Comment dit-on Opca en allemand, en anglais, en espagnol ?… Comment les autres pays financent-ils et organisent-ils la formation professionnelle continue ? Y a-t-il vraiment une exception française ? Comme nous l’annoncions dans un récent article, nous commençons aujourd’hui un tour d’Europe des systèmes de formation continue, en nous arrêtant d’abord chez notre grand voisin : l’Allemagne.
L’Allemagne est souvent montrée en exemple pour son système de formation initiale en alternance. Mais qu’en est-il de la formation tout au long de la vie ? Comment est-elle organisée, et qui la finance ? La réponse n’est pas simple, car il n’existe pas de système centralisé ni de loi globale sur la formation professionnelle, comme en France. Techniquement, il y a bien un droit de la formation professionnelle, qui a fait l’objet d’une réforme en 2005. Mais globalement, l’Allemagne fait partie des pays qui réglementent peu la formation professionnelle.
Le financement repose essentiellement sur les entreprises et les ménages, même si des aides publiques et conventionnelles existent. Les entreprises n’ont pas d’obligation légale de formation, ni sous forme de contraintes réglementaires, ni sous forme de contribution financière. Certains syndicats recommandent un système de collecte centralisée un peu à la française, mais pour le moment cette piste n’a pas été suivie. Selon le centre de ressources Eures Lorraine, cité par l’Institut Montaigne, la formation continue est financée à 30% par les entreprises, 38% par les individus et 21% par l’Etat.
Il en résulte qu’il n’est pas facile de connaître précisément l’effort global de formation professionnelle continue en Allemagne. L’Union européenne conduit tous les 5 ans une enquête sur la formation professionnelle continue (Continuing Vocational Training Survey, CVTS) auprès des entreprises d’au moins 10 salariés dans l’ensemble des pays membres. Les derniers chiffres disponibles sont ceux de 2010 ; la vague de 2015 commence juste à être exploitée. Il en ressort que les entreprises allemandes consacraient 1,5% de leur masse salariale à la formation continue, contre 2,5% pour la France, et 1,6% en moyenne européenne. Le Cedefop donne des chiffres plus bas, probablement en excluant les frais non pédagogiques, et arrive à une différence du même ordre, avec 0,8% pour l’Allemagne et 1,6% pour la France.
Difficile d’en déduire cependant que les entreprises françaises forment deux fois plus leurs salariés que les allemandes, au moins pour deux raisons : le recours plus important des entreprises allemandes aux formations informelles, et la place particulière de la formation initiale en alternance des jeunes.
Les chiffres donnés plus haut reflètent essentiellement la formation « formelle », délivrée par le biais de cours et de stages, qui est aussi la plus coûteuse et la plus facile à chiffrer.
En 2010, toujours selon l’enquête CVTS, 45% des salariés français avaient participé à une formation formelle, à raison de 13 heures par salarié. En Allemagne, 39% des salariés allemands avaient suivi une formation de ce type, à raison de 9 heures par salarié[1]. A noter que l’écart s’est considérablement réduit entre 2005 et 2010 : la France a perdu un point, l’Allemagne en a gagné 9 sur cet indicateur.
Le tableau change si l’on considère les formations de type « informel ». Une étude du Céreq en distingue 5 types : la formation en situation de travail, la participation à des cercles d’enseignement ou de qualité, la participation à des conférences, ateliers et séminaires, l’auto-formation, la formation par rotation des postes, mobilité ou détachement. Les entreprises allemandes recourent davantage que les françaises à ce type de formations, en particulier les formations en situation de travail : 28% des salariés allemands en ont bénéficié en 2010, contre 14% de leurs homologues français.
Surtout, le système allemand se caractérise par l’importance de la formation initiale en alternance, le système dit « dual ». Or celui-ci forme massivement les jeunes, à hauteur de la moitié de chaque classe d’âge. Relevant de la formation initiale, il n’est a priori pas comptabilisé dans les statistiques de la formation continue. Il représenterait pourtant, pour les entreprises qui l’utilisent (une sur 4 parmi les 3,5 millions d’entreprises allemandes) de 5 à 6% de la masse salariale…
En France, comme on le sait, la formation en alternance des jeunes est répartie en deux dispositifs : l’apprentissage, qui relève de la formation initiale, et le contrat de professionnalisation, qui concerne aussi bien les jeunes de moins de 26 ans que les demandeurs d’emploi au-delà de cet âge. L’enquête CVTS, au vu du questionnaire, range manifestement tous les contrats de professionnalisation dans la catégorie « formation continue ». Il semble donc bien qu’une partie de ce qui correspondrait en France au système dual allemand (la formation initiale en alternance) soit intégré au chiffre de la dépense de formation des entreprises françaises ; alors que l’intégralité de ces types de formation est comptabilisé en Allemagne en formation initiale.
Le système dual joue un rôle considérable dans la formation professionnelle outre-Rhin. Au total, 1,5 millions de jeunes suivent une formation duale au même moment. Il s’agit de cursus de trois ans, pendant lesquels les stagiaires suivent une formation théorique pendant 20% du temps (un jour par semaine), et sont payés en moyenne entre 700 et 800€. Ils sont embauchés par l’entreprise dans 60% des cas à l’issue du cycle. Longtemps réservé aux métiers manuels et techniques, le système dual s’est étendu ces dernières années aux formations supérieures.
Il existe divers dispositifs d’aide à la formation continue en Allemagne.
S’y ajoutent les initiatives des branches, les accords d’entreprise, les politiques des Länder… Dans un contexte où le nombre de salariés couverts par des accords tend à reculer.
Difficile donc de représenter un système de formation professionnel allemand. On retiendra juste quelques dominantes :
On est donc en présence d’un système décentralisé dans lequel le salarié est acteur, au sens de contributeur financier… Et où l’offre de formation reste très connectée aux besoins de l’entreprise.
[1] Le nombre d’heures est ici rapporté au nombre total de salariés, et non à ceux qui ont participé à une formation.
Crédit illustration : fotolia/ reneberger123
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