Alors que dans beaucoup d’entreprises, l’heure est bientôt – ou vient d’être – au recueil des besoins de formation, une étude vient conforter l’idée que la politique de l’entreprise en la matière joue un rôle significatif dans l’accès effectif des salariés à la formation professionnelle. C’est désormais établi et chiffré par l’enquête Defis du Cereq. La présence ou non d’un responsable formation (en titre ou non) et sa façon d’exercer sa fonction influent donc significativement tant sur l’évolution du capital humain de l’entreprise que sur l’atteinte de l’un des objectifs phares des réformes successives depuis 2004 : rendre le salarié acteur de son parcours.
Dans une note publiée ce 10 juillet 2017, le Cereq poursuit l’exploitation de son enquête Defis (Dispositif d’enquêtes sur les formations et les itinéraires des salariés), que nous évoquions déjà l’année dernière sur ce blog. L’étude compare la part des salariés qui souhaitent se former à la proportion qui se forme effectivement, par niveau de qualification. Et s’intéresse aux leviers qui pourraient affecter ce résultat.
Premier résultat, pas si intuitif : il semble que le souhait de se former soit plutôt bien partagé. En moyenne, 68% des salariés interrogés voudraient se former dans les 5 ans à venir. Chez les cadres et les professions intermédiaires, le chiffre monte à 72 et 74%. Il descend à 60% chez les ouvriers. Il y a donc bien une disparité – qu’on aurait peut-être préféré voir dans l’autre sens ! – mais elle n’est pas si considérable.
L’étude analyse également les motivations des salariés déclarant vouloir se former. Dans toutes les catégories socio-professionnelles, un tiers des salariés voient dans la formation un moyen d’avoir davantage de responsabilités. En revanche, les employés du commerce et les ouvriers non qualifiés sont davantage susceptibles d’avoir envie de se former pour changer de métier ou d’entreprise que les cadres. Parmi les ouvriers non qualifiés qui demandent effectivement une formation, un quart sollicite d’ailleurs un congé individuel de formation (CIF), contre 14% chez les cadres. Or le CIF, de fait conçu pour bénéficier davantage aux moins qualifiés, est souvent utilisé dans la perspective d’un changement de poste ou de carrière.
Quand on regarde le tableau des demandes de formation et des formations effectivement suivies, le décor change. La moitié des cadres ont fait une demande de formation, 56% en ont suivi une au cours des 12 derniers mois. Mais moins d’un ouvrier sur cinq a formulé une demande, 22% ayant été effectivement formés. Il y a donc un net décalage entre l’envie de se former des moins qualifiés et leur capacité à demander – et obtenir – une formation. Par ailleurs, les moins qualifiés choisissent moins souvent leur cursus : il s’agit plus souvent de formations obligatoires ou choisies par l’entreprise, dans les deux tiers des situations. Les cadres ne sont que 49% dans ce cas, et bénéficient davantage de politiques de formation qui leur conviennent, destinées à les récompenser et à les fidéliser.
Les résultats de l’enquête révèlent cependant que le faible recours à la formation n’est pas une fatalité. Dans les entreprises qui déploient des politiques de formation actives, les salariés tendent à demander et obtenir davantage de formations. Ainsi, lorsque « La formation des salariés occupe une place (très) importante dans les débats entre la direction et les représentants du personnel », la part de ceux qui ont demandé une formation dans les 12 derniers mois monte de 31 à 38%. La présence de délégués du personnel a une influence également, même si elle est un peu moindre : elle fait passer le pourcentage à 35%. Le fait de diffuser de l’information sur la formation ou d’aborder le sujet lors des entretiens l’augmente à 34%. Mais lorsque le salarié a franchi le pas d’évoquer ses besoins de formation pendant l’entretien professionnel, on monte à 47%.
L’étude montre donc à quel point une politique de formation proactive est importante pour pousser les salariés à prendre en main leur propre parcours, comme les réformes les y incitent. En particulier, le salarié doit être amené à exprimer ses souhaits, et un dispositif efficace de recueil des besoins de formation peut avoir une incidence significative sur la mobilisation des salariés.
Bien sûr, il y a quelque chose d’un peu tautologique dans le constat : on se doute que les entreprises pour qui la formation est importante sont celles où les salariés vont le plus facilement exprimer leurs souhaits, ne serait-ce que parce qu’ils savent qu’ils ont une chance d’être exaucés. Il n’en reste pas moins qu’il est vain de faire des réformes en créant des outils comme le compte personnel de formation (CPF) en espérant que mécaniquement, les salariés s’en saisiront : le relai de l’entreprise demeure indispensable.
Mais alors, quid des entreprises et des activités dans lesquelles les employeurs ne sont pas particulièrement incités à développer de la formation ? Il y a deux réponses possibles. L’une est culturelle et managériale : promouvoir l’idée que, même dans une entreprise qui emploie par structure beaucoup de salariés peu qualifiés, la formation peut être un plus pour l’entreprise. L’autre passe par les politiques publiques, soit en renforçant les obligations des entreprises (comme avec l’entretien professionnel obligatoire et les sanctions associées), soit en essayant d’amener par ailleurs l’information aux salariés (via le conseil en évolution professionnelle). La réforme de 2014 a utilisé simultanément ces deux derniers leviers. Qu’en sera-t-il de la prochaine ? Nous le saurons en 2018 !
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