifs spécifiques proposés par des financeurs comme France Travail ou les Opco : préparation opérationnelle à l’emploi, Afest, VAE inversée…
Pour une large part, nous sommes revenus à la situation immédiatement postérieure à la réforme de 2018. Délesté de la complexité administrative qui l’entravait avant la réforme, l’apprentissage est redevenu incontestablement plus avantageux pour les entreprises que le contrat de professionnalisation. Celui-ci ne conserve l’avantage que pour l’embauche en alternance de chômeurs de 30 ans et plus (impossible en apprentissage) ou de personnes handicapées.
C’est ce qui explique, sans doute, l’essor spectaculaire de l’apprentissage. En 2023, un nouveau record a été battu, avec plus de 850 000 entrées en apprentissage (public et privé confondu). Les deux premiers mois de 2024 confirment encore la tendance, qui ne semble pas s’inverser.
Mais ce très haut niveau pose de nouvelles questions et suscite plusieurs controverses :
Derrière les chiffres spectaculaires de l’apprentissage ces 3 dernières années, la réalité reste donc très incertaine. Il se met en place autour de l’apprentissage une économie subventionnée et instable, aux règles très volatiles. A court et moyen terme, pour le plan de formation, l’apprentissage reste une valeur sûre : c’est une pédagogie efficace, un mode de recrutement performant, un moyen d’acclimater et former de possibles futurs salariés. Nul doute cependant que les entreprises se tourneront vers d’autres dispositifs dès lors que celui-ci deviendra plus onéreux ou complexe.
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