Les députés Jean-Patrick Gille et Gérard Cherpion ont publié le 9 mars 2016 leur rapport d’information sur la mise en application de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Il ne s’agit pas d’une évaluation de la réforme, mais d’un point sur sa mise en œuvre, un an après l’entrée en vigueur de ses principales mesures (1er janvier 2015). Les parlementaires formulent en outre 11 propositions d’adaptation.
MM. Cherpion (LR) et Gille (PS) sont des habitués de l’exercice : ils ont déjà rendu les rapports équivalents sur deux réformes précédentes (2009 et 2011). Cette fois-ci, ils s’estiment satisfaits de la rapidité avec laquelle ont été publiés les textes d’application. La plupart des décrets sont parus, ce qui a « permis une mise en œuvre satisfaisante de la réforme ».
En revanche, la loi prévoyait la publication de 8 rapports parlementaires, portant sur divers aspects de la réforme. Aucun n’a été remis. L’un d’eux était particulièrement attendu : celui qui devait évaluer « les conséquences du passage de l’obligation de dépenser à l’obligation de former », prévu avant le 31 décembre 2015. Il faudra attendre encore pour bénéficier de cet éclairage.
Les députés développent ensuite leurs 11 propositions d’améliorations, visant différents aspects de la loi.
Réfléchir à un mécanisme de déduction fiscale ouvert aux entreprises voire aux particuliers, en contrepartie de leurs efforts supplémentaires d’investissement en formation.
La réforme simplifie et réduit l’obligation fiscale, pour inscrire désormais la formation professionnelle dans une perspective d’obligation de former. Les rédacteurs suggèrent d’aller jusqu’au bout de la logique : les dépenses de formation pourraient être fiscalement déductibles à certaines conditions, afin d’inciter à former.
Clarifier la distinction entre les activités d’un OPCA relevant du secteur public et celles répondant à une logique de prestation commerciale.
Les Opca, historiquement, sont chargés de fait d’une mission de service public : la collecte des fonds de formation auprès des entreprises. Au fil des années, ils ont développé toute une palette de prestations de conseil, d’information, d’accompagnement, qui relèvent davantage d’une logique commerciale. Les parlementaires suggèrent de prendre acte de cette dualité dans la loi, et de lui donner un cadre.
Engager une véritable campagne de communication audiovisuelle sur le CPF, rappelant à tout salarié d’ouvrir son compte.
Le succès du compte personnel de formation (CPF) dépend de son appropriation par les salariés. Les campagnes de communication lancées en 2015 se sont limitées à la radio et à Internet, et n’ont pas eu l’impact espéré. Le début de l’alimentation des CPF, en mars 2016, peut fournir le prétexte d’une campagne audiovisuelle sur le sujet.
Favoriser l’émergence d’une culture commune des CEP, et consacrer une partie des crédits « plan 500 000 formations » au CEP.
Les députés notent que certains acteurs (Apec, Fongecif) se sont plus mobilisés que d’autres (Pôle emploi, missions locales) pour délivrer le Conseil en évolution professionnelle (CEP). Ils estiment que la qualité du service devrait être homogénéisée.
Rendre le bilan de compétences éligible aux listes CPF.
L’avant-projet de loi travail le prévoyait : le bilan de compétences pourrait devenir éligible au CPF, au moins dans certaines conditions. Les rédacteurs du rapport le recommandent, pour l’intégrer, d’ajouter une 4e catégorie de formations accessibles au CPF (après les formations au socle de connaissance, les formations qualifiantes et certifiantes, l’accompagnement à la VAE).
Fusionner les différentes listes CPF et confier la régulation des listes au Cnefop.
Au cours des auditions, les retours ont été semble-t-il unanimes : la recherche d’une formation éligible au CPF reste trop compliquée. Pour garantir une appropriation optimale par les salariés, il faut simplifier encore le dispositif, notamment en fusionnant les listes.
Redéfinir la formation de façon plus large, pour inclure l’ensemble du parcours dans l’évaluation de la qualité.
La question du contrôle de la qualité soulève beaucoup de questions auprès des personnes interrogées par les rapporteurs. Ces derniers suggèrent qu’on élargisse la définition de la formation, en la concevant « comme un parcours allant du positionnement à la validation ». L’objectif est d’évaluer davantage d’aspects de la formation, afin d’avoir une certification qualité qui prenne en compte l’efficacité réelle des prestations.
Différencier le fonctionnement des points du CPA suivant leur origine (CPF ou compte pénibilité) de façon à inciter davantage à une utilisation pour la formation.
Dans l’esprit du premier scénario du rapport de France Stratégie sur le CPA, les deux parlementaires souhaiteraient que le CPA soit à dominante formation. Ainsi, par exemple, un point de compte pénibilité utilisé pour de la formation donnerait droit à un point de CPF ; tandis que les points de CPF ne pourraient pas être convertis en points de pénibilité si ceux-ci sont utilisés pour obtenir une retraite anticipée.
Rapprocher apprentissage et professionnalisation en renforçant le rôle des Crefop ; refondre la grille de rémunération des apprentis, en supprimant notamment le facteur « âge ».
Les députés avancent deux propositions en faveur de l’alternance et de l’apprentissage. Sur la question de la dualité apprentissage/contrat de professionnalisation, ils ne se prononcent pas immédiatement pour le contrat unique. Ils recommandent que les commissions régionales de l’emploi et de la formation professionnelle (Crefop) chapeautent les deux systèmes, afin notamment d’harmoniser la qualité des programmes. Ils suggèrent aussi de revoir la grille de rémunération, notamment pour éviter de pénaliser les apprentis majeurs. Actuellement, les apprentis sont payés de plus en plus à mesure qu’avance leur formation, et encore davantage s’ils sont majeurs ; cela peut inciter les entreprises à ne les embaucher que sur des périodes courtes.
Formuler des principes fondamentaux de la formation professionnelle et de l’apprentissage, en vue de rédiger un code autonome de la formation professionnelle.
L’idée, ici, serait de s’inspirer de l’exemple de la commission Badinter sur le droit du travail, qui a aussi conduit à la rédaction de principes fondamentaux. Les articles concernant la formation professionnelle seraient sortis du code du travail et réunis dans un code séparé. Les grands principes identifiés serviraient de prolégomènes (c’est-à-dire introduction) à ce nouveau code.
Le rapport ne répond donc pas à toutes les interrogations des entreprises, des Opca et des organismes de formation, notamment sur l’évolution du marché et des financements après la fin de l’imputabilité. Ce n’est pas son objet. Son principal mérite est de proposer des actions simples, concrètes et déduites des attentes remontées du terrain.
Ci-dessous la présentation de ce rapport d’application devant la commission des affaires sociales :
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