Dans le cadre de notre série sur la gestion du plan de formation, nous avons traité il y a 15 jours des deux questions suivantes :
Quel type de démarche de recueil : Top Down ou Bottom Up ?
Que recueillir : un besoin générique ou un besoin qualifié accompagné d’une action de formation ?
Aujourd’hui, nous abordons deux autres questions :
- Qui fait le recueil ?
- Quand faire le recueil ?
3. Qui fait le recueil des besoins de formation ?
Le recueil se fait très rarement directement du Responsable formation (RF) auprès des salariés. La plupart des actions de collecte des besoins sont assurées par les managers :
a) Lors d’un entretien avec le RF,
b) Lors d’un entretien en face à face, prévu ou informel, avec les salariés.
Dans tous les cas, il est judicieux d’accompagner une campagne de collecte par une bonne préparation des managers (compréhension de la note d’orientations, planification des actions à mener, etc.).
a) Le premier cas -un recueil entre le manager et le RF- se rencontre majoritairement dans les entreprises de taille moyenne (500 salariés). En effet, quand il y a une trentaine de managers, le recueil ne pose pas de problème particulier. Avant sa « tournée », le Responsable formation doit expliquer ses attentes et faire anticiper à ses managers la collecte des besoins de formation de leurs équipes et collaborateurs. La limite de cette démarche est que chaque manager recueille les besoins à sa façon, avec un risque d’hétérogénéité dans l’implication et les résultats obtenus.
b) Quand il y en a 100 ou 200, la chose est tout autre ! Le recueil demande du temps et ce dernier évolue exponentiellement avec la taille de l’entreprise. Nous sommes dans le second cas : le Responsable formation rencontre quelques managers ou directeurs mais, pour des raisons quantitatives, il ne peut descendre trop bas dans l’échelle hiérarchique. Cette démarche suppose donc que les managers organisent le recueil de façon plus fine auprès des salariés.
Pour appréhender au mieux la charge de l’activité de recueil, le Responsable formation doit s’interroger sur :
- Le volume de demandes : pour avoir une idée de la quantité de demandes à traiter, nous avons constaté qu’en général il faut compter 1 à 2 demandes par salarié.
- Le nombre de managers « recueilleurs » : c’est le nom que nous donnons aux managers qui collectent les projets et les besoins de formations auprès des collaborateurs. En effet dans une campagne de recueil, même dans le cas (b) présenté ci-dessus, le RF ne va pas forcément « descendre » jusqu’au manager de proximité.
Ce nombre de managers « recueilleurs » est extrêmement variable d’une entreprise à l’autre, même de taille et de secteur d’activité comparables. Tous les managers ne sont pas impliqués de façon identique dans le processus de collecte. Cela dépend de la culture, du style de management, du degré d’implication et de proximité que l’on souhaite donner à l’encadrement dans cette activité de collecte. Qu’est-ce qui définit le degré de recueil dans votre entreprise ? Le faire évoluer peut-il améliorer l’efficacité du recueil (moins de managers « recueilleurs », des principes plus homogènes d’une division à l’autre, etc.).
- Les modalités de recueil : évitons la valse des fichiers Excel dans les remontées des managers ! De notre expérience des services formation, cette étape du plan de formation est insuffisamment informatisée. Elle est en général réduite à l’envoi d’une simple feuille de calcul plus ou moins formatée. Le caractère parfois industriel des données à traiter et à consolider impose si non un SIRH Formation ad hoc, au moins des processus standardisés, éprouvés, connus, et partagés avec les managers recueilleurs dans la descente et la remontée d’informations.
Que cela soit les managers et leurs collaborateurs ou les managers et le Responsable formation qui collectent les projets individuels de formation, qu’en est-il de la « fraîcheur » de ces besoins consolidés ? Sont-ils encore pertinents quand ils sont collectés pour arbitrer efficacement le plan de formation ?
4. Quand recueillir ?
On l’a vu, le recueil des besoins est une activité impliquant de nombreux acteurs, de multiples étapes de collecte d’informations. Il est complexe et s’insère dans un processus d’élaboration du plan de formation dont le timing est serré. Pour une présentation au CE en décembre, l’arbitrage doit se faire en novembre. Les besoins doivent donc être collectés et chiffrés en septembre ou octobre.
Nous sommes donc en pleine saison du recueil !
Trois cas sont possibles.
#1 La situation idéale : Recueil en septembre N-1 pour le plan de l’année N
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Cette organisation garantit la fraîcheur des besoins recueillis. Elle suppose un entretien spécifique en septembre sur les besoins collectifs de formation et surtout sur les projets individuels. Or les entreprises ont déjà bien du mal à garantir un entretien RH une fois par an ! Il n’est pas certain qu’un entretien manager-salarié permettant l’identification d’une demande de formation et sa qualification puisse se dérouler en septembre !
Cette situation est rare, pour ne pas dire théorique.
#2 La situation commune : Recueil en janvier N-1 pour le plan de l’année N
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Dans la plupart des entreprises, les entretiens se déroulent en début d’année, en janvier ou en février. Ils clôturent l’année écoulée (évaluation de l’atteinte des objectifs N-1) et cadrent l’année en cours (définition des objectifs de l’année N).
La situation la plus courante est la plus désastreuse pour la qualité du plan de formation : présentation au CE en décembre sur la base d’une remontée des besoins en janvier ! Il y a donc inadéquation complète entre le calendrier légal et le calendrier opérationnel.
Deux possibilités existent tout de même pour corriger cette obsolescence des projets et besoins de formation :
- Revisiter entre juin et début septembre des besoins recueillis en janvier (étape que nous qualifions de « Validation » dans le schéma ci-dessus) ;
- Mettre en place un entretien de progrès à mi année ou juste après l’été (dans ce cas, nous basculons dans la situation #1, idéale mais difficile à mettre en œuvre).
#3 Le Recueil en janvier N pour le plan de formation de l’année N
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Cette démarche de recueil et ce timing se retrouvent plutôt dans les entreprises du middle market ou ayant une approche majoritairement Top Down de collecte des projets de formation (voir notre article précédent sur le recueil).
Dans le courant de l’automne, le Responsable formation recueille les besoins auprès des directeurs et managers. Ce recueil concerne plutôt les besoins collectifs sans exclure les projets individuels. Le projet de plan de formation est donc construit et chiffré « en masse ». Une « enveloppe » est réservée pour les besoins individuels qui seraient identifiés lors des entretiens du mois de janvier suivant.
Cette prise en compte se réalise a posteriori de la consultation du CE de décembre. Elle n’est donc pas sans interroger directement le caractère licite ou complet de la présentation au CE puisque tous les besoins ne sont pas présentés avec le détail que requiert l’exercice (répartition par direction/service, par CSP, par sexe, etc.).
C’est une approche générale qui n’est pas dénuée d’intérêt opérationnel et permet parfois de concilier les calendriers RH et légaux.
Il faut bien dire que ce n’est pas simple pour les entreprises et les directeurs de la formation de faire converger :
- Le respect des échéances légales d’élaboration du plan de formation ;
- Le timing des exercices RH, notamment impliquant les managers (rémunération, carrières, évaluation, etc.) ;
- Les impératifs business de mise en adéquation rapide des compétences aux besoins opérationnels.
Alors que penser des entreprises qui ont des exercices fiscaux décalés pour qui la référence managériale et budgétaire n’est pas l’année civile !
J’espère que la Grande Conférence sociale saura traiter de cette problématique en offrant la possibilité aux entreprises, peut-être par grands secteurs, de positionner les réunions de la consultation du comité d’entreprise en matière de formation professionnelle en adéquation avec leurs activités. Le transport aérien a d’ailleurs ouvert la voie : pour les branches de ce secteur d’activité, les deux dates limites de consultation du comité peuvent être modifiées depuis le 22 avril 2011 par un accord de branche étendu. Il serait dommage de s’arrêter en si bon chemin !
Au final, le type de collecte, Top Down ou Bottom Up, structure la pratique de recueil des besoins de formation.
La nature du besoin, qualifiée ou non, impacte l’étape suivante de chiffrage et donc la suite du processus d’élaboration du plan de formation. Même si entre l’agenda RH des entretiens et le timing des exercices budgétaires, la démarche de recueil des besoins de formation a encore du mal à trouver sa place, elle pose deux questions de fond.
1. La place du manager
Le manager a un rôle déterminant dans la qualité du recueil des projets individuels. Le bon timing garantissant une certaine fraîcheur des attentes, la modalité de recueil adaptée à la population concernée et au style de management, l’implication du manager dans cette étape déterminante du plan de formation conditionneront l’efficacité de l’offre de formation. Il faut donc « former les managers à la formation », les rendre autonomes sur ce sujet pour qu’ils appréhendent au mieux les prérequis indispensables à un recueil efficace, au choix des formations et au développement des compétences. Formons-les, accompagnons-les !
2. Entre le tout catalogue et le tout sur mesure
Il y a une tension permanente entre ces deux options : un catalogue prédéfini et une offre sur mesure.
L’approche « catalogue » permet de chiffrer rapidement les besoins de formation mais c’est une approche quelque peu consumériste de la formation qui ne permet pas de développer le rôle d’ingénierie des compétences du Responsable formation. Elle se limite trop souvent à la bonne consolidation de fichiers Excel.
L’offre sur mesure est plus pertinente (et plus valorisante) pour les acteurs du service formation : elle met en exergue leurs compétences pédagogiques. Mais l’expression du besoin orientée sur l’objectif attendu (par exemple : « Renforcer mes compétences managériales ») est difficilement quantifiable (les formations au management peuvent aller de 1 à 10 jours). Il s’en suit une perte d’efficacité et un transfert de la charge d’ingénierie dans la suite du processus d’élaboration du plan de formation.
Alors, quel est le bon mode ?
Il est propre à chaque entreprise et se situe entre les deux approches : un modus vivendi entre le « sur mesure » nécessaire à une meilleure prise en compte pédagogique des besoins, et le « tout catalogue » permettant un gain de temps dans le chiffrage et donc un arbitrage objectif et rapide.
La solution est souvent de développer l’offre sur catalogue pour consacrer plus de temps à celle sur mesure ! Dans cette perspective, on constate souvent que de nombreuses formations sont récurrentes, transverses et répondent à un besoin homogène (les formations bureautiques, linguistiques, à la gestion de projet, à la sécurité). Elles ont toute leur place dans un catalogue bien pensé.
Gageons que cet article et les pistes d’optimisation qu’il dessine puissent modestement vous faire gagner du temps dans l’exécution de cette activité de recueil pour mieux développer la qualité de l’offre de formation.
Illustrations : Florence Cosnefroy
7 commentaires
Merci beaucoup Michel pour ces encouragements !
Bonne journée.
Bien cordialement,
Toute l’équipe RHEXIS.
Bonjour,
Je suis bluffée par la clarté et la pertinence de votre article, le tout présenté sous une forme agréable à lire et illustré de manière créative et attrayante.
Bravo !
Merci mille fois pour tous ces commentaires très encourageants !!!
Nous essayons en effet d’être pertinent sur le fond et agréable dans la
forme.
Parfois, la longueur de nos articles ne facilite pas une lecture numérique.
Nous les agrémentons donc au mieux avec des visuels ou des créations
originales.
Nous sommes ravis que cela vous plaise !
Cela nous incite à poursuivre nos efforts d’analyse et de mise en forme.
Bonne journée,
L’équipe RHEXIS.
Bonjour,
Article pertinent, clarté, simplicité de mise en oeuvre !
Je pense que le responsable formation doit se positionner comme un consultant interne dans l’entreprise pour identifier les besoins collectifs et individuels de formation auprès de différents services et acteurs. Merci pour votre article qui est bien conçu !
Bien cordialement
Merci Françoise.
Merci beaucoup pour ces qualificatifs positifs sur notre article.
Ce blog s’adresse bien à vous et à tous les acteurs de la formation.
Alors n’hésitez pas à émettre d’autres commentaires et à partager vos réflexions et expériences.
Merci encore.
L’équipe RHEXIS.
Merci pour votre article, effectivement fort intéressant et très clair. La fonction formation est un domanie dans lequel il faut ré-inventer en permanence, tout adapter à l’entreprise et ses besoins.
Je pense que un recensement capable de traduire de réels besoins et attentes en termes de formation devrait se faire tout au long de l’année, pas seulement lors d’un ou deux entretiens formalisés par an. Cela implique une importante sensibilisation des managager à cette démarche ainsi que de la formation sur les notions d’entretien, d’évolution des compétences, de management par les compétences. Deux moments forts par an peuvent cependant subsister : l’entretien annuel, qui servirait alors plus à sensibiliser le salarié lui-même à une nouvelle démarche formation dans laquelle il serait acteur qu’à récolter des demandes de formation qui risquent effectivement de trouver une réponse que des mois plus tard, puis une « validation » des besoins et demandes en milieu d’année civile permettant de préparer le plan de formation, date limite pour tout salarié pour faire enrégistrer son besoin de formation.
Merci pour votre commentaire.
Nous sommes bien d’accord : la place du manager est déterminante dans la qualité du recueil en continu des projets individuels. La sensibilité du manager et son implication conditionneront l’efficacité de la formation. Il faut donc « former les managers à la formation », les rendre autonomes sur ce sujet pour qu’ils appréhendent au mieux les prérequis indispensables à un recueil efficace, au choix des formations et au développement des compétences, au fil de l’eau et également lors d’échanges plus formels.