Jusqu’à la réforme de la formation professionnelle de 2014, la déclaration 2483 était une obligation fiscale pour chaque entreprise de 10 salariés et plus. Elle servait à rendre compte de la participation de l’entreprise au développement de la formation professionnelle continue. Elle représentait également une source importante de données pour la connaissance de la formation professionnelle en France. Cet article nous remet en mémoire à quel point la déclaration 2483 structurait la gestion de la formation dans les entreprises avant 2015. Alors, la 2483, bon débarras ? Oui, jusqu’à un certain point.
Article mis à jour le 22 juin 2023
Sommaire
La 2483, une déclaration fiscale
La déclaration 2483, les bonnes pratiques et le bon timing
La déclaration 2483, un outil de communication
Avant la réforme de 2014, les entreprises de 10 salariés et plus étaient soumises à l’obligation de justifier les dépenses du plan de formation à hauteur de 0,9% de la masse salariale. Si les dépenses de formation étaient inférieures à ce ratio, l’entreprise devait acquitter le solde, sans contrepartie.
Pour une réalisation complète et correcte, cette obligation fiscale exigeait une gestion rigoureuse, régulière et ininterrompue. Cette rigueur administrative, tant en amont qu’en aval de la salle de formation, permettait la délivrance d’une déclaration 2483 conforme, l’enjeu étant de ne pas trop « mettre dans le rouge » le service Formation.
Au-delà de son caractère contraignant et de sa complexité intrinsèque, le Cerfa 2483 apparaissait également comme un outil majeur de communication auprès des acteurs internes de l’entreprise (partenaires sociaux, managers et collaborateurs) et externes à celle-ci (candidats, actionnaires, analystes).
Dans cet article initialement paru en 2013, Management de la Formation proposait une réflexion opérationnelle sur la place de cette déclaration au sein du service Formation, de la Direction des Ressources Humaines et de l’entreprise en général. Spoiler: les pratiques auxquelles le formulaire 2483 astreignait les entreprises n’avaient pas que des mauvais côtés.
Ce formulaire 2483 permettait aux autorités, notamment au ministère du Travail, de contrôler les dépenses des entreprises au titre de leurs différentes contributions (y compris les versements obligatoires comme la contribution au congé individuel de formation) et d’obtenir des statistiques consolidées au niveau national sur les formations délivrées, les populations d’apprenants, les entreprises, etc.
Toutes les dépenses visant à se former ne pouvaient pas être déduites du 0,9%, et n’étaient donc pas éligibles à la déclaration 2483. On parlait d’ « imputabilité » des dépenses de formation, ou par raccourci, de « formations imputables » ou non.
La référence en la matière était la circulaire de la DEGFP n°2006/35 du 14/11/2006, qui permettait d’identifier les formations imputables.
Sauf particularités, ne sont pas imputables, par exemple :
Les bilans de compétences et la validation des acquis de l’expérience (VAE), en revanche, pouvaient être imputés sur le Cerfa 2483, de même que les dépenses de formation dans le cadre du contrat de professionnalisation.
La circulaire DGEFP n°2001-22 du 20 juillet 2001 relative aux formations ouvertes et/ou à distance « FOAD »précisait quant à elle les conditions d’imputabilité des formations de type e-learning (voir sur ce sujet notre revue de presse de mars 2013).
Une fois l’imputabilité des actions de formations clairement déterminée, il convenait de s’assurer de l’imputabilité des dépenses s’y rattachant. Outre le montant de la formation, la rémunération du temps de travail alloué à la formation, les allocations de formation aux bénéficiaires du droit individuel à la formation (DIF), les frais de fonctionnement, les dépenses de matériel ou d’équipement étaient, en effet, également soumis à des règles précises dans le cadre du formulaire 2483.
Quelques exemples :
La notion d’imputabilité pour certaines dépenses liées à la formation a même à l’époque fait l’objet d’une question au Parlement, comme signalé dans notre billet du 3 février 2013.
Il s’agissait donc d’une gestion administrative et financière chronophage, énergivore et anxiogène. La déclaration 2483 était véritablement vécue comme la croix du service Formation.
L’enjeu consistait à préparer cette déclaration progressivement et en continu. Pour apporter la preuve en cas de contrôle, il fallait compiler et conserver tous les documents permettant de justifier de la réalité des actions de formations et des dépenses liées à celles-ci :
Il fallait donc s’astreindre à des règles strictes d’archivage, tout en mettant à jour en parallèle toutes les informations de la base de données RH.
Rigueur, méthode, précision et optimisation des processus étaient requises pour assurer cette organisation quasi comptable de la Formation.
L’excellence opérationnelle requise, autant en classements des documents papier qu’en mises à jour numériques, avait ici un enjeu primordial : la conformité juridique et fiscale.
Cette gestion continue était également rendue nécessaire par la cohérence à apporter aux indicateurs présentés lors des différentes consultations des IRP tout au long de l’année. Pour la réunion du comité d’entreprise dédiée au bilan formation de l’année en cours, qui devait avoir lieu avant le 1er octobre, il était logique d’utiliser les mêmes indicateurs que ceux qui seraient présentés, de façon obligatoire avec le Cerfa 2483, un an après au titre de l’année complète.
Pour faciliter les rapprochements et les comparaisons et de fluidifier la communication sur la formation, la gestion au fil de l’eau de la déclaration 2483 allait de pair avec une « cohérence dynamique » des indicateurs de la formation. Globalement, le Cerfa 2483 était avant tout le prétexte et le cadre d’un processus dont la nécessité s’imposait de toute manière: la gestion budgétaire des dépenses de formation.
La déclaration 2483 devait être déposée le 2e jour ouvré après le 1er mai. Le mois de janvier était consacré au contrôle des dossiers de l’année et à leur clôture. Il fallait s’assurer d’avoir bien rassemblé tous les documents permettant d’imputer les dépenses de formation, d’avoir bien réalisé tous les contrôles de cohérence et traité les éventuels écarts dans la base de données RH-Formation.
Le travail sur le Cerfa 2483 proprement dite se faisait donc aux mois de février et mars. Il fallait en effet anticiper l’établissement du bilan social. Même si la date de présentation de ce dernier en CE n’était pas fixée par la loi, celle-ci intervenait en pratique en mars ou avril, ce qui conduisait à « lancer la production » du bilan social dès février ou mars. Comme les indicateurs 51, 52 et 53 dédiés à la formation devaient être conformes au formulaire 2483, celle-ci devait bien être réalisée au même moment.
Avant la réunion des consultations obligatoires en 3 grandes consultations du comité social et économique (autrefois comité d’entreprise), il existait 17 consultations du CE. La formation était abordée au cours de plusieurs d’entre elles, notamment celles sur la GPEC ou celle relative au rapport annuel unique sur la situation économique de l’entreprise. Les indicateurs présentés à cette occasion étaient logiquement ceux de la déclaration 2483, afin de conserver ainsi une cohérence et une continuité de propos.
Le Cerfa 2483 pouvait également être l’occasion de valoriser les actions en terme de RSE. Elle représentait l’opportunité d’un dialogue avec les partenaires sociaux (voir à ce titre Consultation du CE : dépassons le minimum syndical !).
Le bilan social faisant souvent référence comme support de communication RH de l’entreprise (il est parfois même accessible sur certains sites corporate), les indicateurs de la 2483 pouvaient jouer le même rôle pour la formation.
La déclaration 2483 était encore l’occasion de fournir des chiffres susceptibles de valoriser la marque employeur de l’entreprise. Certains de ces chiffres pouvaient être à mis en avant sur l’intranet ou sur les pages carrières des sites internet au même titre que le bilan social et ainsi attirer des profils mieux informés.
Le formulaire 2483 pouvait, indirectement, jouer le rôle d’un excellent outil de benchmark. Le Céreq puisait largement dans les données des déclarations fiscales 2483 pour produire des études précieuses pour les entreprises. Elles permettaient de de faire des comparaisons par secteur et par taille du comportement des entreprises en matière de formation : type de dépenses, choix des dispositifs, …
Les entreprises brandissent souvent leur taux de participation financière (TPF) comme le Saint Graal. In fine, c’est souvent l’unique chiffre que l’on retient de l’activité du service Formation. Rappelons que si cet indicateur est important, il ne saurait se suffire à lui-même. Il n’est pas la photographie exacte de la formation dans l’entreprise. Il ne prend pas en compte par exemple l’apprentissage in situ, les parcours d’intégration informels, ni vraiment pour l’instant le e-learning, etc. Le Cerfa 2483 permettait d’entrer dans les détails et de développer une communication plus qualitative autour de la formation, de l’évolution professionnelle, du développement des compétences et des qualifications, de la gestion des parcours professionnels en général.
La réforme de la formation de 2014 et la loi de 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » ont considérablement simplifié le système de formation et les obligations qui pèsent sur les entreprises. Pour beaucoup de responsables formation, la déclaration 2483 n’est plus qu’un lointain cauchemar administratif, un souvenir d’un passé fort heureusement révolu. Le nouveau système permet incontestablement de mettre davantage l’accent sur la formation comme investissement et sur les missions les plus valorisantes du responsable formation. Pour autant, il est bon de se souvenir que le formulaire 2483 était porteuse de certaines externalités positives, et que sa suppression a parfois entraîné une déperdition dans la perception globale des politiques de formation. C’est vrai à l’échelle de l’entreprise comme à celle des statistiques nationales, qui commencent tout juste à se remettre de cette perte.
A l’heure où les entreprises affrontent des difficultés de recrutement et de fidélisation des talents, les directions RH et formation gagneraient peut-être à se replonger dans ces anciennes procédures. Pas pour les reproduire, bien sûr, mais pour se souvenir de la richesse des indicateurs autrefois disponibles via la déclaration 2483. Et peut-être s’en inspirer pour leur gestion actuelle des dépenses de formation et leur communication interne et externe autour du sujet.
Crédit photo : © Olivier Tuffé, © jdwfoto, © Sergey Nivens, Fotolia.com
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A l'heure actuelle si la 2483 permet d'avoir des indicateurs quantitatifs de référence en matière de formation professionnelle, elle ne donne pas une vision exhaustive de l'investissement formation des entreprises. Beaucoup d'actions de formation restent non imputables et ne peuvent pas être comptabilisées dans la 2483. De plus la formation en entreprise évolue, les actions de formation sont plus courtes et s'inscrivent dans des parcours de développement qui inclus de la formation au poste de travail, des mises en situation, des sessions de co-développement, du elearning, en résumé différentes modalités d'apprentissage permettant d'acquérir des connaissances, de développer des compétences et des aptitudes. Ces modalités d'apprentissage ne correspondent plus à la définition légale d'une action de formation. Il faut faire évoluer cette définition et faire également évoluer l'idée d'obligation légale de participation de employeur à l'effort de formation professionnelle.
Merci beaucoup Catherine pour votre commentaire.
Vous avez parfaitement raison. La 2483 est d’abord une obligation légale liée au système fiscal français. Elle est largement insuffisante pour refléter toutes les modalités d’apprentissage. Elle ne saurait se suffire à elle-même pour traduire tout l’investissement des entreprises en la matière .
Pour autant, la 2483 reste à l’heure d’aujourd’hui un point d’ancrage de la formation. Je propose d’en faire une opportunité de communication plutôt que seulement une contrainte opérationnelle.
Alain Ragot.