Révolution sociale pour les uns, coûteuse usine à gaz pour les autres, le compte personnel d’activité (CPA) aura fait couler beaucoup d’encre avant de voir effectivement le jour. C’est chose faite officiellement depuis le 1er janvier 2017, et en pratique à partir du 12 janvier avec la mise en ligne du portail moncompteactivite.gouv.fr. La formation y est à l’honneur, puisqu’elle est présente dans la conception des trois comptes que réunit – pour le moment – le CPA. Même si, pour le moment, celui-ci ne se traduit pas, en soi, par des droits nouveaux, il peut être intéressant de faire un point sur son contenu et sa vocation.
Opérationnel à partir de janvier 2017, le compte personnel d’activité bénéficie à chaque individu à partir de ses 16 ans. Chacun peut ouvrir le sien à partir du site moncompteactivite.gouv.fr, déjà accessible en ligne. Ce compte comprend :
Le compte épargne temps, longtemps pressenti pour faire partie du CPA, n’y figure finalement pas. Il n’est pas exclu que le périmètre du CPA, « coffre-fort » numérique contenant les droits des salariés, évolue : c’est même sa vocation. La loi El Khomri prévoit déjà que le bulletin de paie dématérialisé soit archivé électroniquement dans le compte personnel d’activité. En pratique, il faut pour cela que l’employeur gère la dématérialisation des bulletins de salaire avec certains prestataires identifiés (il s’agit de Primobox, PeopleDoc, Digiposte, Coffreo et Pixid).
Les organisations syndicales et patronales étaient supposées, d’après la loi, engager une concertation sur le sujet avant le 1er octobre 2016, mais les parties prenantes n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur une base de discussion. En pratique, il est peu probable que le dossier avance avant les prochaines échéances électorales. Le Conseil d’Orientation du CPA, mis en place le 10 novembre 2016 et réunissant Etat, Régions et partenaires sociaux, a pour mission de piloter l’entrée en vigueur du CPA tel qu’il existe, et non de décider de ses évolutions.
L’utilisateur qui ouvre son CPA a aujourd’hui sur le portail moncompteactivite.gouv.fr a accès à quatre principaux onglets :
Pour le moment, l’application « formation », une fois renseignée (situation, lieu de travail, branche), oriente vers 4 types d’usage des heures de CPF : la validation des acquis de l’expérience (VAE), la certification des compétences de base (CléA), l’aide à la création d’entreprise et le bilan de compétences. Ces deux dernières utilisations du CPF sont en effet possibles depuis le 1er janvier 2017.
Le premier apport du CPA est sans doute là : dans la disponibilité immédiate et intégrée d’une part importante des informations relatives aux droits des salariés. Il faudra encore un peu de temps, sans doute, pour que les différentes passerelles s’ajustent, et pour que les fonctionnalités s’affinent. A terme, pourquoi pas, le portail pourrait permettre au salarié ou au demandeur d’emploi de monter entièrement son projet de formation en partant de son compte, par le biais notamment d’un lien avec la base de donnée Datadock, elle aussi inaugurée en ce début d’année et utilisée par les Opca pour recenser les organismes de formation qui remplissent les critères réglementaires de qualité requis pour bénéficier d’un financement mutualisé.
En pratique, pour le moment, le CPA ne change rien en lui-même à la formation professionnelle, du point de vue de l’entreprise (en dehors des élargissements du CPF prévus par la loi Travail). Ce qui évolue, c’est l’accès des salariés à leurs droits, et peut-être, à terme, la pratique de leur « fongibilité » – c’est-à-dire la faculté d’utiliser conjointement des heures de formation acquises dans le cadre de CPF, du compte pénibilité et du compte d’engagement citoyen.
Le C3P permet en effet aux salariés dont le poste répond à un ou plusieurs des 10 critères de pénibilité réglementaires de cumuler des points, qui peuvent être utilisés à la formation, au financement d’un passage à temps partiel avec maintien de rémunération, ou à un départ anticipé en retraite. Mais les 20 premiers points acquis (sauf pour les salariés les plus proches de la retraite aujourd’hui) doivent impérativement être utilisés à de la formation en vue d’une reconversion. Un an d’exposition à un facteur de pénibilité vaut 4 points (8 points pour 2 facteurs ou plus). Or, chaque point donne droit à 25 heures de formation. Les auteurs du rapport sur le C3P remis au gouvernement le 21 novembre dernier ont donc calculé que sur l’année 2015 (au cours de laquelle seuls 4 des 10 critères étaient en vigueur), 42 millions d’heures de droit à formation ont déjà été accumulées.
Les chiffres de 2015 portent sur 500 000 comptes ouverts. La loi prévoyait que 3 millions de salariés seraient concernés. A raison de 100 heures de formation par an (soit 4 points x 25 heures, une hypothèse basse, puisque les poly-exposés en reçoivent 200), on pourrait voir la somme des droits C3P à utiliser obligatoirement en formation monter à… 1,5 milliards d’heures d’ici 2020.
Ces heures sont, en principe, financées par les contributions versée par les entreprises pour la pénibilité (0,01% des rémunérations pour toutes les entreprises depuis 2017, plus la contribution additionnelle de 0,2% ou 0,4% versée par les employeurs de salariés exposés). En pratique, le salarié effectue sa demande au moins 60 jours avant la date souhaitée pour une formation de moins de 6 mois, 120 jours pour une formation plus longue ; l’entreprise ou l’Opca avance la somme ; la Carsat ou la Cnavts rembourse. Le prix de l’heure est plafonné, mais si le montant est dépassé, le solde peut être pris sur les heures de CPF, ou sur des points supplémentaires de C3P. C’est là la fameuse « fongibilité », limitée pour le moment au financement des dépassements de formation de reconversion pour sortir des métiers pénibles.
Ces heures s’ajoutent au CPF, au-delà du plafond de celui-ci, et peuvent être utilisées normalement pour financer des formations éligibles dès lors que toutes les autres heures sont épuisées. Mais elles peuvent aussi être mobilisées indépendamment des autres heures de CPF pour financer des formations visant à acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de leurs missions bénévoles ou volontaire. Un Opca désigné par arrêté finance la formation et est remboursé ensuite dans la limite d’un plafond, le plus souvent par l’Etat.
On peut donc s’attendre à ce que le portail moncompteactivite.gouv.fr permette de s’orienter au mieux dans ces différents droits formation et ces différentes conditions d’usage, en espérant que celles-ci se simplifient avec le temps.
Préconisée par France Stratégie dans son rapport « Quelle France dans 10 ans ? » du 25 juin 2014, la création d’un compte personnel d’activité était annoncée par le président Hollande dès le 3 avril 2015. La loi Rebsamen de modernisation du dialogue social en a posé le principe le 17 août 2015. Mais c’est la loi El Khomri du 8 août 2016 et les décrets afférents (celui du 12 octobre 2016 surtout) qui marquent réellement la naissance du CPA.
Si le compte personnel de formation a souvent changé de périmètre au cours des discussions qui ont présidé à sa conception, l’idée dominante est toujours restée la même : attacher les droits sociaux à la personne et non à son contrat de travail. Cette préoccupation remonte notamment à l’époque du Droit individuel à la formation (DIF) : une revendication des organisations syndicales était d’en garantir la portabilité pour le salarié, c’est-à-dire la capacité pour celui-ci de conserver ses heures de DIF après avoir quitté son employeur. La réforme de la formation de 2009 avait partiellement concrétisé ce souhait.
Avec le compte personnel de formation (CPF), créé par la réforme du 5 mars 2014, un pas était franchi : chacun accumule des heures de formation dans le cadre de son contrat de travail, et les conserve indéfiniment tant qu’elles ne sont pas consommées. Deux mois plus tôt, la réforme des retraites du 20 janvier 2014 avait créé le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), lui aussi attaché à la personne, et permettant également de cumuler du temps de formation. Le CPA les rassemble donc aujourd’hui, en ajoutant le tout nouveau Compte d’engagement citoyen.
Parmi les différents scénarios envisagés au cours du temps pour le CPA, l’option retenue se centre donc sur la formation, vue comme outil de sécurisation et de dynamisation des parcours. Il en est probablement au tout début de son évolution. De grandes questions demeurent, qui impacteront les entreprises et les salariés : sera-t-il plus facile à l’avenir de transférer des droits d’un compte à l’autre ? D’autres droits, comme le compte épargne temps ou les droits rechargeables au chômage, viendront-ils s’ajouter ? En définitive, ira-t-on vers une intégration plus grande des droits, avec une plus grande facilité à les mobiliser, ou au contraire vers une plus grande complexité ? L’avenir le dira, mais en attendant, il peut être utile, pour un DRH, d’aller jeter un œil dès à présent sur le site moncompteactivite.gouv.fr, afin de se familiariser avec l’outil et pouvoir l’expliquer aux salariés.
Si vous souhaitez vous inscrire à la newsletter mensuelle du blog MANAGEMENT DE LA FORMATION : rendez-vous ici.
Découvrez le site RHEXIS, l’externalisation au service de la gestion de votre formation.
Retrouvez les articles qui peuvent vous intéresser sur le même thème :
Une étude et une infographie Apave apportent un éclairage bienvenu sur l'état de l'externalisation de…
La création de France VAE rationnalise l'accès à la validation des acquis de l'expérience. Pour…
Le social learning désigne l'ensemble des méthodes et processus par lesquels nous apprenons en interaction…
Intelligence artificielle générative, digital, reste à charge du CPF, France VAE... Tour d'horizon de l'actualité…
L'entretien annuel d'évaluation est un acte de management qui rythme la vie des collaborateurs et…
La négociation entamée par les partenaires sociaux autour de Pacte de la vie au travail…