C’est en principe aujourd’hui, 15 septembre, que les entreprises de 11 salariés et plus doivent verser aux Opco le 2e acompte de leur contribution formation unique de 2020. Après nous être intéressés à sa composition, nous revenons sur cette contribution « formation et alternance », cette fois-ci sous l’angle de son utilisation. A qui servent les fonds de la formation depuis la réforme ? A quels usages sont-ils affectés ? La réforme a modifié à la fois les circuits de financement et les modalités de répartition.
Le financement de la formation professionnelle (1) : que paient les entreprises ?
Le financement de la formation professionnelle (3) : le système est-il financé ?
Plusieurs sites d’Opco l’annonçaient ces dernières semaines : la date d’échéance du 2e acompte de la contribution unique formation et alternance pour 2020, initialement prévue pour le 15 septembre, allait être repoussée au 31 octobre. Le décret annoncé n’est pas paru, et les Opco ont bien envoyé leurs demandes de contribution pour la date prévue. L’acompte de 38% est donc dû aujourd’hui. Une nouvelle date est franchie sur le chemin de l’ « urssafisation », c’est-à-dire le versement de la contribution directement à l’Urssaf, qui sera effectif en 2022.
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Comment sont répartis les fonds de la formation ?
Avant la réforme, la loi fixait, pour chaque catégorie de taille d’entreprise, la répartition de la contribution formation entre différentes catégories de dépenses : financement du plan de formation, du Compte personnel de formation (CPF), de la professionnalisation (contrat et période), du Congé individuel de formation’ (Cif). Une part était réservée au Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Ces pourcentages étaient fixes. Les Opca, qui collectaient la contribution, assuraient la répartition. Ils disposaient d’une certaine liberté pour assurer cette mission.
Ces pourcentages, en outre, étaient calculés sur la base de la contribution formation de 1%. La taxe d’apprentissage de 0,68% était comptabilisée et répartie séparément.
La réforme de 2018 a changé ce fonctionnement en profondeur. Désormais :
- La répartition de la contribution des entreprises est calculée sur l’ensemble de la contribution unique (les 1,68%, formation + apprentissage).
- A partir de 2022, la contribution des entreprises est répartie selon des pourcentages fixés de manière détaillée, sous la forme de fourchettes.
- A l’intérieur de ces fourchettes, chaque année, France Compétences fixe avant le 30 novembre les pourcentages qui s’appliqueront l’année suivante.
- Jusqu’à 2022, les Opco continuent à collecter la contribution, sous la forme d’acomptes annuels. Un décret fixe la répartition des contributions des entreprises de moins de 11 salariés. France Compétences répartit les contributions des entreprises de 11 salariés et plus, à l’intérieur de fourchettes fixées par décret pour chaque acompte.
Comment sont répartis les acomptes de 2020 ?
La répartition des fonds en 2020 fait l’objet de mesures transitoires assez complexes. A la différence de ce qui se passera par la suite, les contributions des entreprises de moins de 11 salariés et celles des entreprises de 11 salariés et plus ne sont pas mises au pot commun mais réparties séparément.
Contribution des entreprises de moins de 11 salariés
La répartition est la suivante :
- 65% pour l’alternance ;
- 9% pour le CPF ;
- 26% pour le plan de développement des compétences des entreprises de moins de 50 salariés.
Contribution des entreprises de 11 salariés et plus
Ici, les Opco conservent en 2020 la maîtrise de 35% des deux acomptes. Ils en reversent 65% à France Compétences, qui définit leur répartition.
Par délibération du Conseil d’administration du 27 novembre 2019, France Compétences a fixé cette répartition. Légalement, France Compétences aurait eu le droit de les fixer séparément et plus tard : la réglementation lui donnait jusqu’au 30 avril pour détailler les pourcentages du premier acompte et jusqu’au 31 octobre pour détailler ceux du deuxième. L’organisme a donc fait preuve d’anticipation en prévoyant l’ensemble de la répartition pour l’année avant le 30 novembre de l’année précédente, appliquant ainsi la règle qui s’imposera par la suite.
La répartition pour les fonds 2020 est la suivante :
- Avant calcul des pourcentages suivants, 1 581 millions d’euros sont versés à l’Etat pour la formation des demandeurs d’emploi. Ce poste est fixé par décret.
- 54,44% sont réservés à l’alternance, versés aux Opco, à l’Etat, aux régions (un peu moins d’1,7 milliards d’euros prévisionnels). 78,15% de la somme est affectée aux Opco.
- 26% pour le Compte personnel de formation (CPF), versés à la Caisse des dépôts et consignation (un peu plus de 800 millions d’euros en prévisionnel).
- 16% pour les projets de transition professionnelle (ex-Cif), versés aux CPIR (un peu moins de 500 millions d’euros prévisionnels)
- 2,9% pour le Conseil en évolution professionnelle (CEP), versés aux opérateurs CEP (90 millions d’euros).
- 0,66% pour le fonctionnement et les investissements de France Compétences (20 millions d’euros).
Soit 4,7 milliards d’euros au total, correspondant à 65% des deux acomptes pour 2020 des entreprises de 11 salariés ou plus.
Le solde de contribution (2%) qui doit être versé avant le 1er mars 2021 est réparti suivant la même clé que la contribution des entreprises de moins de 11 salariés.
D’après les montants donnés par France Compétences, on peut reconstituer une collecte prévisionnelle 2020, sur les entreprises de 11 salariés et plus, de 7,2 milliards d’euros. En ajoutant la contribution des entreprises de moins de 11 salariés et le solde de versements de mars 2021, on doit arriver près des 8 milliards annuels antérieurs à la réforme.
Au total, en compilant les données des deux acomptes 2020 (sommes gardées par les Opco et sommes reversées à France Compétences), la répartition est donc la suivante, d’après nos calculs :
Quelles seront les règles de répartition par la suite ?
La loi a fixé des règles de répartitions qui doivent s’appliquer à partir de 2021. Pour le moment, aucun décret n’est venu repousser ce délai d’application, même si la période de transition a été prolongée jusqu’à 2022.
La dotation aux demandeurs d’emploi est déjà connue pour les deux années à venir : 1,632 milliards d’euros en 2021 et 1,684 milliards d’euros en 2022.
Pour le reste, nous ne disposons que des fourchettes fixées par décret : France Compétences devrait préciser la répartition pour 2021 d’ici le 30 novembre.
Déduction faite du versement à l’Etat pour les demandeurs d’emploi, les fourchettes sont les suivantes :
- CPF : 10 à 20%.
- Plan de développement des compétences des entreprises de moins de 50 salariés : 8 à 13%.
- Transition professionnelle : 5 à 10%.
- CEP : 1 à 3%.
- Alternance : 64 à 72%.
Peut-on comparer avec le système précédent ?
La comparaison avec le système antérieur est difficile, les pourcentages ne portant pas sur les mêmes périmètres.
- Une première différence est que les taux affichés ci-dessous s’appliquent à l’ensemble de la contribution formation et alternance, soit 1,68%, alors que les répartitions antérieures à la réforme étaient calculées sur le seul 1%.
- Les taux différaient à l’époque suivant la taille de l’entreprise, ce qui n’est plus le cas (à l’exception de la distinction « moins de 11 salariés »/ « 11 salariés et plus »).
- Surtout, les taux donnés aujourd’hui sont calculés après déduction du versement à l’Etat de la part « demandeurs d’emploi », fixée chaque année par décret. Or, les montants définis en 2020, 2021 et 2022 sont sensiblement plus élevés que les 9 à 12% de la contribution des entreprises (formation et alternance) qui était consacrée au FPSPP dans le système antérieur. On est plus près de 20%.
En tenant compte de ces corrections, des calculs de coin de table laissent entrevoir que les fourchettes sont assez cohérentes avec les montants précédemment alloués aux différents dispositifs, tout en laissant une latitude à France Compétences pour fixer des priorités de financement.
La réforme n’ayant pas modifié le montant total de l’enveloppe (1,68%), personne n’en attendait de miracle financier. L’évolution de la répartition des dépenses sera cependant intéressante à suivre. La centralisation du système devrait permettre de disposer à l’avenir de données plus précises. Nous y reviendrons très prochainement.
Crédit illustration : fotolia/ VectorKnight
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