La « loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 », en date du 23 mars 2020, comporte une série de mesures visant à permettre aux entreprises de passer le cap de la crise sanitaire et économique actuelle. Parmi ces mesures, plusieurs concernent la formation professionnelle : aménagement du calendrier de paiement de la contribution formation, report de l’obligation de certification qualité pour les organismes de formation, garantie de continuité de paiement des stagiaires… Le point sur ces ajustements de crise.
Dernière mise à jour : 16 avril 2020
Déposé le 18 mars au Sénat, le projet de loi d’urgence sanitaire a été adopté par les deux Assemblées dans le délai record de 5 jours. Il s’agit, en grande partie, d’une énumération de domaines dans lesquels le gouvernement se propose de prendre des mesures par ordonnance. Ces domaines sont répartis en trois grands volets : sanitaire, économique, électoral (en lien avec le report du second tour des municipales). Les mesures concernant la formation professionnelle figurent dans le 2e volet, à l’article 11. Elles pourront être rétroactives au 12 mars 2020. Elles ont pour beaucoup déjà été annoncées avant même le dépôt de la loi.
Sur les 43 ordonnances prévues, 25 ont déjà été adoptées en conseil des ministres dès le 25 mars, 5 le 27 mars, et 7 le 1er avril. Le texte concernant la formation professionnelle figure parmi cette dernière salve d’ordonnances. Elle reprend en grande partie les éléments contenus dans l’exposé des motifs de la loi (mais pas intégralement).
Le recours à la formation professionnelle sera favorisé dans le cadre de l’adaptation du dispositif d’activité partielle. L’ordonnance consacrée au sujet a été prise le 27 mars, et ses mesures sont proches de ce qui avait été annoncé sur le site du ministère du Travail.
Le recours au chômage partiel (ou activité partielle) est grandement favorisé. Les formalités sont accélérées et simplifiées, et la part prise en charge par l’Etat augmente : 70% du salaire brut jusqu’à 4,5 Smic, soit jusqu’à 31,59€ de l’heure, avec un montant plancher de 8,03€, contre un forfait de 7,74€ ou 7,23€ de l’heure dans la législation normale.
Ces 70% pris en charge par l’Etat correspondent au minimum que doit verser l’employeur hors loi d’urgence, dans la réglementation courante. Celle-ci prévoit également que si le salarié est en formation au moment du passage en activité partielle, l’employeur doit lui maintenir non pas 70% mais 100% de sa rémunération, sans que la prise en charge par l’Etat augmente pour autant. Les entreprises ne sont donc pas incitées à envoyer ou maintenir des salariés en formation pendant la période de chômage partiel.
Le dispositif d’urgence annoncé par le ministère comporte deux mesures relatives aux salariés en formation :
L’objectif est clairement d’encourager les entreprises à mettre à profit la période de ralentissement pour préparer la suite, en formant leurs collaborateurs. Pour le DRH/responsable formation, c’est un élément à avoir en tête.
Enfin, les salariés en contrat d’apprentissage et en contrat de professionnalisation pourront bénéficier de l’activité partielle. Leur rémunération sera donc en grande partie financée par l’Etat.
La loi n’en parle pas directement, mais l’exposé des motifs précise que « l’ordonnance permettra d’aménager les conditions de versement des contributions dues au titre du financement de la formation professionnelle, en cohérence avec les dispositions qui seront prises en matière fiscale et sociale. »
On pouvait donc supposer que le 2e acompte de 38% (de la contribution formation comme de la taxe professionnelle) prévu pour un versement le 15 septembre pourrait être repoussé. Les modalités restent cependant à préciser : l’ordonnance sur la formation professionnelle ne parle pas de ce point.
Comme on l’a déjà vu, l’Etat devrait pouvoir prendre à sa charge les frais pédagogiques des salariés en formation dans les entreprises qui bénéficieront du chômage partiel.
L’ordonnance dédiée à l’adaptation de la formation professionnelle pendant la période de crise comprend également une mesure de financement dédiée à la validation des acquis de l’expérience. Selon le rapport associé à l’ordonnance, « la période de confinement peut en effet être l’occasion d’entreprendre ou de finaliser une validation des acquis de l’expérience à distance, notamment pour les salariés placés en activité partielle ». En pratique, jusqu’à une date fixer par décret mais qui ne pourra pas être postérieure au 31 décembre 2020, les Opco et les associations Transition pro pourront financer l’accompagnement des VAE, sur la base d’un montant forfaitaire fixé par chaque financeur, dans la limite de 3 000€. Les Opco pourront utiliser pour financer ces actions, exceptionnellement, les fonds dédiés à l’alternance et les versements volontaires et conventionnels. C’est donc le moment de financer des VAE !
Les contrats de formation en alternance – apprentissage et professionnalisation – prévus pour se terminer entre le 12 mars et le 31 juillet 2020 peuvent être prolongés par simple avenant, dès lors que le stagiaire n’a pas pu terminer le cycle de formation en raison du report des cours et des examens suite à l’épidémie.
Par ailleurs, un jeune en CFA qui n’a pas encore trouvé d’employeur peut conserver son statut de stagiaire de la formation professionnelle pendant 6 mois au lieu de 3, pour tenir compte de la difficulté de trouver un employeur en ce moment.
L’entretien bilan dit « des 6 ans » peut être différé jusqu’à la fin de l’année, pour tous les salariés qui doivent en recevoir un en 2020. De plus, l’abondement de 3 000€ à verser en principe par les entreprises d’au moins 50 salariés qui ne remplissent pas leurs obligations en matière d’entretien professionnel ne sera pas imposé cette année.
Par exemple, si vous deviez organiser l’entretien des 6 ans au plus tard le 20 juin pour un salarié donné (embauché le 20 juin 2014, donc), vous pourrez l’organiser à n’importe quelle autre date postérieure, sans dépasser l’année 2020. De plus, cette nouvelle date servira de référence pour les entretiens professionnels à venir. Si, pour ce même salarié, vous organisez l’entretien des 6 ans le 25 septembre 2020, par exemple, son entretien suivant devra avoir lieu avant le 25 septembre 2022 (et non avant le 20 juin 2022).
Les organismes de formation sont fermés depuis le 16 mars, et ne peuvent donc pas mener à bien les audits nécessaires à l’obtention de la certification Qualiopi. Du retard va donc inévitablement être pris. Pour en tenir compte, la date à laquelle tous les organismes de formation devront être certifiés Qualiopi pour bénéficier de financements publics ou mutualisés, initialement fixée au 1er janvier 2021, est repoussée au 1er janvier 2022, comme c’est déjà le cas pour les Centres de formation d’apprentis (CFA). Les organismes de formation gagnent ainsi un an de délai pour obtenir le nouveau label.
Quid des prestataires qui ont déjà investi dans une certification Qualiopi ? L’exposé des motifs laissait entendre que la validité des certificats (3 ans en temps normal) pourrait être prolongée, mais l’ordonnance ne mentionne rien de tel. C’est pourtant ce qu’on pouvait entrevoir derrière la phrase « Des adaptations réglementaires devront être prises notamment s’agissant du cycle de certification et des conséquences sur les organismes concourant au développement des compétences ayant déjà obtenu la certification qualité Qualiopi. »
La loi prévoit enfin que France Compétences disposera d’un délai supplémentaire d’un an, jusqu’au 1er janvier 2022, pour enregistrer les certifications au Répertoire spécifique. Les certifications dont la validité arrive bientôt à échéance pourront donc être prorogées. Il s’agit notamment d’éviter que des formations cessent d’être éligibles aux financements publics ou mutualisés pour une simple question de délai réglementaire rendu intenable par les circonstances.
Certaines mesures d’assouplissement administratif devraient pouvoir bénéficier aux organismes de formation :
Un point positif en ces temps difficiles : la formation semble être clairement perçue, dans l’esprit du législateur, non seulement comme une activité à préserver, mais comme un moyen efficace de préparer la sortie de crise. Espérons que la réalité économique des entreprises leur permettra de mettre à profit ces mesures.
Crédit photo : Shutterstock / Anastasiia Skorobogatova
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