Cadeau de rentrée 2020 : les responsables formation s’apprêtent à reprendre partiellement la main sur un outil qui semblait leur échapper largement depuis la loi « Avenir professionnel » de septembre 2018 : le Compte personnel de formation (CPF). L’application MonCompteFormation ainsi que l’interface web permettront désormais directement à l’entreprise de contribuer aux projets CPF de ses salariés, via l’abondement. Quelle est la portée réelle de ce changement ?
Sur le fond, rien n’a tellement changé : le CPF a été conçu, dès sa création en 2014, comme un outil au service du salarié, mobilisé à sa seule initiative, inutilisable sans son accord. En pratique, cependant, une couche de complexité administrative, gérée par les Opca, séparait le salarié de l’accès au financement de sa formation via un CPF alors libellé en heures. Cette intermédiation donnait aux entreprises et à leurs services RH une latitude importante pour proposer des formations co-financées à leurs collaborateurs.
Avec le CPF version « réforme de 2018 », la complexité administrative disparaît : le salarié mobilise directement, en euros, les fonds de son CPF depuis son mobile ou son PC. L’employeur peut désormais l’aider directement, de manière dématérialisée. L’échange menant à la co-construction du projet se fait donc de manière à la fois plus simple et plus saine : le responsable formation doit apporter des arguments convaincants pour monter un projet d’intérêt partagé avec le salarié.
Après le CPF lui-même, c’est donc son abondement qui est désintermédié. La loi prévoit, rappelons-le, qu’une série de financeurs peuvent venir compléter les droits du titulaire d’un CPF : les Opco, l’Etat, les régions, les collectivités, Pôle emploi… mais aussi l’employeur. Jusqu’à présent, cette possibilité restait pour l’essentiel théorique, ou tout du moins complexe à mettre en œuvre.
Depuis début juillet 2020, cependant, les demandeurs d’emploi peuvent solliciter directement depuis l’interface de leur compte un complément de financement à Pôle emploi. Depuis début septembre 2020, suivant un principe analogue, les employeurs peuvent se connecter directement aux CPF de leurs salariés, et les abonder. La Caisse des dépôts et consignations a mis en place dès cet été un site d’information à destination des financeurs, qui comporte une page dédiée à l’information des employeurs. D’autres financeurs, notamment les régions et les branches, devraient suivre d’ici la fin de l’année.
L’employeur peut financer directement le CPF de ses collaborateurs dans 4 circonstances. 3 d’entre elles correspondent à des obligations légales ou conventionnelles :
La 4e situation correspond à l’abondement volontaire du CPF du salarié, pour l’aider à financer ses projets de formation.
La co-construction de projets de formation, chère aux promoteurs de la réforme, pourra donc avoir lieu désormais sans intermédiaire, de façon très simplifiée. Le salarié et son employeur se mettent d’accord sur un projet. Le salarié mobilise ses droits via l’application smartphone ou l’interface web, et l’employeur complète le financement par le même biais.
En pratique, l’employeur doit d’abord disposer d’un compte sur Net-Entreprises. Il se connecte à la plateforme et identifie le ou les salariés dont il souhaite financer le projet, par leurs noms et numéros de Sécurité sociale. Il règle ensuite par virement la somme correspondante à la Caisse des dépôts et consignations. La CDC distribue les montants correspondants sur les CPF des salariés bénéficiaires et les informe de l’abondement. Le salarié doit le valider : il reste toujours le seul décisionnaire dans la démarche.
En savoir plus sur le système d’information du CPF
Pour bénéficier d’un abondement, le salarié doit d’abord « vider » son CPF : le coût de la formation doit dépasser le montant total présent sur son compte. La CDC respecte même un ordre de priorité entre les abondements : une fois les droits primaires épuisés, elle puise d’abord dans l’abondement correctif pour non-respect des règles de l’entretien professionnel, puis dans l’abondement pour licenciement après refus de modification de contrat. Viennent ensuite les droits prévus par accord collectif. Les abondements volontaires des autres financeurs, dont l’employeur, ne viennent qu’à la fin.
Le digital aura donc permis à la promesse du CPF de se concrétiser : celle d’être une ressource de financement à la disposition des salariés, qui la mobilisent seuls ou en co-investissement avec leur employeur, dans une logique de contractualisation et de responsabilisation. Certaines branches et entreprises avaient anticipé en se saisissant de l’outil pour co-financer la montée en compétences de leurs salariés. C’est le cas par exemple de Syntec, la branche du conseil, qui a conclu dès le 31 octobre 2019 un accord sur la formation professionnelle prévoyant la mobilisation de financements complémentaires des entreprises adhérentes pour les salariés qui se forment à certains métiers de la branche. C’est donc possible : il reste à voir dans quelle mesure les responsables formation vont s’approprier la formule. Une première évaluation est prévue en décembre.
Crédit photo : Shutterstock / Watchara Ritjan
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